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Billet de blog 14 février 2023

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Lettre ouverte à une députée macroniste

Avant le vote final de l’Assemblée sur la réforme des retraites, nous pouvons encore interpeller nos députés… c’est le moment ou jamais ! Ici, je partage le message que j’ai envoyé à la députée de ma circonscription. J’invite chacun à copier ce message ou à s’en inspirer, pour ouvrir les yeux des députés macronistes sur la faute qu’ils commettraient en associant leur nom à cette réforme honnie.

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Le gouvernement espère, avec la complicité des Républicains, obtenir le vote de la majorité de l'Assemblée nationale. Mais rien n'est certain, car plusieurs députés de droite et du centre ont exprimé leur réticence à voter ce texte.

(Un exemple : Stella Dupont, députée Renaissance du Maine-et-Loire - voir l'article du monde à son sujet ici)

Pour ceux qui hésitent encore, la pression citoyenne pourrait faire pencher la balance.

Pour trouver votre député et son adresse courriel, c’est ici.

Attention : ce message contient trois fois les termes « Madame la députée »… Veillez à bien modifier le genre, si nécessaire, avant de l’envoyer !

Objet : Réforme des retraites : vous pouvez refuser l'injustice

Madame la députée,

En tant qu’électeur de votre circonscription, je tiens à vous faire part de mon inquiétude au sujet du projet de réforme des retraites porté par le gouvernement, et je vous écris afin de connaître votre position à ce sujet. A la fin de cette semaine, vous serez amenée à voter le projet de loi qui prévoit de reporter l’âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans.

Il ne vous a pas échappé que ce projet est vigoureusement rejeté par la majorité de nos concitoyens. Par conséquent, si la représentation nationale venait à valider cette réforme, cela soulèverait de profondes interrogations quant à son aptitude à représenter effectivement la nation souveraine.

Si je ne peux qu’adhérer à la volonté de réduire le déficit public, le cœur du problème se trouve ici dans l’absence de répartition des efforts. Le report de l’âge légal sera vraisemblablement sans effet sur les personnes qui ont fait de longues études, puisque celles-ci doivent déjà cotiser au moins 64 ans pour obtenir une retraite à taux plein. Les plus diplômés ne participeront donc pas à l’effort d’équilibrage des régimes de retraites, et leur contribution restera la même qu’avant la réforme.

Les seuls auxquels sera imposé un effort supplémentaire seront les personnes qui ont commencé à travailler tôt, et que l’insuffisance du dispositif carrière longue obligera à travailler plus longtemps. Or, ces personnes ont la plupart du temps des revenus modestes, et exercent souvent des métiers usants. Vous n’êtes pas sans savoir, Madame la députée, qu’un ouvrier vit en moyenne six ans de moins qu’un cadre.

De surcroît, la pratique d’un métier pénible provoque un vieillissement accéléré : les ouvriers commencent à souffrir d’incapacités fonctionnelles vers l’âge de 59 ans en moyenne, tandis que pour les cadres cette phase de la vie ne débute que vers 73 ans – c’est l’Institut National d’Etudes Démographiques (INED) qui publie ces chiffres.

Cela a pour conséquence que repousser l’âge légal de la retraite, c’est imposer à une partie de la population ce qui ressemble à une triple peine : 1) Une fin de carrière plus dure, à forcer un corps déjà usé par les années de labeur. 2) Une retraite encore plus courte, pour des personnes dont l’espérance de vie est déjà réduite. 3) Une retraite moins heureuse, qui débuterait au moment même où le vieillissement entrave leur capacité à réaliser leurs projets et à profiter de leurs vies.

Le choix de reporter l’âge légal est d’autant plus regrettable, que les solutions ne manquent pas pour assurer le financement des retraites. Si je suppose que la taxation du capital ou la mise en œuvre d’impôts progressifs ne correspondent pas à votre sensibilité politique, d’autres options demeurent cependant à portée de main : augmenter les cotisations vieillesse ; relever la CSG ; ou encore accroître la durée de cotisation requise pour obtenir une retraite à taux plein. Aucune de ces voies n’est aussi injuste et inefficace que celle choisie par le gouvernement.

Inefficace ? Oui, ce qualificatif s’applique bien au report de l’âge légal. Car, vous le savez certainement, seul un senior sur trois est encore en activité au moment de la retraite. Les deux autres tiers sont en invalidité, au chômage ou inactifs. Comment ces personnes pourraient-elles travailler plus longtemps, alors que leur santé leur fait déjà défaut, ou qu’elles ne trouvent personne pour les embaucher ?

A cela il faut ajouter la hausse considérable des arrêts maladie qu’on observe pendant les dernières années de carrière. Ce phénomène s’accentue à mesure que l’âge légal de la retraite s’éloigne : en 2010, les arrêts des plus de 60 ans représentaient 4,6 % des montants indemnisés par l’assurance maladie. En 2016, cette part a grimpé à 7,7 %, soit une augmentation de 67 %. « Le coût des arrêts maladie s’envole avec la retraite à 62 ans », titrait le quotidien Les Echos à la suite de la publication de ces chiffres. Un nouveau report de l’âge légal les conduirait certainement à s’élever encore.

Dès lors, la conséquence prévisible de la retraite à 64 ans est non pas de réduire la dépense publique, mais de déplacer une masse de coûts à l’intérieur même de la Sécurité sociale, de la branche vieillesse vers la branche maladie. La réforme voulue par le gouvernement représente ainsi un choix à très courte vue – un choix qui occasionnerait un coût humain élevé, en échange d’économies budgétaires probablement bien maigres.

On a beaucoup entendu, ces dernières semaines, les membres du gouvernement affirmer qu’il s’agit d’une réforme courageuse. Madame la députée, ne vous trompez pas de combat : le vrai courage consisterait dans un premier temps à refuser d’associer votre nom à cette réforme inique, quitte à déplaire au président de la République. Dans un second temps, le vrai courage consisterait aussi à proposer une solution de financement des retraites qui répartisse les efforts dans un esprit de justice, en mettant chacun à contribution selon ses facultés.

Je vous remercie par avance pour votre attention, ainsi que pour les éléments de réponse que vous aurez la gentillesse de me faire parvenir.

Vous priant d’agréer mes sincères salutations,

Mme / M.

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