Sylvain Bourmeau

journaliste, producteur de La Suite dans les Idées (France Culture), et professeur associé à l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales

Journaliste à Mediapart

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Billet de blog 13 janvier 2009

Sylvain Bourmeau

journaliste, producteur de La Suite dans les Idées (France Culture), et professeur associé à l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales

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Libé moi non plus

Ce matin encore un choc face à Libé. Un gros. Du même genre que celui causé voici quelques années par « Ado, porno, bobo », Une de sinistre mémoire piétinant, à coup d'entretien avec la philosophe réac Michela Marzano, l'histoire éditoriale plutôt libertaire de ce journal.

Sylvain Bourmeau

journaliste, producteur de La Suite dans les Idées (France Culture), et professeur associé à l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales

Journaliste à Mediapart

Ce matin encore un choc face à Libé. Un gros. Du même genre que celui causé voici quelques années par « Ado, porno, bobo », Une de sinistre mémoire piétinant, à coup d'entretien avec la philosophe réac Michela Marzano, l'histoire éditoriale plutôt libertaire de ce journal.


Ce matin c'est la tête plein pot de Claude Berri en Une, ce « grand réalisateur » français comme ressassent depuis hier soir, des cohortes disciplinées de présentateurs radios et télé dont on ne peut s'empêcher de se demander où ils ont appris à lire - et surtout où leur a pris l'envie de journalisme. Pour moi, c'est dans Libé que ça s'est, entre autres, passé. Donc, non désolé : Claude Berri n'est pas un grand réalisateur français, Claude Berri est juste le type qui s'est ridiculisé en exigeant de répondre dans les colonnes de Libé à une magnifique critique de son film Uranus. Une critique signée Serge Daney qui fut, pour nombre de ceux qui en la matière toujours préférèrent l'école buissonnière, un maître.


En ces temps d'Eric Besson et de nomination présidentielle de Marin Karmitz à la tête d'un « Conseil pour la création artistique », ce « Tchao Berri » à la Une de Libé sonne comme une trahison de plus. Une trahison qui vient de loin tant s'est instillé dans ce journal un anti-intellectualisme de plus en en plus assumé, ostracisant progressivement un service culture qui apparaît depuis longtemps comme une sorte de dernier village gaulois qui tente vaguement de résister - le seul endroit, par exemple, où les brèves sont encore écrites « comme à Libé ».

De ce point de vue, l'évolution de Libération est à rapprocher d'un mouvement plus général qui a vu la droite parvenir à inculquer à la gauche l'idée qu'elle aurait un complexe de supériorité s'agissant de culture, l'idée banalisée qu'il ne faudrait pas être intello (=chiant) ou pointu (=snob). Ce mélange de populisme et de misérabilisme a triomphé au point de faire radicalement perdre son identité à un journal qui n'a peut-être pas besoin d'aller chercher plus loin pour comprendre le désarroi de lecteurs historiques qui doivent désormais se contenter de vivre avec des souvenirs, comme ces titres qui seraient sans doute jugés trop « élitistes » aujourd'hui : « Connard le barbant » ou « Pâté de campagne », à propos d'un film de Tavernier aussi lourdaud que du Claude Berri.