SYLVAIN MORAILLON
Président de la Ligue française des droits de l'enfant, président de l'Adua, vice-président de Violette Justice
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Billet de blog 6 déc. 2016

SYLVAIN MORAILLON
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UNE FRANCE EN DANGER

Faire l’autruche n’a jamais permis de résoudre ses difficultés. Faire taire ceux qui s’élèvent contre la corruption, l’avilissement des esprits, la destruction du pays, surtout de l’intérieur, n’a jamais fait que conduire au fascisme, comme le démontre la longue histoire politique de l’humanité.

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 Et l’autocongratulation permanente, elle, nourrit et enrichit l’un et l’autre de ces phénomènes tragiques.

La France d’aujourd’hui doit pourtant faire face au violent basculement des forces géopolitiques. Les rapports stratégiques se redessinent, les grandes puissances émergentes prennent peu à peu la place des anciens leaders. Nous ne sommes pas confrontés à un choc de civilisations, mais à une redistribution des cartes économiques. Dans ce contexte, la place de la France dans le monde est remise en question. Disposons-nous réellement des moyens de nous maintenir, en tant que nation porteuse d’un projet commun, au plus haut rang ?

Notre affaiblissement de l’intérieur permet d’en douter.

Comment pouvons-nous lutter efficacement contre le terrorisme alors que des flux d’argent opaques continuent de circuler sur notre territoire, en l’absence de tout contrôle, comme c’est le cas dans la protection de l’enfance et d’innombrables associations, petites ou grandes ? Un rapport de Tracfin, à l’étranger, l’a d’ailleurs établi : des associations humanitaires ou caritatives servent de sources de financement au terrorisme.  Comment pouvons-nous en outre prévenir d’éventuelles attaques quand les moyens de communication, numériques, médiatiques, vocaux ou postaux, peuvent être si facilement contrôlés, manipulés, et détournés par des mains crapuleuses ? Quand les courriers des ministères, des assemblées parlementaires, des préfectures, ne parviennent pas à leurs destinataires parce qu’ils sont interceptés ? Évidemment, nous en sommes fragilisés. Le contrôle de l’information, et celui des moyens de communication, ne doit pourtant s’imposer que par la raison d’état. Or, tous les lanceurs d’alerte peuvent en témoigner, des particuliers, pour protéger des intérêts privés d’ordre délictueux, sont capables de faire main basse sur tous les outils de communication actuels. Le harcèlement criminel en réseau, sur lequel Josselyne Abadie a fait un travail remarquable, montre si besoin était qu’il existe en France des pouvoirs parallèles détournant les moyens de l’état au profit de différents groupes reliés les uns aux autres par des intérêts communs, minant le pays de l’intérieur en broyant ses forces vives et en s’accaparant ses richesses.  Le Canada, comme d’habitude, a été l’un des premiers pays a voter une loi pour réprimer ce type de harcèlement d’une extrême violence – extrême et particulièrement sournoise.

Le second motif d’inquiétude, grave, concerne bien entendu la montée des extrêmes. Un Front national aux portes du pouvoir, face à une gauche  qui tente de se redessiner, de se retrouver, d’espérer. Le déni de société atteint désormais la droite, ou plutôt, l’hyper droite de François Fillon. Ce dernier promet de mettre à bas ce qu’il a fallu tant de courage et de décennies pour construire : le droit du travail, les retraites, la sécurité sociale, l’éducation, et d’une manière plus générale, les services publics qu’il souhaite saborder en les privatisant. Las ! Chaque  fois qu’il s’est déchargé de ses responsabilités, l’état a vu la qualité de ses services régresser au détriment des citoyens. Du reste, ce programme de campagne est économiquement suicidaire. S’il venait à se concrétiser, le chômage  atteindrait alors des proportions inégalées dans notre histoire. À travers de telles perspectives, c’est bien une guerre que l’on déclare au peuple, une guerre contre l’état de droit, dernier rempart de l’arbitraire avec la justice, lorsqu’elle fonctionne.

Cette justice, d’ailleurs, parlons-en un peu. Elle est la première, trop souvent, à ne plus respecter le droit. Ses magistrats agissent dans une parfaite impunité, sans aucun contrôle, sans aucune sanction réelle en cas de manquement déontologique, ou pire, de délits commis dans le cadre de leurs fonctions. Au-dessus du peuple, au dessus des élus, au-dessus des militaires, qu’elle peut désormais juger également. Tant et tant d’abus, dans les tribunaux pour enfants, dans les tribunaux de commerces, dans les affaires correctionnelles ou l’administration des tutelles… Et le justiciable, pris dans l’étau, dans cette machine inhumaine et infernale qu’est devenue l’institution judiciaire, a-t-il le moindre recours effectif ? Des faux-semblants, prévu par les textes : possibilités d’appel (souvent fictives), saisine du CSM (toujours improbable), au nom d’une prétendue indépendance de la justice qui prête à sourire lorsqu’on sait que les magistrats sont dans tout l’appareil d’état, même au ministère de l’intérieur. Combien d’années encore faudra-t-il pour qu’enfin le juge soit jugé par d’autres que ses pairs quand l’exigent la gravité de ses actes ? Tant que cela ne sera pas le cas, tous les débordements déjà connus et dénoncés par tant de citoyens ou d’élus continueront de s’amplifier. N’est-ce pas l’apanage des dictatures, ce « syndrome de dieu » qui fait croire à ceux qui détiennent un tel pouvoir que tout leur est permis ? 

Notre monde a basculé de l’individualité à l’égoïsme pur et simple, érigé en vertu. Triomphe de la télévision poubelle, qui formate des générations entières à l’idéologie nihiliste du chacun pour Soi majuscule, et le néant pour les autres, puisqu’ils ont tué Dieu.  La grande acceptation. Le laisser faire. Le « on n’y peut rien ». La pensée unique elle-même ne pense plus, ne se pense plus, et ne réfléchit d’ailleurs plus rien. Ainsi a-t-on laissé quelques hommes s’accaparer l’ensemble de tous nos médias, dans une dimension concentrationnaire, permettant de tuer toute liberté d’expression et tout champ de réaction à la sédition intellectuelle. C’est exactement l’inverse de la démocratie. Nous avons créé des géants plus puissants que nos présidents, et qui possèdent tout à la fois le son, l’image et l’écrit qui nous environnent, dans leur globalité, dans leur totalitarisme.

La France d’aujourd’hui ressemble à l’inextricable : des états dans l’état, des riches méprisant des pauvres qu’ils ont fabriqués mais qu’ils culpabilisent, des gourous qui tentent de faire croire à qui veut l’entendre que la voie du profit et le néolibéralisme barbare sont la seule issue pour éviter le chaos. Et les bottes brunes, que certains, déjà ivres d’une éventuelle prouesse électorale, sont en train de se cirer.

Ma France, ma pauvre France,  ne laisse pas l’infamie souiller ta grandeur. Ma France, ma tendre France, ne laisse pas le cynisme condamner ton avenir.

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