SYLVAIN MORAILLON
Président de la Ligue française des droits de l'enfant, président de l'Adua, vice-président de Violette Justice
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Billet de blog 13 juin 2016

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OFFRES D’EMPLOI : UN MARCHÉ DE DUPES

Ces dernières années, l’offre d’emploi s’est marchandisée. L’échec des politiques publiques en matière de création d’emploi et de réorientation professionnelle, politiques par ailleurs incapables d’accompagner la violente destruction créatrice engendrée par l’époque de mutation que nous traversons, a ouvert le chemin vers la monétisation effrénée d’un marché du travail pourtant moribond.

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On ne compte plus les sites internet qui, en échange d’un abonnement payant, pouvant aller de quelques dizaines à plusieurs centaines d’euros, par mois ou par an, selon, proposent des offres d’emplois en forme de miroir aux alouettes. Preuve que d’aucuns n’hésitent pas, même dans les pires périodes économiques, à réclamer de l’argent à ceux qui en manquent déjà cruellement. Si rien n’empêche de telles initiatives sur le plan légal – ce qui est fort regrettable, une véritable question éthique, profonde, se pose alors. Notre société est-elle à ce point devenu immorale que l’on puisse vendre à des chômeurs ou aux bénéficiaires des minimas sociaux l’espoir, si mince, de retrouver un emploi grâce au paiement d’un abonnement ?

Le marché du travail ne peut, en soi, devenir lui-même un objet de commerce. Car ce faisant, il rompt un principe d’équité fondamental : l’accès aux offres devient réservé à ceux qui ont les moyens financiers de postuler.  Il s’opère en amont une sorte de tri sélectif par l’argent. C’est une régression républicaine enfantée par le nouveau capitalisme sauvage et sans scrupule qui s’impose désormais aux peuples d’Europe et d’ailleurs.

Pire encore, en condamnant l’accès d’un grand nombre aux possibilités ouvertes, de tels mercenaires impactent directement, et de manière négative, sur la courbe du chômage. Insidieusement, ils entrainent notre modèle social vers un glissement de terrain pervers, où celui qui cherche à travailler doit d’abord payer pour cela. Si nous laissons faire ce genre de pratiques, à n’en pas douter, un jour viendra où il faudra tout simplement payer pour travailler, ou reverser une partie de son salaire au prestataire qui aura servi d’intermédiaire entre l’employeur et son nouveau salarié. Souhaitons-nous vraiment vivre dans ce genre de monde, un monde dans lequel aussi bien les actifs que les chercheurs d’emploi doivent se sacrifier sans cesse davantage pour enrichir des  individus à la morale douteuse, qui pour beaucoup n’en ont pas besoin ?

L’offre d’emploi n’est pas, ne doit pas être un bien de consommation. Elle doit être gratuite, accessible à tous, et communiquée le plus largement possible sans appartenir à personne. Afin que chacun ait sa chance, l’emploi proposé doit circuler. Des intermédiaires, quels qu’ils soient, n’ont pas à décider, et encore moins pour de strictes raisons pécunières, qui aura ou non la possibilité de proposer sa candidature à un recruteur.

Devant la démultiplication honteuse de ces pratiques, qui touchent tous les secteurs d’activités, le législateur a pour devoir d’intervenir. Ce n’est pas seulement une exigence morale, c’est aussi l’une des manières de lutter efficacement contre le chômage en enrayant la logique du recrutement faussé, et en mettant un terme à une nouvelle fabrique d’inégalité sociale en plein essor.

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