SYLVAIN MORAILLON
Président de la Ligue française des droits de l'enfant, président de l'Adua, vice-président de Violette Justice
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Billet de blog 16 mai 2014

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NOUS, HUMAINS, DOUÉS D'INTELLIGENCE

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Il y a quelque chose de grave dans l’inertie intellectuelle ambiante. L’impensé dirige notre époque, à croire qu’il est devenu dangereux de réfléchir. Et surtout de croire. D’avoir encore un peu d’espoir. La résignation s’installe comme une fatalité, une sorte d’ « à quoi bon ? »  de droit divin, qui permet aux uns et aux autres de justifier leurs échecs successifs et surtout leur laxisme. Car c’est bien de cela qu’il s’agit : laxisme politique, économique, social, culturel. Nos élus et ministres, de droite comme de gauche, sont à cours d’idéaux, nos libéraux ne savent plus comment gérer leur propre système, la retraite, le chômage et la sécurité sociale nous conduisent vers l’apocalypse financier et nos artistes font preuve d’une vacuité insultante, en témoigne la brillante participation de la France à l’Eurovision, laquelle se ridiculise une fois de plus devant 300 millions de personnes.

Ce serait comme si nous étions condamnés à vivre indéfiniment dans un système qui agonise, sans avoir la capacité de réinventer une société moderne, efficace et performante, dans laquelle il ferait bon vivre. Ce serait comme si nous avions oublié que nous étions, nous humains, doués d’intelligence ; revenus au stade purement animal, nous serions prisonniers d’une nature hostile que nous avons nous-mêmes créée sans pouvoir la changer. Alors on accepte tout, tous les excès, tous les discours, toutes les aberrations sociales et idéologiques. On accepte, et on laisse faire, puisqu’on n’y peut rien. Ce n’est pas notre faute, ce n’est plus la faute de personne d’ailleurs : il est inutile de rechercher les responsabilités, il n’y en a pas, ou alors elles sont comme la génération Y, virtuelles. Plus personne n’est responsable de quoi que ce soit. Nous avons hérité d’un monde impitoyable, d’une machine folle, qui nous détruira tous, et nous contemplons notre propre destruction dans le miroir d’une télévision qui, sans doute pour nous sauver, nous apprend à nous habiller, à faire la cuisine, à chanter faux, à être de bons parents, à décorer notre maison…

Ce qui fait l’essence même de l’humain, l’acte de création, est noyé dans la grande foire à tout médiatique qui nous assène des polémiques aussi passionnantes que l’affaire Dieudonné ou la journée de la jupe, des querelles de lobbies ou de simples personnes. Faute d’assumer les véritables combats à mener, on nous ressort les fantômes de l’antisémitisme et du féminisme, de l’homophobie ou même de l’esclavagisme. Tout cela sent vraiment la poussière : mettre en exergue les excès des uns ou des autres ne construit pas un avenir. Il y aura toujours un xénophobe ou un homophobe un peu simple d’esprit ou suffisamment manipulateur pour crier plus fort que les autres et faire croire qu’il est nombreux à lui tout seul. On est franchement loin du débat de société. Pourtant, les vrais sujets ne manquent pas : justice, travail, santé, logement, culture, énergie, environnement, agriculture, moyens de production … 

N’y a-t-il pas autre chose à  réfléchir  que l’ineptie ? En lieu et place, les laxistes détenteurs de la pensée universelle, celle de la défaite de Finkielkraut, critiquent en permanence le moindre esprit d’entreprise, la moindre volonté d’initiative. La peur de l’échec, la peur de déranger, la peur, à l’origine de toutes les misères de l’histoire, est revenue sur le devant de la scène et prend toute la place. Nous savons tous où elle conduit. Quand la résistance n’est plus que celle au changement, il devient difficile de reprendre courage.  C’est l’une des caractéristiques des époques décadentes.

Cette logique n’est cependant pas irréversible. La politique n’est pas morte avec le communisme, la fin du capitalisme ne signifie pas la fin de l’histoire, et le pouvoir de l’imagination humaine est sans limite. L’évolution ne fait que commencer. Et l’avenir, ce présent indicible, a simplement besoin qu’on lui fasse confiance pour se remettre en branle. Nous devons juste l'encourager. 

Recréons-nous. 

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