SYLVAIN MORAILLON
Président de la Ligue française des droits de l'enfant, président de l'Adua, vice-président de Violette Justice
Abonné·e de Mediapart

32 Billets

0 Édition

Billet de blog 28 janv. 2015

SYLVAIN MORAILLON
Président de la Ligue française des droits de l'enfant, président de l'Adua, vice-président de Violette Justice
Abonné·e de Mediapart

LA FAUSSE FRACTURE RÉPUBLICAINE

SYLVAIN MORAILLON
Président de la Ligue française des droits de l'enfant, président de l'Adua, vice-président de Violette Justice
Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

C’était bien d’être Charlie, encore faudra-t-il le rester.

 Le 11 janvier, plus de quatre millions de français sont descendus dans la rue pour montrer leur attachement aux valeurs de la République, et parmi celles-ci, le droit fondamental à la liberté d’expression. C’est du moins l’histoire que l’on nous a contée. En réalité, plus profondément, notre peuple a surtout tenu à montrer au monde entier sa volonté farouche de continuer à exercer le « vivre ensemble », tellement à la mode dans le discours politique. Voilà bien ce que nous sommes, nous, français : des autres devenus d’ici, soit par la naissance, soit par l’origine ancestrale ou moins lointaine, et nous vivons entre nous, pacifiquement, depuis fort longtemps - depuis la défaite de Pétain, en fait ! Nombre de médias n’ont retenu que la trentaine d’actes islamophobes (qui devint une centaine en deux jours, c’est effarant comme les chiffres peuvent varier dès lors qu’il s’agit d’appuyer une volonté politique) recensés à travers le territoire. Puis, insidieusement, les choses ont dévié, et les mêmes se sont mis à nous parler d’antisémitisme. D’un seul coup, les terroristes ayant décimé la rédaction de Charlie Hebdo avaient déclaré la guerre, non plus à la République, mais à Israël. Comme nous sommes à peu près tous intelligent, sauf lorsque nous commençons à parler de politique, je m’abstiendrai d’extrapoler davantage, mais les faits sont là. De dérive en dérive, la réalité perd son sens, et l’impact du mouvement national amorcé est dépossédé de sa raison d’être : la paix républicaine. Nos liens humains sont noirs, blancs, indiens, asiatiques, musulmans, juifs, bouddhistes ou orthodoxes, de droite ou de gauche, parfois pire, que sais-je encore, mais de toute façon ils sont nos parents, nos proches, nos cousins, nos employeurs, nos dirigeants. Tous nous venons d’autres origines, si ce n’est d’une seule génération, alors des deux ou trois précédentes. Et c'est bien notre République qui a été attaquée, de l'intérieur, par des français complices !

François Hollande, cette fois-là, ne s’y est pas trompé : s’il veut prolonger le mouvement républicain que cette tragédie a mis en branle, c’est parce qu’il a compris qu’il s’agissait du seul véritable moyen d’assurer la paix républicaine à court terme, et sa future élection à moyen terme. Rassembler, c’est se faire élire. Il a bien retenu la leçon de François Mitterrand. Peu importe sa motivation, cela étant. Quand tant et tant profitent de la crise, qui n’est plus une crise mais un renoncement à la gouvernance, pour nous dresser les uns contre les autres, notre président saisit l’opportunité de faire front commun face à la barbarie. Soit. Et nous suivrons. Mais alors que l’on nous explique clairement de quoi il s’agit : être Charlie, c’est être qui ? Dans mes jeunes années, mes amis s’en souviennent sans doute, nous militions ardemment contre l'Affront national, et toutes les formes de racisme qui commençaient à s’enraciner dans la société française. Il y a certes un peu d’amertume aujourd’hui, à se dire que ce parti, dont nous débattions justement de la légitimité démocratique, soit finalement devenu la troisième force politique du pays. Et pourtant, il y avait bien quatre millions de français le 11 janvier 2015 dans la rue pour refuser la guerre civile que l’on nous promet à tort et à travers. Non, nous n’en voulons pas, ni les chrétiens, ni les juifs, ni les musulmans, ni tous les autres : c’est une invention totalitaire et propagandiste, destiné à recueillir les voix de la peur. La France n’est pas antisémite, la France n’est pas islamophobe, et le seul danger réel pour la nation vient de ceux qui essaient de nous le faire croire en manipulant l’information pour conditionner l’opinion publique alors que l’ennemi réel est ailleurs.

 Cette affaire interpelle le peuple : un tiers ne croit déjà pas à la version officielle. À ce stade, on ne pourra pas faire passer 30 % des français pour des mystiques de la théorie du complot. Il faudra faire, un minimum, la lumière sur les graves défaillances de certaines institutions, et sur la mort, qui peut désormais sembler suspecte, des policiers mêlés au dossier.  Car la véritable question qu’il faut se poser aujourd’hui, une fois passé le premier choc émotionnel, est la suivante : COMMENT CELA A-T-IL PU ARRIVER ? La chaine des responsabilités devra être clairement établie. Et elle commence loin en amont, puisqu’encore une fois, les terroristes en action la semaine du 7 janvier sont passés par les services de l’ASE.

J’ai donc trouvé la réponse à ma question : être Charlie, c’est croire à la France républicaine, laïque, humaine, sociale et tolérante.

Être Charlie, c’est être racismophobe. 

Rewind :

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Bienvenue dans Le Club de Mediapart

Tout·e abonné·e à Mediapart dispose d’un blog et peut exercer sa liberté d’expression dans le respect de notre charte de participation.

Les textes ne sont ni validés, ni modérés en amont de leur publication.

Voir notre charte