Apprendre
Désir ou Dressage
Ces quatre mots qui composent le titre d'une conférence qui aura lieu le 25 et 26 novembre prochain au Palais des Congrès s'agrippèrent à moi un matin station Gambetta. Une amie venait de les tweeter du haut de sa branche station Saint-Fargeau.
Ce "Apprendre. Désir ou Dressage" surgit sur mon écran de téléphone et me plongea dans de brumeuses cogitations pendant toute la durée du voyage, mes quotidiennes réflêveries, mélange de réflexions et de rêveries. Bonne accroche - comme diraient les journalistes - pour les 47e journées de l'école de la cause Freudienne (ECF).
Apprendre
Désir ou Dressage
Inscrit sur un fond rouge et jaune avec un grand et un petit ours en filigrane. Il y avait un texte accompagnateur, je m'obligeai à ne pas le lire. Le titre aurait pu apparaître avec les deux-points et un point d'interrogation. Apprendre: Désir ou Dressage? C'eût été la version la plus intuitive. Mais ici, pas de deux-points, pas de point d'interrogation.
Apprendre
Désir ou Dressage
L'ours m'attira, le dressage de l'ours, l'animal à qui on apprend à faire des tours. Ce fût mon point d'entrée alors que beaucoup de monde descendait du train à Père Lachaise.
Apprendre à lire: apprendre à lire soi-même ou apprendre à lire à ses élèves. Recevoir ou donner un enseignement. Le mot apprendre est bidirectionnel. Le premier mot du titre s'adresse à un public élargi, les apprenants et les appreneurs, les apprentis et les maîtres.
Apprendre, acquérir des savoirs faire, des savoirs être, des savoirs vivre. Désir ou Dressage. L'apprenant apprend-il par désir ou le maître dresse-t-il l'élève? Y faut que ça vienne de soi ou de l'autre ? Le thème de la conférence serait la méthode, pas sûr, j'y reviendrai.
Avant de faire un discours sur la méthode, pourquoi Apprendre? Apprendre est-il le propre de l'homme? L'animal apprend-il? L'apprentissage chez les animaux est limité, lorsqu'ils naissent ils savent déjà tout ce qu'il y a à savoir. Vrai? A creuser.
Nous il nous faut vingt ans pour être bien éduqué, et encore ça ne marche pas à tous les coups (euphémisme). La maxime populaire nous révèle qu'on apprend toute sa vie. En Asie, la sagesse vient avec l'âge. L'expérience: concept intimidant, je passe. En occident, Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années.
Ça monte beaucoup à la station Parmentier, comme d'habitude.
Les autres animaux naissent, apprennent vite ce qui est requis, et ensuite ils vivent. Tout simplement. Nous, ne cessons de vivre et d'apprendre, d'apprendre pour vivre, de vivre pour apprendre.
Remontons le cours de notre histoire, faisons le saumon. L'homme de la savane ramasse une pierre et s'en sert pour chasser. Il la taille, la perfectionne puis ne peut plus se passer (manque) de cet outil, de cette technique pour tailler le silex. Il est devenu dépendent, Il a besoin de cet artefact.
Je note sur mon smartphone: relire Leroi-Ghouran, le Geste et la Parole.
Lorsque l'enfant vient, il faut lui apprendre à tailler le silex, à s'en servir de manière appropriée, à ne pas l'utiliser pour trancher la gorge de son voisin. Alors on invente d'autres techniques: règles, morales, systèmes sociaux…Et puis les techniques deviennent trop nombreuses, trop compliquées pour pouvoir les transmettre uniquement par le geste et la parole. Alors il faut inventer des techniques pour enregistrer les techniques: l'écriture, l'imprimerie, internet. Et puis les techniques pour enregistrer les techniques sont dévoyées. Alors il faut aussi inventer d'autres techniques pour les enseigner, les manipuler à bon escient.
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Note: essayer de lire Bernard Stiegler, La technique et le temps.
Prométhée, ce titan grec qui nous aurait créée à partir d'eau et de terre, qui aurait fait en sorte que l'homme puisse tenir debout sur ses deux jambes, qui nous aurait offert le feu sacré après l'avoir dérobé aux Dieux, ne m'a pas légué grande chose. Ce matin encore, il m'est donné de penser que je suis un être inadapté, un homo sapiens dégénéré, transpirant, requérant une multitudes de technologies pour arriver à évoluer dignement parmi ses congénères. De combien d’artéfacts ais-je besoin pour emprunter la ligne 3 du métro sans effrayer mes voisins? (gel, déodorants, parfum, lunettes,...)
Arts et métier, je change pour prendre la ligne 11.
Apprendre pour vivre, nécessité incontournable de notre condition humaine. Nous avons fait le choix de la technique. Si l'homme a choisi (?) de vivre avec la technique, alors apprendre est son destin. Enorme parti pris, j'assume.
Hôtel de Ville, direction ligne 1.
Vient la question de la méthode, de la manière. Puisqu'on doit apprendre pour subsister, pour exister (?), la question du système (?), du modèle d'apprentissage se pose. Il vaut mieux avoir une méthode mauvaise plutôt que de n'en avoir aucune. (De Gaulle). Nul. La méthode pour éduquer ses enfants : le fils ne doit pas quitter son père, la fille ne doit pas quitter sa mère. (Proverbe chinois). Nul.
Dressage, connotation péjorative. Désir, connotation positive. Le parti est pris, c'est bien.
Dresser un animal, lui enseigner des automatismes. Comment avons-nous acquis nos propres automatismes? Par dressage ou par désir ? Peux-t-on dresser un enfant? Maison de redressement, établissement pour redresser les enfants mal dressés. Désir d'apprendre. L'apprenant a besoin d'apprendre mais a-t-il le désir d'apprendre? Faut-il qu'il y ait un désir pour bien apprendre ? Thème de l'économie libidinale. Attention, danger, je n'y connais rien, je rebrousse chemin.
Je jette enfin un coup d'œil sur le texte introductif de la conférence.
Morceaux choisis (texte de Fabian Fajnwaks et Virginie Leblanc):
- " …explosion du tout éducatif et l’injonction quotidienne d’un véritable pousse-à-apprendre dans chacun des domaines de nos vies."
- "Et si la sphère publique étend à ce point ses ramifications, n’est-ce pas aussi que les multiples visages de la connaissance comme de la formation s’imbriquent profondément à des questions économiques de maîtrise des coûts et budgets ? Car le savoir aussi est devenu un bien et une marchandise qui permettrait une vie dans les normes, au mépris du « Tu peux savoir » le plus intime de chacun."
Une société du tout dressage, pour ramener les déviants dans le troupeau, dans le droit chemin ? De la raison humaine à la raison du système, de la raison à la rationalisation. Le thème de la conférence serait la dérive vers le tout éducatif, une dénonciation. Hyper-capitalisme, hyper-technologies, hypermarchés du savoir. Le système, le collectif prendrait le dessus sur le sujet, on ne nous laisserait plus expérimenter seul. Y faudrait rentrer dans le moule.
Note: Les chinois ont moins pensé le sujet. C'est en Asie ou l'éducation ressemble le plus à un dressage. Faire grand écart et se placer du point de vue du soleil levant. Relire François Jullien, ligne de fuite vers la pensée asiatique.
Station Georges V. Les touristes japonais descendent chargés de leurs pulsions consommatrice. Note: ne pas transformer le désir en pulsion. Pulsion d'apprendre? Compliqué. Désir d'avenir. Futurs désirables. Les socialistes semblent s'y connaitre en désir.
Désir d'apprendre. Parce qu'on n'a pas le choix ou par amour? Mon fils apprend-il le piano par envie personnel, pour témoigner l'amour qu'il porte à ses parents, pour susciter l'amour de ses parents? L'avons nous inciter à apprendre le piano pour qu'il apprenne le rythme, le tempo, pour être mieux à même de s'adapter à son monde, ou est-ce notre amour propre que nous cultivons (narcissisme) ? Aurions nous désir d'enseigner à quelqu'un si il n'y a pas d'amour ? La question du désir et de l'amour est aussi chez le maître, pas seulement chez l'élève. Y a-t-il forcément un maître? Peux-t-on apprendre seul ? Abîme.
Et pourquoi y a-t-il un "ou" dans ce titre? Le maître peut-il dresser l'élève sans que celui éprouve un désir d'apprendre ? A contrario, ne faut-il pas une dose minimum de dressage? Qu'est-ce qui vient en premier ? Dressage ou désir ?
Binaire ou bipolaire ? Ou autre chose?
α υ ̓ τ ο δ ι ́ δ α κ τ ο ς : "Personne qui s'est instruite par elle-même, sans maître."
Que de questions.
François Jullien: "Car ceux-ci organisent le contraste, en même temps que, d'une expression à la suivante, le vis-à-vis, se relayant, assurant la continuité, le transvasement s'opère; en même temps qu'il creuse la différence, et par ce fait même qu'il va la creusant, chaque terme appelle à son autre, à la suite, pour le compenser." Envoutant.
Métro Argentine. Je descends et m'immobilise devant une photo: "Au sud de la localité de Perito Moreno, dans la vallée du fleuve Pinturas, "la cueva de las manos" compte parmi les témoignages d'art rupestre les plus significatifs de la Patagonie. Des vestiges d'une culture ancienne de 9300 ans peuplent les grottes du canadon."
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Note: Perito Moreno, majestueux glacier qui avance inexorablement. Anthropocène.
Note: écrire billet.
Note: lire le blog de la conférence.