Première Prise
Je suis sorti joyeux. J’ai pensé au mot jouissif. Un film jouissif.
J’ai dévalé la rue Mazarine jusqu’au Balto. J’ai pris un verre de Brouilly au comptoir. La serveuse avait des yeux bleus souriants. « il faut que j’envoie un texto à Etienne. Etienne est un fan d’About de souffle, il faut qu’il voie ce film ».
Texto : Un grand film jouissif qui rend aussi heureux que Sirat rend perplexe. Pour toi Étienne, fan d’A bout de Souffle …à voir absolument…et ça donne envie de revoir les films de Godard. Ajout du lien vers la bande annonce du film Nouvelle Vague. (réalisé par Richard Linklater)
Etienne a répondu vite, de Stockholm.
Etienne : Et dire que sans Godard je n’aurais pas vu Nina comme je l’ai vue ! Faire très attention aux films qu’on regarde.
Il a raison. Le cinéma est une machine à créer des rêves, du désir. Faire très attention, È pericoloso sporgersi.
J’ai continué à déambuler rue Mazarine après avoir sifflé mon pinard…puis me suis retrouvé Rue de Lille à chercher un Vélib’. J’ai croisé Charlotte Rampling qui disait à quelqu’un « façon toi tu es doué pour organiser ces choses ». Etais-je toujours dans un film ? J’ai trouvé un cheval et j’ai galopé comme John Wayne en direction des Batignolles.
En pédalant, je repensais à ces images que le cinéma nous offre. Vers l’âge de 5 ans, mes souvenirs sont brumeux. Je nous revois à quatre dans la vieille Datsun de ma tante Jocelyne, qui conduit. Il y a mon cousin Wilfried, qui me fait peur. Et Il y a ma Evelyne. Elle a à peine plus de vingt et un ans. Il fait nuit, il pleut on nous emmène mon cousin et moi voir Blanche Neige au Grand Rex. Ça fait loin des Ulis. Evelyne a dû vouloir qu’on le voie sur écran géant. Une réminiscence forte : la sorcière qui tend à Blanche Neige une belle pomme rouge. Et sa voix stridente qui implore de croquer.
Cinq ans plus tard, changement d’ambiance. Mon père, que je connais depuis peu, est venu me chercher chez ma grand-mère. Il a une BMW 318 vert foncé, il roule sur la N118 à 180km/h pour m’impressionner. Il fume beaucoup et raconte des histoires que je ne comprends pas. Il se vante. On va voir Voyage au Bout de l’Enfer à Vélizy II, qui sera un autre choc. Surtout la scène de la roulette russe. Christopher Walken qui se rate. Le sang qui gicle.
Faire très attention aux films qu’on regarde. Ça donne envie de faire des films.
Jean-Luc Godard voulait briser toutes les règles. J’en ai brisé une en demandant à ChatGPT de réécrire ce billet avec le style Godard. Ce sera, en quelque sorte, la 2eme prise. Godard ne faisait jamais plus de deux prises. On verra bien celle que l’on garde au montage. A vous de décider.
Deuxième Prise
(Noir. Bruit de projecteur. Une voix.)
— Je suis sorti. Joyeux. Un film. Jouissif.
(Il y a des mots qui explosent comme des flashs.)
Plan suivant : Rue Mazarine. Un verre de Brouilly.
Une serveuse aux yeux bleus — couleur cinémaScope.
Je pense : Il faut que je dise à Étienne.
Texto : “Un grand film jouissif. Aussi heureux que Sirat est déroutant.
Pour toi, fan d’À Bout de Souffle. À voir absolument.”
(Cut. Silence. Un téléphone vibre quelque part entre Stockholm et Paris.)
Étienne : “Sans Godard, je n’aurais jamais vu Nina comme je l’ai vue.
Faire attention aux films qu’on regarde.”
(Il a raison.)
Le cinéma, c’est dangereux. È pericoloso sporgersi.
(Voix off, en léger écho.)
— Le cinéma crée du désir. De l’ombre. Des souvenirs.
Plan-souvenir : Une Datsun. La pluie. Ma mère. Blanche-Neige. La pomme rouge. La voix de la sorcière.
(Cut.)
Autre séquence. Mon père. BMW verte. Cigarette. Voyage au Bout de l’Enfer. Roulette russe. Bang.
Faire attention aux films qu’on regarde.
(Plan fixe sur mon visage. Une idée traverse.)
— Peut-être que ça donne envie d’en faire.
(Fondu. Bruit de pellicule qui claque.)
Godard disait : “Ce n’est pas une image juste, c’est juste une image.”
Coupez.
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