J'ai ouvert la porte, la grande enveloppe marron était posée sur le meuble de l'entrée, la mention "Cour d'Assises de Paris" imprimée sur le coin en haut à gauche. J'ai réfléchis une seconde à l'étymologie du terme Assises. Un mot au pluriel, nous serons donc plusieurs ou c'est l'acte de siéger qui sera répété, à creuser. Mon esprit est parti sur autre chose.
Mon fils qui s'apprêtait à faire son piano (il faudra un jour qu'il en joue) m'a observé dans l'embrasure de la porte du salon avec son habituel sourire bienveillant. Un sourire qui voulait dire: "Alors ?".
Mon épouse, du fond de la cuisine, a elle aussi lancé un Alors sur un ton mutin.
Et ben alors, c'est maintenant leur ais-je répondu.
J'ai décacheté l'enveloppe sans même enlever mon manteau et mon écharpe, et je suis allé m'affaler dans le canapé, mon fils et mon épouse retournant à leurs activités pour me laisser pudiquement, seul avec mon enveloppe.
Mon fils a commencé à jouer son morceau de Debussy que j'affectionne. Je lui ai demandé d'arrêter. 'Fiston, laisse moi tranquille deux minutes' ais-je imploré. Il n'a pas insisté. Il a préservé mon silence pendant quelques minutes et puis il a lâché un second Alors.
J'ai feuilleté nerveusement les quatre, cinq pages que contenait l'enveloppe et mon regard a été happé par des caractères plus gros que les autres.
Sur ce, ma femme est rentrée dans le salon en s'essuyant les mains et elle a prononcé son second Alors.
Alors, ce sera le lundi 14 mai leur ais-je déclamé résigné. J'ai laissé tomber les feuilles sur la table basse et j'ai fixé les yeux dans le vague le paysage qui s'offrait à moi à travers les fenêtres de notre appartement. Un corbeau est passé dans mon champ de vision à ce moment. Il ne m'a rien dit qui vaille.