Il y a eu le massacre qui a déboulé sur nos smartphones, sur nos télés, dans nos esprits anxieux, çà été notre 11 septembre
Et puis il y a eu cette brève sur ce joggeur sur le quel on a tiré le même jour, on y a tous pensé le lendemain en allant courir
Et puis il y a eu le 8 janvier ou un cinglé a tiré dans le dos d'une stagiaire de 25 ans, et puis il s'est enfuit
Et puis on a pensé à ces traques qui n'en finiraient pas
Il y a eu le massacre qui a déboulé sur nos smartphones, sur nos télés, dans nos esprits anxieux, çà été notre 11 septembre
Et puis il y a eu cette brève sur ce joggeur sur le quel on a tiré le même jour, on y a tous pensé le lendemain en allant courir
Et puis il y a eu le 8 janvier ou un cinglé a tiré dans le dos d'une stagiaire de 25 ans, et puis il s'est enfuit
Et puis on a pensé à ces traques qui n'en finiraient pas
Et puis il a y eu la double prise d'otage du 9 janvier, l'attente interminable, l'horreur dans un supermarché à quelques rues de chez nous
Et puis il y eu le dénouement à 17h00 le même jour, et puis on a pensé que tout allait rentrer dans l'ordre
Et puis le soir on a pleuré à chaudes larmes devant la télé, et puis on expliqués à nos enfants qui était Cabu
Et puis le samedi 10 janvier, on a encore pleuré à chaudes larmes en voyant défiler les reportages sur le BfM du grand-père
Et puis le samedi soir tout le monde est devenu Charlie, ma femme, mon fils, son doudou, mon père, Times Square, on pensait qu'on allait tous être Charlie toute la vie
Et puis le 11 janvier au matin on a repris espoir, il faisait beau, des potes qui sont venus à la maison pour manger des pâtes et boire du vin, à 15h on est descendu dans la rue, il y a avait du monde, on a tous pensé à l'innommable catastrophe qui pouvait arriver, la catastrophe sourde et inattendue, et puis on a été vite rassuré, qu'ensemble on était fort, qu'on défilait sereinement, et puis on est rentré, et puis on a posté cette fameuse photos sur nos murs Facebook qui nous a rendu fiers
Et puis il y a eu ce vieux aigri qui ne voulait pas être Charlie
Et puis ce soit disant comique qui a voulu surfer sur Charlie
Et puis le 12 janvier on a appris comment les victimes du magasin Kasher avaient été abattues comme des chiens
Et puis le 13 janvier on a vu le président embrasser cette maman qui n'en pouvait plus de pleurer, et puis on a encore pleuré à chaudes larmes
Et puis on a découvert la une de Charlie, triste, pleine d'amour, on était encore fiers
Et puis le 14 janvier on a essayé d'acheter Charlie, on n'a pas pu, alors comme tout le monde on a acheté le Canard
Et puis le 15 janvier on a encore essayé d'acheter Charlie
Et puis le 16 janvier, on a découvert qu'il y avait des fanatiques capables de brûler des églises pour s'attaquer à ceux qui critiquaient les religions
Et puis le 16 janvier, on a parlé du problème de la minute de silence, on a appris qu'il y avait des parents qui n'éduquaient pas leurs enfants, ou qui ne savaient plus, ou qui ne pouvaient plus ou tout çà à la fois
Et puis le 17 janvier, on a reçu des messages à propos du deux poids, deux mesures, alors on s'est indigné, et puis on a essayé de mieux comprendre, de dialoguer, de s'ouvrir, d'approfondir, et puis soudainement on ne savait plus quoi penser ou quoi dire
Et puis le 17 janvier, le président a dit qu'il fallait qu'on continue de vivre normalement
Et puis le 18 janvier, le pape a dit qu'il ne fallait pas aller trop loin
Et puis le même jour j'ai découvert le livre de Voltaire, le fanatisme
Et puis le 19 janvier, on a essayé d'arrêter de penser
Et puis le 20 janvier, on n'arrivait toujours pas d'arrêter de penser, et puis il y en a qui ont pensé Apartheid, et tout de suite on a tous pensé qu'il aurait fallu penser ghettoïsation sociale et communautarisme
Et puis le 21 janvier, on a encore acheté le canard et mon fils a découvert qu'il n'y avait pas sa BD favorite sur le beauf, et c'est là qu'il a compris que Cabu était vraiment mort
Et puis le 22 janvier, un ancien président a dit qu'il fallait rétablir les heures supplémentaires dans la police
Et puis le 22 janvier, un élu a dit qu'ils interdisaient à leurs enfants de boire du Champomi pour ne pas nous ressembler, et puis on en a eu marre, on a éteint la télé, on a éteint nos smartphones et nos ordis
Et puis le 23 janvier, on s'est mis à relire Jean François Billeter, parce que la pensée chinoise çà aide toujours à sortir de l'esprit, à revenir au corps
Et puis le 24 janvier, on a été au théâtre, pour revivre, pour repenser, et puis après le théâtre on a mangé dans un chinois, et puis on a marché pour rentrer, et puis on est passé par la place de la république, et puis on a refait encore une fois le tour de la statue, on a découvert les témoignages, les bougies, les dessins, les mots d'amours qui étaient toujours là malgré la pluie
Et puis là on s'est dit qu'on avait fait le tour, alors on a pleuré des larmes froides, froides comme ce célèbre vent du Nord qui emporte tout, ce vent des morts
On a pleuré des larmes froides, car il n'y avait plus rien à comprendre, on avait tout compris, rien de nouveau n'était arrivé, on savait déjà qu'il y avait des fanatiques, on savait déjà qu'il y avait des problèmes dans nos banlieues, on savait déjà que la mondialisation ultra libérale nous menait doucement vers l'abyme, que d'autres essayaient de s'en sortir en revenant vers Dieu, que d'autres se servaient de ceux qui essayaient de revenir vers Dieu, on savait tout déjà, il n'y avait rien de nouveau à comprendre
On a pleuré des larmes froides parce qu'on a compris que tout bêtement des fanatiques avaient tué à la Kalachnikov des dessinateurs, des gardiens de la paix, des juifs, des musulmans, des catholiques, et qu'il n'y avait rien à comprendre, rien à analyser, rien à déceler, à extrapoler, à découvrir, à conjecturer, à méditer, des larmes froides passées au filtre de nos esprits vidés
Alors on est rentré à la maison, et on a séché nos larmes, car on n'avait pas d'autres choix, et on a essayé de revivre normalement