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Billet de blog 25 mars 2017

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Christine, c'est un peu comme une plaque de verglas

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Tu descends langoureusement cette route de montagne, les mains à peine posées sur le volant, une conduite toute en légèreté. Une BMW série 7, un bijou de technologie conçue dans les forêts de Bavière par des ingénieurs manucurés. Tu enfiles les lacets de ce col suisse en écoutant du jazz sur ta sono Bose. Tes muscles enivrés par une journée de ski au soleil se prélassent dans le siège baquet en zébu blanc. Et puis patatrac, c'est la plaque de verglas, la voiture ne répond plus à tes injonctions, la panique s'empare de ton corps qui se met à émettre des quantités importantes d'adrénaline. Tu ne contrôles plus rien. A ce moment tout peux arriver.

Christine Angot, c'est un peu comme une plaque de verglas.

Quand tu te la prends, tu ne sais absolument pas ce qui va arriver. Tu peux passer à travers sans encombres ou bien partir dans le décor. C'est ce qu'a dû se dire François Fillon sur le plateau de France 2 jeudi soir. Le candidat à l'élection présidentielle de la droite et du centre déroulait l'émission de David Pujadas dans son costume sur-mesure Arnys à cinq milles balles, pépère, sûr de lui, en petite godille nerveuse. Il esquivait les questions gênantes, il s'excusait pour les cadeaux offerts (il les a rendus), il présentait pour la cinq cent quatrième fois son programme économique à base de baisses de charges et de baisses d'impôts. Et puis les cinq cent milles fonctionnaires en moins, suffirait de ne pas remplacer les départs à la retraite, de faire trimer les heureux restants quatre heures de plus chaque semaine. Les trente cinq heures, finito. L'ISF aussi. Fingers in the noise, il n'y avait pas de quoi y passer la soirée.

Et puis Christine Angot arriva, l'invité surprise, le joker de Pujadas. Elle est belle Christine, je l'ai toujours trouvé belle. J'ai un faible pour les femmes brunes coupées court. Et puis Christine elle est terriblement sincère, on sent qu'elle ne peut pas mentir, que c'est impossible, que c'est contre sa nature. Elle dit ce qu'elle pense, c'est comme ça, on la changera pas la Christine. Et puis elle parle simplement, pas besoin de rembobiner pour se la repasser, c'est clair comme de l'eau de roche, un vrai délice pour les neurones, ça coule tout seul, c'est du billard. Mais du billard brutal, du billard qui dérange. Christine ne prend pas la parole pour ne rien dire, on l'imagine mal faire des small talks. Quand elle l'ouvre c'est pour tirer des grosses cartouches, pour envoyer la purée comme on dit chez les commandos, c'est pas pour balancer du petit plomb pour les pigeons.

Alors Christine est arrivée sur le plateau, et François Fillon s'est pris une méchante plaque de verglas. Sa BM est partit en vrille directe. Il lui a fallu manœuvrer comme un bœuf pour éviter la sortie de route. En même temps, la conduite sport ça le connaît François, il en déjà plié des bagnoles. C'est pas la Christine qui allait lui faire peur. Et pourtant il a frôlé le ravin avec sa caisse, c'est passé à moins deux.

La Christine, elle n'a même pas voulu discuter. Un monologue dans ta gueule. Faut dire qu'elle sait y faire avec les mâles dominants. Elle a été à bonne école, l'école de la vie, l'école où tu t'en prends plein la tronche. Elle lui a balancé l'histoire des costards, l'histoire du pognon exorbitant encaissé par l'épouse pour une critique littéraire d'une ou deux pages parues dans la revue des deux mondes, le problème du 2ième tour ou Fillon pourrait faire gagner Marine Lepen. Et puis elle l'a achevé avec la cerise sur le gâteau, le pompon comme elle a dit, elle lui a décoché une méchante praline pour le punir d'avoir comparé son sort à celui du feu Bérégovoy. Vlan, dans ta face la comparaison à Bérégovoy. On lui fait pas à Christine, fallait pas l'énerver. Elle a un côté Gérard Depardieu, elle n'est pas Berrichonne pour rien.

Pour être franc, le François, y s'est pas démonté, il a pas été ridicule, du "de quel droit me condamnez vous?", du "ce sont les Français qui jugeront", du "ce n'est pas parce que un journal a décidé de m'accuser que je suis coupable". Mais on le sentait pas bien en dedans, un peu comme un Christmas Pudding qui ne passerait pas. Ce fût un moment à la fois gênant, impudique mais aussi très beau et violent. Au final c'est la violence et la beauté qui l'emporta. La beauté, c'est elle qui nous sauvera, Roberto Saviano a raison.

Un moment quand même, on a pensé que peut-être la Christine elle allait trop loin, que si elle nous dégommait le François, il ne resterait plus personne de sérieux pour barrer la route à Marine. Et puis le François a parlé du doute, il a demandé à Christine si elle n'avait pas le moindre doute, alors ça m'a fait flanché. C'est vrai je doute de tout. On a bien senti que le mot doute l'a fait douté aussi la Christine. Mais c'est plus fort qu'elle, quand elle ressent de la malhonnêteté, elle ne peut pas digérer. Et même si ensuite ça veut dire cinq années de gouvernement Front National.

Si Christine avait insisté, François aurait pu tout renvoyer son diner sur le complet bleue marine de David Pujadas, il n'aurait pas été jouasse le David. Mais ça s'est pas passé comme ça. La Christine, elle en a eu marre et elle a plié les gaules. Au passage elle en a balancé une au petit David qui n'avait rien demandé. S'adressant à François Fillon:"vous savez pourquoi y m'a fait venir? parce que ce que je viens de vous dire, eux, y peuvent pas vous le dire".

La moitié de la France a interprété: "si David m'a invité c'est pour me faire dire ce qu'il n'a pas le droit de dire en temps que journaliste de la télévision publique". L'autre moitié de la France a traduit par: "si David m'a invité c'est parce que il n'a pas les couilles de vous dire ces choses là lui même". Moi j'ai aussitôt penché pour la version des "couilles". Il y a les sans dents, peut bien y avoir les sans couilles. C'est vrai qu'il lui en fallu des bollocks à la mère Christine pour balancer la sulfateuse en direct devant cinq millions de téléspectateur.

Moi j'me suis dis que Christine, j'ladore.

François y s'est dit que la prochaine fois, y prendra des pneus à clous.

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