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Billet de blog 30 novembre 2022

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Olympe de Gouges était-elle royaliste ? Mise au point

La déclaration de la femme et de la citoyenne est désormais considérée comme l'un des textes fondateurs du féminisme. Et nombreuses sont celles et ceux qui voudraient que son autrice soit panthéonisée. Mais des esprits chagrins jugent qu'une royaliste ne peut figurer dans le temple républicain. Et si le royalisme d'Olympe était républicain ?

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On a beaucoup dit qu’Olympe de Gouges était royaliste. Pourtant, dès novembre 1788, c’est au peuple qu’elle demande de juger si elle « pense en bonne citoyenne » (Lettre au peuple ou le projet d’une caisse patriotique). Au même moment, elle exhorte la noblesse à « laisser de côté le rang, les titres et ce vain préjugé de ses dignités idéales » pour collaborer au salut du pays (Remarques patriotiques, novembre 1788). Elle approuve publiquement la réunion des États généraux et le serment du 17 juin 1789, qui engage les députés à ne pas se séparer avant d’avoir donné une constitution aux Français. Elle demande instamment au roi de prendre la mesure de la misère du peuple et d’y parer. Elle n’estime son pouvoir légitime que si, le tenant de la nation, il le voue à assurer son bonheur (Le Prince philosophe). Elle le prie de consacrer « l’égalité de tous les citoyens » et d’« ôter [aux émigrés absolutistes] tous moyens, toute espérance de rétablir les droits tyranniques de la féodalité et de conspirer contre leur patrie » (L’esprit français, mars 1792).

Craignant tout autant le despotisme que l’anarchie et le « droit d’égorger les citoyens impunément », elle pensait, comme beaucoup à l’époque, que la République et la monarchie constitutionnelle se conciliaient. L’on oublie trop souvent d’ailleurs que les Montagnards n’étaient pas plus favorables à la démocratie directe que les Girondins, groupe dont elle-même était proche et auquel appartenait Condorcet.

Déçue par la trahison de Louis XVI, elle déclare en novembre 1792 que « les rois sont des vers rongeurs qui dévorent la substance du peuple jusqu’aux os ». Elle ne s’est offerte à défendre l’homme lors de son procès que par humanité, parce qu’elle désapprouvait la violence. Dès 1789, elle avait d’ailleurs alerté : « Ne souillez jamais vos mains dans le sang de vos semblables ». (Le bonheur primitif de l’homme).

Après la chute de la monarchie (10 août 1792), elle presse les députés de la Convention de mettre fin à leurs dissensions, profitables aux contre-révolutionnaires et nuisibles à la France. Au moment des massacres de septembre, elle s’oppose à ceux qui prétendent que le sang doit couler pour que révolutions il y ait et prédit que « le sang même des coupables, versé avec profusion et cruauté, souille éternellement ces révolutions » (La fierté de l’innocence ou le silence du véritable patriotisme, septembre 1792).

Elle a risqué sa vie en dénonçant la Terreur. Hardie et décidée, elle était consciente que son usage sans détour de la liberté d’expression pouvait la perdre. « L’héroïsme et la générosité sont aussi le partage des femmes, et la révolution en offre plus d’un exemple », observa-t-elle (Olympe de Gouges, Défenseur officieux de Louis Capet, 16 décembre 1792).

Elle a été condamnée à mort parce que, après avoir osé protester contre l’arrestation des Girondins, elle eut encore la témérité d’afficher un texte invitant chaque département à choisir celui des régimes politiques qu’il jugerait le meilleur. Elle estimait que c’était à la nation tout entière de choisir son mode de gouvernement, et non pas seulement aux Montagnards et aux sans-culottes parisiens qui venaient d’écrouer des députés. Sa mort fut brandie comme le châtiment que mérite toute femme qui délaisse l’espace domestique et ose se mêler de politique.

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