Faut-il avoir été Président de la République pour mériter que l'on se soucie de vos conditions d'incarcération ? Le président de la République Emmanuel Macron et le ministre de la Justice Gérald Darmanin répondent par l'affirmative, tout en exerçant de facto une pression sur l'autorité judiciaire.
Une atteinte à l’indépendance de la justice ne vient donc jamais seule. En effet, Gérald Darmanin a fait savoir hier matin qu’il rendra visite à Nicolas Sarkozy en détention, précisant qu’un garde des Sceaux peut « aller voir n’importe quelle prison et n’importe quel détenu quand il le souhaite ». Quelques heures plus tard, c’est le président de la République lui-même qui faisait savoir, par voie de presse, qu’il avait reçu Nicolas Sarkozy, en sa qualité de « prédécesseur », avant que ce dernier ne soit incarcéré. Peu de détenus peuvent compter sur de tels soutiens.
Ces deux prises de position publiques témoignent d’une confusion des rôles inacceptable dans un État de droit. En effet, ni le président de la République, garant de l’indépendance de la justice, ni le garde des Sceaux, ne peuvent ignorer le poids de leur soutien dans une procédure en cours et les pressions qu’ils font peser sur celles et ceux chargé·es de rendre la justice dans un contexte d’ores et déjà hostile.

Agrandissement : Illustration 1

Rappelons que Nicolas Sarkozy peut faire des demandes de mise en liberté et que celles-ci seront notamment traité·es par des magistrat·es du parquet, placé·es sous l’autorité hiérarchique du garde des Sceaux. Nul besoin d’instructions individuelles lorsque celui-ci évoque l’emprisonnement de son « mentor » avec « beaucoup de tristesse ».
Rappelons que ces demandes de mise en liberté ainsi que l’affaire en appel seront tranchées par des juges sans cesse attaqué·es dans leur office. Compte tenu des menaces qui pèsent contre les magistrat·es jusque dans leur intégrité physique, en particulier dans les affaires politico-financières, ce soutien à l’une des parties au procès est à l’opposé de ce que nous sommes en droit d’attendre du président de la République et du garde des Sceaux.
Enfin, rappelons que dans un État de droit, la loi doit être la même pour toutes et tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse. 83 516 détenus sont incarcérés au 1er octobre 2025, pour beaucoup dans des conditions indignes. Notre organisation syndicale n’a de cesse d’interpeller le garde des Sceaux sur la catastrophe sanitaire et sociale que constitue l’explosion de la surpopulation carcérale. L’absence de réponse crédible à celle-ci, en dépit des alertes et des préconisations, relève de l’irresponsabilité politique.
Le Syndicat de la magistrature rappelle que toutes les personnes détenues méritent l’attention du garde des Sceaux et du président de la République, et que leur empathie ne peut être sélective.