Pour une justice sans haine et sans passe-droit
La condamnation de Nicolas Sarkozy pour des faits d’association de malfaiteurs à la peine de 5 ans d’emprisonnement assortie d’un mandat de dépôt différé avec exécution provisoire est violemment attaquée par une partie de la classe politique comme le fruit d’un « acharnement », voire d’une « vengeance » de la justice. Ces accusations constituent une diversion qui ne doit tromper personne.
La stratégie par laquelle l’accusé se fait l’accusateur de ses juges est un grand classique des personnalités publiques poursuivies ou condamnées. En réalité, en matière de délinquance économique et financière, comme dans tout autre domaine, les magistrat·es spécialisé·es qui traitent ces procédures exercent leurs fonctions avec impartialité, professionnalisme et indépendamment de leurs opinions.

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L’hypothèse de la soi-disant « haine » des juges envers l’ancien président de la République ne résiste d’ailleurs pas à l’analyse : loin d’une lettre de cachet, le jugement, qui articule de façon argumentée des déclarations de culpabilité et des décisions de relaxe, s’appuie sur 10 ans d’instruction, des demandes d'entraide pénale internationale dans plus de 20 pays, 73 tomes de pièces, 557 pages d’ordonnance de renvoi, 3 mois de procès et plus de 400 pages de motivation.
Ces chiffres témoignent de la rigueur juridique et du sérieux du travail accompli, et ce en dépit de bien maigres moyens. Ainsi, ce n’est pas le « gouvernement des juges » qui devrait être au coeur du débat, mais bien la lutte contre la délinquance économique et financière, et ce jusqu’au plus haut sommet de l’État.
A l’heure où l’organisation Transparency International indique que la France souffre « d’une absence de volonté, tous bords politiques confondus, de lutter contre les atteintes à la probité », le Syndicat de la magistrature rappelle que la justice risque ne plus pouvoir juger, demain, la délinquance en col blanc.
Les coups portés aujourd’hui contre l’autorité judiciaire ne font que renforcer ce constat. Il y a urgence à faire de cette lutte, vitale pour notre démocratie, un impératif d’action publique.
Soutien à notre collègue
Le Syndicat de la magistrature s’insurge contre les menaces intolérables visant la présidente du tribunal ayant notamment condamné Nicolas Sarkozy.
Nous apportons tout notre soutien à notre collègue.
Ces attaques personnelles contre une magistrate constituent une atteinte indigne à l’indépendance de la justice et à la sérénité de celles et ceux qui la rendent. La décision dans cette affaire est l’aboutissement d’un processus judiciaire encadré.
Cibler personnellement une magistrate, c’est attaquer l’État de droit lui-même.
Le Syndicat de la magistrature dénonce la confusion relayée par certains médias et sur les réseaux sociaux entre la liberté syndicale et l’acte de juger. Les magistrate⸱s ont le droit de s’exprimer à titre syndical sans que leur impartialité ne soit mise en doute dans l’exercice de leurs fonctions.
Discréditer la justice au quotidien, que ce soit pour son « laxisme » ou sa « sévérité », a des conséquences graves et concrètes, nous le voyons aujourd’hui.
Si le garde des Sceaux démissionnaire a cette fois apporté son soutien à l’institution judiciaire, le silence du président de la République, premier garant de l’indépendance de la justice, est quant à lui assourdissant [edit : entre-temps, un communiqué a été publié].