VU DU PONT
L’ "opposant principal " de V Poutine a été assassiné froidement voilà deux jours.
Les commentaires à ce sujet vont bon train ; et bien que dès aujourd’hui, on voit se dessiner d’autres pistes que celles que les médias de la « nouvelle guerre froide » diffusent de façon implicite , il faut essayer sans prétention, d’ investiguer l’idée principale ; cette idée est simple : si Poutine n’est pas le commanditaire, c’est donc son frère … Examinons cette thèse pour un instant.
Les assassinats politiques, en Russie, ne sont pas une grande nouveauté. Après la mort de Staline et jusqu’à la désintégration de l’URSS, soit environ 40 ans, il n’y en eut pas un seul de répertorié, mais l’URSS n’était pas un pays civilisé et cette trêve ne compte pas. Elle compte d’autant moins que les opposants étaient envoyés en Sibérie ; c’était mieux que 4 balles dans le dos mais peu enviable. Staline ne procéda pas sauf exception notoire à des assassinats politiques ; il organisa des procès fabriqués, tout cela est bien connu. Avant l’URSS, toute l’histoire de la Russie est jalonnée de meurtres politiques. Celui qui nous occupe ne fait que renouer avec une saine tradition. ( Il y en a eu d’autres sous Poutine mais celui-ci est peut-être, vu le contexte, le plus important )
V Poutine avait-il intérêt à une telle élimination ? Avant une manifestation dont la victime devait prendre la tête ? Une seconde de réflexion montre que c’est absurde. Et cela sans même prêter à V Poutine une conception humaniste dont il est à des années –lumière.
Assassiné dans un monde où l’information est immédiate et planétaire, la victime devient martyr.
On se demande de quel trouble mental un homme aussi froidement calculateur que l’est V Poutine, est affecté, s’il peut n’avoir pas compté avec ça.
La gestion de la crise ukrainienne a mis la popularité de Poutine au zénith ; on ne discute pas ici le bien-fondé de cette politique. On demande quelle idée peut traverser un dirigeant politique qui, à ce stade n’a rien à craindre d’une manifestation organisée par « son principal opposant », de chercher à affaiblir le soutien dont il jouit.
Donc cette thèse ne tient pas debout ; mais même si le refrain médiatique a changé, c’est quand même ça qu’on a essayé de nous vendre… ça ne fait rien, c’est donc son frère. Si Poutine tient en mains quelque chose en Russie ce sont ses Services. Ex - Officier du KGB on peut penser qu’il connaît la maison de l’intérieur et ne laisse rien au hasard ; on peut donc exclure une « bavure » provoquée par un imbécile zélé. Ou un groupe interne aux Services voulant délibérément NUIRE à Poutine ; le « frère » de Poutine est donc à chercher ailleurs. Un groupe de partisans du gouvernement ukrainien actuel, cela pourrait venir à l’esprit mais là aussi ce doit être écarté immédiatement ; c’est moins absurde dans la mesure où un tel groupe peut spéculer sur l’idée que le crime sera attribué à Poutine mais c’est un raisonnement tellement à courte vue que sans attribuer auxdits partisans une intelligence politique qu’ils n’ont pas, ce n’est surement pas la première hypothèse à retenir.
Ce qui nous amène à creuser un peu ; l’homme abattu est un ex Ministre de Eltsine ; ça ne fait pas de différence a priori avec V Poutine qui lui aussi est apparu dans le sillage du maquignon ivrogne de la fin de l’ère soviétique. Le quotidien « Le Monde » nous en dit un peu plus. Le Martyr occidental est un homme de la droite russe. La droite à l’occidentale ; diable, V. Poutine est-il « de gauche » ? Évidemment non ; mais entre les deux lignes politiques, il y a des différences fondamentales. L’homme abattu n’est pas un ivrogne mais eût été prêt comme son maître à vendre la Russie pour une bouchée de pain. Ce n’est pas le cas de Poutine. L’homme abattu représentait les intérêts concentrés du capital occidental en Russie ; Poutine est l’homme du capital russe. Poutine s’appuie sur les traditions russes, les meilleures pour une pincée, les pires pour la majeure partie avec l’exacerbation du nationalisme grand-russe ; l’homme abattu, lui, jetait tout. Poutine s’appuie sur l’Église orthodoxe. Le martyr occidental n’était pas ce qu’en France on nomme un laïc, c’était un « moderniste », sauce BHL.
Un personnage pour qui l’objet « Russie » a cessé d’exister. Voilà ce que recouvre son soutien tonitruant à « Charlie ». Poutine insista sur la gravité des attentats criminels. Il n’était pas « Charlie » et ne serait jamais « Charlie ». Quant à l’attachement de l’un comme de l’autre à la démocratie, là, il est permis de s’esclaffer. Aux frontières ORIENTALES de la Russie, on n’est pas « Charlie », mais pas du tout, et avec un autre sens. Des attentats criminels ont eu lieu en Russie bien avant ce cas. Et ces attentats craints comme la peste par la population russe, ont des auteurs caractérisés. Des manifestations violemment « anti- Charlie » ont eu lieu précisément aux mêmes frontières de la Russie. Rien de tout cela n’est une preuve, mais constitue des indices ; la piste première n’est pas ukrainienne, elle est Tchétchène. Vous voyez bien qu’au bout du compte, c’est Poutine le responsable ………
Lorsque ces lignes étaient écrites l’auteur n’avait pas lu l’éditorial du NYT qui justement mais d’une autre façon, on s’en doute, explore des pistes identiques aux siennes … Un autre éditorial du même quotidien écrit “Less than a week after that march, and just before the one he had organized, Mr. Nemtsov was gunned down while walking a bridge that spans the Moscow River right in front of the Kremlin. It is under constant camera and live surveillance. The message was clear: People will be killed in the name of the Kremlin, in plain view of the Kremlin, against the backdrop of the Kremlin, simply for daring to oppose the Kremlin.” Traduction: “ Moins d’une semaine après cette marche et juste avant celle qu’il avait organisée, Mr Nemtsov fut tiré comme un lapin alors qu’il se promenait sur un pont de la Moskova juste devant le Kremlin. C’est un lieu sous surveillance vidéo constante. Le message était clair : Les gens seront assassinés au nom du Kremlin, en pleine face du Kremlin, contre le soutien du Kremlin, simplement pour avoir osé s’opposer au Kremlin ». La cause est entendue, la messe est dite. Puisque j’en suis là , autant me rappeler que les assassins de Charlie Hebdo et du supermarché kosher étaient de parfaits inconnus des Services français , comme l’était Mérah et qu’il n’y a qu’en Russie qu’on voit des choses pareilles ; quant à la surveillance vidéo , il est connu que le Pentagone , au moment du 11/09 ne connaissait pas, que Langley est un endroit ouvert aux visiteurs de jour et de nuit ,amical et accueillant et que la grande démocratie nord-américaine y fut prise par surprise …………
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Ce qui nous amène à aller voir ce qu’on raconte de l’autre côté de l’Atlantique.
Là, dans les revues proches du Département d’État, les articles proches de l’hystérie se succèdent. Des auteurs ayant pignon sur rue, des professeurs d’université prestigieuses, tous issus de leurs départements de science politique, et tous liés de façon ou d’autre aux Services Nord -américains se déchaînent depuis des mois ; leur langage n’est pas celui d’Obama mais force est de constater une certaine parenté. Tous ne disent pas des choses identiques mais convergentes : d’abord le renforcement de l’OTAN ; on y travaille, et ses responsables directs ne font pas dans la dentelle, on l’a vu au plus fort de la crise ukrainienne. Ensuite, que faire ? Où Aller ? la déstabilisation de Poutine est un programme officiel pas au point mais officiel. Comment s’y prendre ? Les articles les plus récents, indépendamment de leur caractère de Docteur Folamour sont clairs. D’abord, étrangler économiquement la Russie ; sanctions. C’est quand même moins simple à faire qu’à dire. La Russie n’est pas une miette de pain …… On spécule néanmoins sur le fait que la chute du rouble, la chute d’une croissance ravageuse, les effets putatifs sur la population russe de certaines restrictions créeront du mécontentement et donc affaibliront le soutien dont jouit Poutine. Comme c’est putatif, on n’y croit pas trop. Qu’à cela ne tienne. Quid des frontières orientales ? Là, tout est envisageable, là, tout est permis. Là, exciter les populations contre la politique russe est une hypothèse à regarder sérieusement ; et si des attentats criminels se produisent en Russie même, ici sous les portes du Kremlin, cela est encore mieux et il n’y a même pas besoin de dépenser d’agent pour financer les tueurs ; on peut les trouver facilement. Tout cela ne me conduit pas à imaginer dès à présent que derrière cet assassinat il y a la main des États –Unis , pays où, par parenthèse, on ne connaît pas les assassinats politiques et si ceux-ci ont quand même lieu , les inspirateurs sont , comme on le sait , démasqués complétement . Et, toujours dans la même parenthèse, un pays où il ne vient à l’idée de personne de tirer à vue sur un Noir et si cela se produit, et si de plus, c’est l’acte d’un flic, il ne se trouvera aucun tribunal pour l’acquitter.
Rien de tout cela ne constitue une preuve, mais enfin le contexte jette sur cet attentat une lueur singulière.
La Russie est donc redevenue comme hier un problème pour les forces du capital occidental et un problème de premier ordre pour la suprématie Nord –Américaine sur les affaires du monde.
V Poutine soutient en sous –main les séparatistes de l’Est Ukrainien, leur livre des armements lourds, V Poutine occupe militairement la Crimée, il hystérise son pays contre une « cinquième colonne » imaginaire et son ministre des Affaires Étrangères, S Lavrov s’oppose aux bombardements de l’Occident coalisé sous l’égide de l’OTAN contre le pouvoir syrien. Il n’y a pas une occasion où V Poutine sur la dossier ukrainien ait refusé toute négociation (y compris sur le dossier de la Crimée où l’écrasante majorité de la population voulait la citoyenneté russe) et la dernière en date semble avoir créé les conditions d’un cessez-le feu durable ; c’est encore pire. Chasse à l’Ours .
Si on voulait rire , cela rappelle un film peu connu de Chris Marker dans les années 60 ; ce cinéaste progressiste illustra une photo prise à Irkoutsk sous la neige ; la photo avait deux légendes ; la première « dans un paysage de neige sale où les immeubles gris s’entassent, un inquiétant Yakoute me regarde prendre des photos d’un air suspicieux » ; la seconde « A Irkoutsk , ville de Sibérie , par moins 40°C , là où des immeubles sont sortis de terre sans souci pour l’élégance , un citoyen affublé d’un fort strabisme me regarde avec curiosité » . Choisissez.