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Billet de blog 1 mai 2014

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Cambadélis et ses « innovations politiques » III

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III Quand Cambadélis visite Keynes

On a vu plus haut (II) la citation de JM Keynes par JC Cambadélis ; on n’en souligne qu’un extrait «  Faire ce qui est possible dans une économie où la rupture est impossible » . Nous voudrions prévenir la lectrice et le lecteur éventuel : qu’on ne s’attende pas ici à un plaidoyer pour la « rupture » ; ceci viendra – et pas dans le sens où l’imagine Cambadélis-   mais il n’est pas question de demander au PS d’être ce qu’il n’est pas, ne veut pas être ; il suffit, pour le moment, de comparer ce qu’il veut être et ce qu’il fait, lorsqu’il gouverne.

DSK, grand inspirateur de la pensée de JC Cambadélis ébloui sans doute par le brio et la science du Directeur du FMI, tire des leçons de « sa grande fresque sur la mutation capitaliste » ; on en a vu certaines plus haut mais la suite est fascinante :

«Pour lutter contre les inégalités de la société entre les classes aisées et pleinement intégrées , les classes moyennes et populaires en situation instable et vivant dans la crainte omniprésente de la relégation , et les couches les plus pauvres , exclues totalement du système ,il propose (DSK ) de construire une société juste fondée sur trois ( ! en Français dans le texte ) socialismes  , piliers de la démocratie moderne : celui de la redistribution pour protéger les exclus et promouvoir les classes moyennes et populaires par une réforme du système fiscal et des prestations ; celui de l’ »émancipation »  , qui repose sur le principe d’une correction en amont des inégalités et sur la concentration des moyens publics , via les services publics , dans les territoires et vers les populations les plus fragiles ; celui de la « production » , où l’entreprise doit être un espace de promotion de la démocratie salariale , de la sécurisation des parcours professionnels , et dont l’État ne saurait se désintéresser lorsqu’il concerne des incidents de croissance ou des activités stratégiques . »

Nous sommes,dans ce qui précède,5 mois après ; aujourd’hui 1° Mai 2014, deux ans ; on le voit, c’est net, l’entreprise en en passe – soyons indulgents- de devenir « un espace de promotion de la démocratie salariale, de la sécurisation des parcours professionnels et dont l’État etc. etc." Oui, on le voit avec Alstom après l’avoir vu avec Florange où le SEUL parcours professionnel sécurisé en effet est celui de …. Edouard Martin. Rideau.

« Faire ce qui est possible quand la rupture est impossible » ; sans doute est-ce là l’exemple ?

Arrêtons-nous un instant sur le premier « socialisme » consistant à redistribuer   pour « protéger les exclus et promouvoir les classes moyennes et populaires par une réforme etc…. » . Déjà cette fascination pour les « exclus » est inquiétante ; « exclus » de quoi ? ; L’ANPE date de …… Giscard D’Estaing ; on crut qu’il s’agissait d’un gadget ; à cette époque , le chômage était inférieur à 5% de la population active ; mais ce n’était pas un gadget dans l’esprit de son promoteur ; la France allait devoir s’habituer au chômage de longue durée et MASSIF, comme toute l’Union Européenne à la construction de laquelle , avec le Traité de Maastricht et surtout la Traité Constitutionnel Européen  , Giscard d’Estaing participa au niveau le plus élevé  ; le plan se mettait en place ;  la France vit apparaître les « Restaurants du Cœur » , initiative inspirée de générosité mais dont   le corollaire était que la France allait DEVOIR  connaître la grande pauvreté et pour longtemps ; et voilà ce qui se passe quand «  on fait ce qui est possible lorsque la rupture est impossible » : les Restaurants du Cœur meurent aussi. L’obsession de la « protection des exclus » n’est autre que l’ACCOUTUMANCE PROGRAMMEE à une société qui les engendre en masse. Ce « socialisme » –là sent le FMI. JC Cambadélis n’a pas d’odorat. 

De la « promotion des classes moyennes et populaires », nous ne dirons rien, on nous le pardonnera. Quand les Restaurants du Cœur meurent, non de l’accomplissement de leur éventuelle mission, mais devant la Marée d’équinoxe de l’exclusion lancée au galop, il ne peut tout simplement PAS y avoir de « promotion des classes moyennes et populaires ».

Stop ! Qu’êtes-vous en train de nous dire ? Que le bilan n’est pas glorieux ? Que les objectifs mentionnés ne sont pas des objectifs de gauche ? Qu’il faut balayer toutes ces considérations d’un revers de main ? Vous vous trompez, le problème n’est pas là ; d’une part, comme on le verra, la « grande fresque analytique » devant laquelle JC Cambadélis   s’agenouille est fausse ; on ne saurait tirer des conclusions justes de thèses fausses, on verra pourquoi dans un chapitre ultérieur ,   mais en fait c’est pire : le problème est dans la formule «  Faire ce qui est possible quand la rupture est impossible » ; le PCF se donne comme OBJECTIF de CONTRIBUER à  dépasser la capitalisme , on y reviendra , et tel n’est PAS l’objectif du PS ; comme on l’a dit , il est hors de question de l’amener à un positionnement différent ; cette contradiction fondamentale et historique est faite pour durer .Ce n’est donc pas là qu’il faut chercher . Par contre, ne pas voir que le capitalisme est lui-même en crise,  ne pas en saisir toute la portée, ce qui ne signifie nullement mâchonner des fantasmagories sur le « grand soir » , et encore moins crier comme le font quelques forces à gauche ,«  ça va péter ! », crise du capitalisme ne signifie pas plus qu’hier un effondrement par implosion du système sur lui-même, ne pas voir cela , dis-je ,  EST UN PROBLEME : cela signifie simplement que chercher le « possible » dans SES RESSORTS mêmes conduit à ce que nous voyons ,c’est à dire que les visées même  les plus timorées pour l’amender , le corriger , le maîtriser , le faire sortir de SA LOGIQUE EN S’APPUYANT SUR SA LOGIQUE conduit à l’impasse et c’est elle que nous avons  sous les yeux ; ce serait une farce tragique si cela ne nous conduisait pas à une catastrophe bien pire que les précédentes ; non seulement elle n’exclut pas la guerre tout court après s’être vautré dans la guerre économique mais c’est une catastrophe à l’échelle de la planète, de longue durée. Cela ajoute à son caractère insupportable.

JC Cambadélis n’ignore pas  que «  le taux de croissance, la réduction des déficits, pour nécessaires qu’ils soient, n’ont jamais enthousiasmé un peuple encore moins lorsqu’il est de gauche »  (p9 op cité ) . Aussi lui propose-t-il un « rêve » .

Ainsi  propose-t-il que la « Troisième gauche », c’est-à-dire pour lui le PS, se doit de porter « une vision du monde, une cohérence européenne et un discours pour la France » et il poursuit «  Si l’ennemi est la finance, l’heure est au « compromis historique avec le capital industriel », contre la rente. J’entends par « rente » le capital fictif qui ne se nourrit que de spéculation et ne produit aucune richesse pour l’être humain……. La gauche défendant l’alliance des productifs permet la société décente.  Tout doit être mis en œuvre   pour créer un nouveau monde industriel qui permettra la société décente ………. « P 27 op cité

À la limite, on peut se dispenser de la suite de l’ouvrage, tout est dit ici ; mais s’il ne s’agissait que d’une critique vaine, de l’expression d’un désaccord sur fond d’opposition idéologique c’est-à-dire d’un affrontement de conceptions du monde, rien de ce qui précède n’aurait le moindre intérêt ; aussi ne s’agit-il pas de cela. Il s’agit de comprendre que, fût-ce dans une logique où il s’agit de « faire le possible quand la rupture est impossible », les idées développées dans le dernier paragraphe sont une fumisterie ; oui, la gauche, toute la gauche a besoin d’inspirer du rêve ; mais ce qu’envisage Cambadélis  se heurte à des obstacles autrement  solides que mes petits arguments ; le rêve en politique est consubstantiel à l’idée de gauche mais le rêve éveillé, c’est l’abime.

 Dans la foulée, de ce qui précède, JC Cambadélis, dans sa rare capacité déjà soulignée  à passer du lyrisme à la sécheresse la plus glacée au détour d’une page ou comme ici d’une PHRASE écrit « Car on ne distribue que ce que l’on produit , on ne redistribue pas la récession , la misère. C’est ici que se situe le compromis  » (P27 op cité)

On s’incline : la preuve est faite.   

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