IV AVANT LE QUADRILLE : RENCONTRE SUR LA CÔTE EST
Pour mes lectrices éventuelles – et aussi pour mes lecteurs – il est temps de préciser mes intentions bien que je n’aille pas au bout du propos dans ce chapitre. On est en droit de se demander si je ne poursuis pas l’objectif de démolir jusqu’à la dernière pierre l’édifice au demeurant bien mal en point du Parti Socialiste, en m’attaquant ainsi aux écrits de son Premier Secrétaire. Mais ce n’est pas mon intention, malgré l’apparence ; il faut dire que lorsque le livre a été publié je n’y ai pas accordé d’importance ; JC Cambadélis n’était pas un inconnu mais enfin, pas non plus une personnalité telle qu’il faille se ruer sur ce qu’il dit ; devenu Premier Secrétaire du PS, les choses changent évidemment.
En écrivant comme il l’a fait, JC Cambadélis s’exposait à la critique ; on est obligé quoiqu’on en pense, de prendre ses propos au sérieux.
Mais la critique est une chose ; en m’y livrant, je ne saurais oublier que le quadrille est en place ; le parti socialiste occupe une place à gauche aujourd’hui et l’occupera demain ; l’itinéraire qui sera le sien n’est pas clair, mais en tout cas, toute idée consistant à en faire abstraction à gauche est une absurdité. Les propos de ce blog ne s’adressent pas à celles et ceux que l’on nomme usuellement « déçus » ; les « déçus » n’attendent rien et ne sont disponibles pour rien. Ceux et celles qui ne se reconnaissent plus dans la politique menée par ce parti qui gouverne la France grâce à leur vote , c’est une autre affaire ; mais il ne s’agit pas de leur prouver qu’ils et elles se sont « trompés » ;ils et elles ne se sont PAS « TROMPES » ; en votant pour le Parti socialiste et ses candidates et candidats – je parle évidemment pour celles et ceux qui n’ont pas ,dès à présent fait choix d’un autre engagement , à gauche , ils et elles expriment une inclination , une préférence ; de quel droit pourrait-on leur dire « Vous vous êtes trompés » ? ; de quel droit pourrait-on leur demander d’abandonner leurs convictions ? Mais il n’empêche qu’ils et elles ne se reconnaissent plus dans ce qui se fait en leur nom ; ce travail leur est destiné. Encore une fois, pas pour leur demander de « renoncer » à quoi que ce soit de leurs préférences politiques mais bien au contraire pour les inciter à ne pas se recroqueviller en attendant des jours meilleurs. Parlons sérieusement : voilà ce qui vous est annoncé ; voilà ce que ça donne ; il faut bien comprendre d’où ça vient, ce goût de cendres. Vous ne pouvez pas y échapper plus que moi ; votre vote dessine une politique ; votre vote vous engage et engage de fait l’avenir de millions de nos concitoyennes et concitoyens. Si, à gauche, on ne débat pas sérieusement, la situation sera sans issue. Seules les forces de droite et d’extrême droite peuvent avoir intérêt à l’ignorance réciproque. J’en ai assez dit pour le moment. JC Cambadélis parle en votre nom ; il a d’immenses prétentions dont je n’ai pas encore parlé ; ça viendra ; mais quand on a de telles prétentions, on doit s’attendre à ce que votre propos soit scruté sans déformation mais sans indulgence ; c’est de la gauche qu’il est question ; ce n’est pas une petite affaire.
Et maintenant parlons de ma rencontre sur la Côte Est ; vous avez compris que c’est des États –Unis que je parle ; j’ai fait une rencontre ; je ne vous dirais pas tout de suite de qui il s’agit ; je vais tricher : je l’ai rencontré sans sortir de chez moi ; il écrit beaucoup et spécialement dans un journal parfaitement confidentiel dont je ne vous donne pas le titre maintenant ; la confidentialité du journal fait que, sans doute JC Cambadélis, lui, n’a jamais fait sa connaissance ; l’homme dont il s’agit est un révolutionnaire à sa façon ; non seulement il n’est pas communiste mais explicitement anticommuniste ; ça devrait intéresser JC Cambadélis . Compte tenu de ce pedigree, on peut se demander pourquoi je le trouve fascinant. Patientez un peu.
On a vu que JC Cambadélis aime citer JM Keynes ; on se demande s’il l’a lu ; en 2009, l’homme de la Côte Est écrivait, en citant JM Keynes « Un état d’activité chroniquement inférieur à la normale qui se prolonge un temps considérable sans qu’il y ait de tendance marquée à la reprise ou à l’effondrement complet », c’était dans les années 30 et notre homme ajoute « Or un tel état n’est pas acceptable. Certains économistes et représentants politiques semblent se contenter de savoir que nous échappons à « l’effondrement complet », mais à dire vrai, cet « état d’activité chroniquement inférieur à la normale », qui se traduit avant tout par la pénurie d’emplois, est en train de causer des dégâts humains considérables et cumulatifs. » Comme on le voit, il n’y a pas que JC Cambadélis qui ait gardée intacte sa capacité d’indignation. Mais notre homme, à la différence de JC Cambadélis ne se contente pas d’être indigné dans les pages paires.
« Pour réfléchir à ce marasme qui se prolonge, il convient de commencer à admettre que nous sommes en pleine dépression. (il écrivait en 2009, mais il ne semble pas que la chose se soit arrangée depuis ………) Certes, ce n’est pas « la Grande dépression de 1929 » du moins pas pour la plupart d’entre nous (et encore, allez demander leur avis aux Grecs, aux Italiens, ou même aux Espagnols qui subissent un chômage de 23% - proche de 50% chez les jeunes) ». Et alors ? JC Cambadélis dit-il le contraire ? Oui, en fait. Voilà ce qu’il écrit en 2012 à propos de la Grèce :
« Ce que le capitalisme a fait à l’humanité : pillages au Sud, détournement de subventions, ……… sécheresse et famine. Il y a un fossé grandissant entre la pensée technocratique qui ne s’embarrasse pas de l’humain et la détresse de l’humain qui ne s’embarrasse plus des faits. L’exemple de la Grèce est de ce point de vue chimiquement pur. L’idée que la Grèce rattrape en quelques mois son retard est absurde. La potion tue le malade .Mais le sentiment des Grecs selon lequel ils pouvaient toujours vivre à un crédit réglé par d’autres était pour le moins irréaliste » (p 46 op cité )
À votre avis, qu’est ce qui est important ici ? Le haussement d’épaules sur « la potion qui tue le malade » ou l’admonestation méprisante visant le sentiment « irréaliste » ? Vous pensez que je vois le mal partout, …..Patientez. Dans le chapitre « La société décente », il écrit : « Il suffit de regarder de près la situation en Grèce pour comprendre comment le PASOK a été pris en tenailles .La tentative courageuse de G Papandréou d’en appeler au référendum sur le maintien ou non dans l’euro est restée sans lendemain » p 74 ( op cité)
Tentative courageuse ? Papandréou pris en tenailles ? Entre la « potion qui tue le malade et le « sentiment irréaliste » ? Mais en quoi le soi- disant référendum posait-il la bonne question ?
Chacun doit se souvenir que le problème était l’application immédiate, laquelle a eu lieu, des exigences de la TROÏKA ( FMI, UE et un troisième larron , la BCE ) IMPOSANT à la Grèce un traitement de choc précisément pour soi-disant lui « permettre de faire face à la dette souveraine » et donc de rester dans l’Euro ; le référendum impliquait acceptation de ces conditions ; le PASOK, dans cette situation, s’est montré en dessous de tout ; la population grecque ne s’y est pas trompée ; Syriza n’était pas encore mur pour être une vraie alternative et la vraie droite gagna les élections par défaut mais de peu ; que croyez –vous que fit Papandréou dans ces conditions ? Il cogéra avec la Droite la plus violente les conditions qui ont mis la Grèce à genoux.
La vérité oblige à dire que beaucoup plus loin dans le livre, JC Cambadélis écrit dans le chapitre VIII « La grande régression » , un chapitre sur lequel il faut revenir en détail « Est-il impossible de faire comprendre à l’Allemagne que son intérêt est une Europe capable d’acheter ses produits ? …….. Notons que l’intransigeance de la droite allemande à propos de la Grèce a coûté 400 Milliards d’Euros à l’Europe. Si l’Europe avait accepté d’emblée d’abandonner ses créances et de combler les dettes grecques, cela lui aurait coûté 4 Milliard d’euros ! »
Une fois de plus, on se demande quand JC Cambadélis parle-t-il « vrai » ? Écrit en Septembre 2012, l’auteur ne peut ignorer que le candidat passé maître dans « l’art d’ « exécution » » trouva le moyen d’aller en Grèce soutenir Papandréou ce qui signifiait que entre la « potion qui tue le malade » et le « sentiment irréaliste », le candidat F. Hollande avait choisi. La Potion ; l’art d’ « exécution » sans doute …………. Il pouvait à l’époque CHOISIR de s’afficher aux côtés de A Tsipras (Syriza) qui portait, lui, la colère et l’indignation intacte du peuple grec, au besoin, avec un discours différent ; mais ……. ce n’est pas ce qu’il fit.
Reprenons la rencontre avec l’homme de la Côte Est :
Je ne suis pas économiste ; ni de près ni de loin ; je suis à l’égal de toute citoyenne et tout citoyen engagés politiquement à gauche et j’essaie de mettre mes capacités de raisonnement à l’épreuve ; je lis donc ce qu’écrivent des économistes situés à gauche ; et la rencontre avec l’homme de la Côte Est a justement cette fonction ; beaucoup d’économistes français fussent-ils de gauche, assènent ; pas lui ; beaucoup d’économistes français, fussent-ils de gauche, parlent un langage abscons, même pour moi ; pas lui . Cela ne lui donne pas nécessairement raison ; mais c’est agréable : on a l’impression d’y comprendre quelque chose .Comment un Communiste pur sucre peut-il songer à « comprendre quelque chose » dans ce que dit un anticommuniste déclaré ? Eh bien, justement, parce que les communistes pur sucre ont changé, ce que ne perçoit pas JC Cambadélis, on y reviendra.
En attendant, je rappelle le passage déjà cité où le premier secrétaire du PS cite avec une admiration non dissimulée DSK qui s’exclame « La période était jusqu’alors marquée par une croissance régulière et une inflation faible. La dérèglementation et les privatisations assuraient la prospérité, et les marchés financiers transféraient les ressources vers les secteurs les plus productifs ».
Voilà ce que dit à ce propos l’homme de la Côte Est :
« On pourrait déduire que l’histoire économique des États-Unis jusqu’aux environs de 1980 était celle d’une prospérité illusoire, d’une belle époque qui a montré son vrai visage le jour où la bulle de la dette a éclaté en 2008. Et ce n’est pas totalement faux. Mais cela demande à être nuancé, parce qu’à vrai dire, même la belle époque n’a pas été si belle que ça et cela sur différents plans »
« D’abord, même si les États-Unis ont évité une crise financière débilitante jusqu’à 2008, les dangers que comportait le système bancaire dérégulé sont devenus apparents bien plus tôt pour ceux qui voulaient bien le voir »
« La dérégulation a presque immédiatement provoqué une catastrophe ; en1982 , le Congrès approuve le Garn-St-Germain Act ,lequel selon Reagan constitue « Le premier pas du vaste programme de dérégulation financière que notre administration entend appliquer » ; cette Loi était expliquée par Reagan de la façon suivante « la Fonction……..est d’étendre les pouvoirs des institutions d’épargne en autorisant le secteur à pratiquer des crédits commerciaux et à réaliser davantage de prêts aux consommateurs . Elle réduit son exposition aux fluctuations du marché immobilier et des taux d’intérêt. Cela permettra au secteur de l’épargne d’être un acteur plus fort, plus efficace dans le financement du logement pour des millions d’américains dans les années à venir » « Mais les choses ont pris une autre tournure, nous dit l’homme de la Côte Est ………… L’astuce pour le banquier a donc consisté à accorder des prêts à taux d’intérêt élevé à des emprunteurs douteux, généralement des promoteurs immobiliers. Si tout se passait bien, la banque encaissait d’importants bénéfices. Sinon le banquier s’en tirait sans dommage. Pile il gagnait, face le contribuable perdait ……. »
« En fait, l’assouplissement de la réglementation a aussi créé un environnement permissif à l’égard du vol, pur et simple, où l’on accordait des prêts à des amis ou des parents qui disparaissaient avec l’argent ……… En 1989, il est devenu évident que le secteur de l’épargne était hors de contrôle et les autorités ont fini par fermer le casino……. Mais à ce moment les pertes avaient déjà beaucoup gonflé ; l’ardoise a fini par atteindre pour le contribuable 130 Milliards de $ ; elle équivaudrait aujourd’hui à plus de 300 milliards de $ …. ». Ici le béotien qui écrit ce Blog se permet d’ajouter que en1989 puis 1990, les États-Unis eurent bientôt autre chose dont ils allaient s’occuper et ceci CACHA pour un temps les dettes et le scandale associé.
« Mais les ennuis du secteur de l’épargne n’ont pas été le seul signal que la dérégulation était plus dangereuse que ne voulaient l’admettre ses partisans. Au début des années 1990, les grandes banques commerciales … ont connu de gros ennuis parce qu’elles avaient pris trop de risques en prêtant aux promoteurs immobiliers commerciaux … ; en 1998, alors qu’une bonne partie du monde émergent était en proie à la crise financière , la faillite d’un SEUL FOND ALTERNATIF……… a figé les marchés financiers d’une façon très similaire à celle dont la faillite de Lehmann Brothers les figerait 10 ans plus tard……… . La leçon n’a pas été retenue. Jusqu’à la crise de 2008, les gros bonnets n’ont eu de cesse de marteler que tout allait pour le mieux. En outre, ils ont dit et redit que la dérégulation financière avait permis une très nette amélioration de la performance économique globale ; encore aujourd’hui on trouve ce type d’affirmation chez E Fama , économiste influent et reconnu de l’École de Chicago « A partir des années 1980 le monde développé et certains acteurs importants du monde en voie de développement ont connu une période de croissance extraordinaire . On peut raisonnablement dire qu’en facilitant le flux de l’épargne vers des usages productifs aux quatre coins du globe, les marchés financiers et les institutions financières ont joué un rôle important dans cette croissance » »
De ce long extrait, on tire la conclusion selon laquelle DSK , Directeur du FMI , n’a aucun mal à s’inspirer de l’École de Chicago, dont les termes sont à peu de choses près identiques, mais si cela fait impression sur JC Cambadélis, dès lors qu’il est Premier secrétaire du PS, et qu’il vend cette mauvaise soupe à ses militantes et militants on conviendra que c’est un problème.
Il est temps de lever le voile sur l’identité de l’homme de la Côte Est ; vous l’avez peut-être déjà reconnu : il s’agit de Paul Krugman ; le fait qu’il soit Prix Nobel d’Économie ne donne à son propos aucune autorité particulière A PRIORI, sinon on devrait aussi prendre pour argent comptant, bien qu’à un degré moindre, les « analyses » de DSK. Le Journal « confidentiel » qu’apparemment JC Cambadélis ne fréquente apparemment pas est le New York Times.
Les larges extraits qui précédent et ceux qui suivront sont issus du livre de l’homme de la Côte Est « Sortez- nous de cette crise maintenant !»
J’ai dit plus haut que P Krugman était un révolutionnaire à sa façon ; jour après jour, ou peu s’en faut, il fulmine contre la politique mondiale, celle de son pays et celle de l’Union Européenne et on va voir que ce n’est pas un homme « partagé » entre la potion qui « tue le malade » et le sentiment « irréaliste » ; P Krugman EST keynésien et s’assume comme tel ; il est, comme keynésien, conséquent, ce qui n’est pas le cas de de JC Cambadélis qui dans un autre chapitre reconnait qu’il n’est « plus tout à fait marxiste » .Ce dernier point est avéré mais on ne lui demande pas de le redevenir s’il l’a jamais été ; on lui demande comme Premier Secrétaire du PS d’assumer une pensée conséquente de gauche ; ce ne doit pas être considéré comme une exigence démesurée .
Quant à P Krugman, démonter un à un les mécanismes de la politique économique Nord- Américaine, le faire avec talent et de plus tenter de constituer une école de pensée qui fasse échec aux gnomes de l’École de Chicago Friedmann- Hayek, en fait à mes yeux un révolutionnaire ; pas un éditorial où la droite américaine ne soit pas réduite en pièces ; cela ne l’amène pas à de l’indulgence vis-à-vis d’Obama ; et il ne m’échappe à aucun moment que ce faisant , P Krugman vise à SAUVER le capitalisme , pas à en sortir . Mais l’immense différence avec le livre que ce Blog essaie de commenter, consiste à tenter de sauver le capitalisme en s’inspirant d’une pensée de gauche qui ne se situe pas à la marge : la discussion entre lui (fictive hélas) et un communiste pur sucre est donc POSSIBLE. En outre, les Etats- Unis ne sont ni la France ni l’Europe où les courants de gauche sérieux ont pignon sur rue quoiqu’en pense le premier secrétaire du PS ; cela fait qu’il est possible ici et maintenant d’être un peu plus audacieux et non de s’aligner sur la pensée unique à laquelle résister est visiblement un gros problème pour JC Cambadélis