A L’EST D’EDEN : POUTINE, ETC
Deux dirigeants politiques français ont utilisé ces jours derniers à peu près les mêmes mots ; « Il y a le feu à la maison ! » « la situation mondiale est très grave « ; la première citation est de Pierre Laurent à l’Université d’été du PCF aux Karellis ; la seconde de Manuel Valls en partance pour le sommet de l’OTAN ; deux expressions identiques ou peu s’en faut pour exprimer des points de vue radicalement opposés. Pour le premier il s’agit de ne pas perdre une seconde pour faire en sorte qu’un rassemblement de toutes celles et ceux qui, à gauche, cherchent à sortir d’une voie sans issue, menant le pays dans le mur , puisse s’opérer.
Le second commence par se référer à la catastrophique situation à laquelle la politique menée par lui et F Hollande ont très largement contribué mais il termine par sa vraie détermination, sa vraie obsession : « enfin la guerre contre la Russie, vite ! »
Ce qui se produit à la porte de l’Union Européenne en effet est gravissime : plusieurs blogs de Médiapart avec des points de vue différents voir opposés en font état. A quoi bon ce qui suit ?
On prétend ici développer des analyses qui n’ont pas encore été produites ce qui est vraiment une prétention à scandale de la part d’un non-spécialiste.
Que cherche V Poutine ? Sur ce point, même la presse qui a mes faveurs, l’Humanité par exemple n’est pas limpide et oscille ; on peut comprendre. Les ennemis de mes ennemis ne sont pas nécessairement mes amis. Il y a peu de doute sur le nouveau président élu d’Ukraine, l’oligarque du Chocolat est bien entouré ; il y a de VRAIS NAZIS dans son gouvernement lequel ne procède d’aucune élection soit dit en passant ; de là à considérer V Poutine comme un saint il y a de la marge ; les communistes français ont beaucoup donné et ont raison de faire attention. Un accent nouveau d’ailleurs apparaît maintenant dans l’Humanité relativement aux agissements de l’OTAN ; c’est justifié, on ajoutera ici quelques références intéressantes.
Reste le mystère de la politique russe ; la Russie est devenue un pays capitaliste, cela ne saurait faire de doute. V Poutine n’exprime pas une volonté de retour aux grandes valeurs si tant est que la politique soviétique les ait jamais défendues après- guerre – son soutien aux mouvements de Libération nationale tenait au moins autant de l’équilibre de la terreur que de « l’internationalisme prolétarien » et ne parlons pas de l’Avant –Guerre sujet en soi.
De plus ses positions radicalement homophobes, le fait qu’il soit soutenu en France par JM le Pen et le Front National ne sont pas à porter à son crédit, c’est une litote.
Alors ?
Alors avant de se lancer dans de grandes spéculations géopolitiques sur l’ »accès aux mers chaudes » et tutti quanti il convient de poser deux question simples :
Le peuple russe aime-t-il la guerre ?
Le peuple russe sait-il la faire ?
La première question appelle une réponse négative sans équivoque possible et la seconde appelle une réponse positive tout aussi peu équivoque, pour autant qu’il ait le sentiment de défendre ses intérêts vitaux. La restriction est illustrée par la débâcle d’Afghanistan qui fut l’une des raisons de l’effondrement final.
De la réponse à la première question qui parcourt toute l’histoire russe contemporaine au moins depuis la tentative napoléonienne, résulte que pas un responsable de haut niveau de la politique russe ne peut l’ignorer : Le peuple russe a horreur de la guerre. A ce degré, ce n’est pas un sentiment si banal.
On peut faire tous les commentaires qu’on voudra sur V Poutine mais son rappel à l’ordre des démocraties occidentales relativement à la composition du « gouvernement ukrainien » actuel est tout sauf une clause de style ; l’Union Européenne défend aujourd’hui un gouvernement non élu , dans lequel une partie notoire est nostalgique du fascisme et de la période nazie ; le fait que l’on n’assiste pas (encore) à des pogroms antisémites en Ukraine réduit le nazisme à cet aspect qui n’est surement pas négligeable mais pas central au propos ; les nazis ukrainiens étaient et sont d’abord nazis parce que antirusses , antibolcheviques , anti soviétiques, anticommunistes.
C’est ne rien comprendre que d’ignorer cette dimension ; le soutien occidental puise là ses sources ; non pas parce que la Russie actuelle est soviétique ou communiste, mais parce que à sa façon, elle l’est encore TROP. À cette dimension idéologique s’ajoute évidemment des considérations géopolitiques et géostratégiques.
Mais ce qui importe avant tout c’est de bien voir que avec toutes ses ambigüités, ses propos à certains égards parfaitement détestables, V Poutine joue aujourd’hui en Russie le rôle que de Gaulle pouvait jouer en France dans sa politique étrangère. De Gaulle fut honni Outre Atlantique et Giscard d’Estaing inaugura une nouvelle époque du Capital français en le liquidant ; aucune tentative ultérieure même timide ne sait revenir à la conception gaullienne de l’indépendance nationale et moins encore à « Une certaine idée de la France ». Les cris d’orfraie qu’on peut entendre en Occident à l’encontre de V Poutine ont la même origine et les mêmes motivations. la Russie de Poutine est un OBSTACLE à l’Hégémonisme Nord-Américain.
La Russie empêcha une LYBIE II en Syrie ; crime impardonnable.Mais ce faisant et quelles que soient les horreurs de la dictature de Hafez El Assad, son action empêcha l’ISIS de prendre pied en Syrie par la destruction complète de l’État syrien, ce qu’une intervention militaire Nord –Américaine sous égide de l’OTAN aurait achevé.
La Russie s’ »empara » de la Crimée ; elle le fit par la force sans aucun doute mais non sans l’appui massif de la population de Crimée. Des voix non-suspectes de sympathies pro –Poutine aux États- Unis le disent ouvertement.
La Russie de Poutine ne veut tout simplement PAS être « occidentalisée » Cette situation, qui charrie le pire et une part du meilleur est largement ignorée dans nos contrées évoluées et si promptes à défendre les Droits de l’Homme partout sauf en Palestine pour ne citer que cet exemple.
Le meilleur ? Où peut-on trouver du meilleur ?
Nombre de trésors culturels russes sont préservés jusque-là du mercantilisme ;les Universités fonctionnent à plein régime et sans l’inflation des « business schools » envahissant tout le paysage de l’enseignement supérieur occidental , de grands trésors vivants sont préservés tels que l’École de Musique , de Ballet , d’Opéra sans parler de la science qui se poursuit dans des conditions maintenant difficiles mais qui reste au niveau le plus élevé ; c’est cette réalité contradictoire que dirige V Poutine . Et c’est la raison d’une immense popularité.
Écoutant aujourd’hui la chronique de B Guetta sur France Inter
ce matin je suis stupéfait que cet analyste renommé ne cite pas John J Mearsheimer ( qu’il a évidemment lu) :
JJ Mearsheimer est Distinguished Service Professor à l’École de Science politique de Chicago et ce n’est à l’évidence pas une colombe mais son étude dans la très officielle revue « Foreign Affairs » est sans appel. Fausse analyse de la part des occidentaux et poursuite d’une politique d’antagonisme avec la Russie sans issue, sauf un rapprochement avec la Chine, ce que cet observateur lucide DU POINT DE VUE DES INTERETS NORD AMERICAINS redoute plus que tout, et de son point de vue il a raison.
(D’autres Blogs de Médiapart ont déjà attiré l’attention sur cet article, je ne prétends pas à l’exclusivité)
La Russie ne veut pas de l’OTAN à sa porte et JJ Mearsheimer la justifie en disant que les États Unis n’accepteraient pas davantage une alliance militaire entre la Chine, le Canada et le Mexique.
L’inspiration de son propos est de celle que V Poutine peut accepter et partager : faire de l’Ukraine un État- tampon entre Est et Ouest. Ni inféodé à l’OTAN qui doit cesser ses provocations vis-à-vis de la Russie ni inféodé à Moscou et il donne les grandes lignes d’un « gentleman agreement » possible ; sans doute est-ce là de la « realpolitik » façon H Kissinger et du point de vue qui est celui de l’auteur du Blog, tout sauf satisfaisante- une politique de puissance est une politique de puissance de quelque vertu qu’elle se pare- mais ce n’est pas S Huntington et « son choc des civilisations ». C’est cependant cette dernière conception qui l’emporte dans les milieux dirigeants occidentaux et quelles que soient les éventuelles hésitations de B Obama, ce dernier est en fin de mandat, il est assuré que Mme H Clinton prendra sa suite – aucun candidat républicain ne lui arrivera à la cheville – et malheureusement les feux des tendances bellicistes et hégémoniques Nord- Américaines reprendront le dessus de façon ouverte. Nous revenons ainsi à Manuel Valls et à la politique française, laquelle hors de la période gaulliste n’a jamais pu comprendre que c’était le partenariat avec la Russie qui était la clé de la sécurité et de la paix en Europe. Mais Manuel Valls fait fort.Il fait fort et il ment. Il fait fort, car commencer par des trémolos sur le chômage, les déficits publics, la dette et j’en oublie pour conclure sur la réunion de l’OTAN, sa nécessité et son intérêt majeur pour la France donne le vertige et il ment car il sait que les ronds dans l’eau français menaçant la Russie auront des conséquences possiblement désastreuses en France. Pour en être surs , Il suffit de consulter le New York Times ; là un éditorialiste qui est un faucon de la guerre froide explique jusqu’où les États Unis ne doivent pas aller trop loin : « Ce qui implique que l’usage de la force doit être circonvenu avec prudence et encadrée au travers d’alliances stables et les partenariats là où c’est possible ……. Et que face au numéro d’équilibriste de Poutine, les États –Unis doivent être prêts à combattre pour nos alliés de l’OTAN mais pas à rouler les dés de la guerre pour nos éventuels clients de Kiev »
Ceci est suffisant je pense pour montrer que dans cette affaire, le Président français et son Premier Ministre se retrouvent exactement dans la situation de la Syrie avant que le même « Occident » ne réalise que peut-être le régime de Assad pourrait devenir un partenaire ……… Ils seront ridicules avant qu’il soit longtemps mais la Russie n’aura aucune difficulté à nous le faire payer cher. Et ni les États-Unis ni l’Allemagne qui nous souffle maintenant notre politique extérieure après nous avoir imposé notre politique budgétaire ne nous en seront reconnaissants.
Voilà un discours de Munichois s’écrieront tous ceux qui étaient POUR les accords de Munich et aujourd’hui tous ceux qui ont entendu le mot mais ne savent rien de la chose ; il faut être Mme H Clinton bien à l’abri à Washington pour oser : Poutine = Hitler.
V Poutine a fait de ces déclarations insensées une chiquenaude. Dès demain elle dansera avec lui. Il n’a garde de l’ignorer.
Ce cinéma ne saurait nous faire oublier l’essentiel :
L’OTAN est redevenue une menace pour la paix du monde. La France n’a rien à y faire.
D’autre part il est maintenant notoire que ce qui s’est passé à Kiev a été un « coup » ourdi et préparé par la CIA ; autre chose est de voir que le soulèvement de Kiev n’était pas fictif ; autre chose est de voir que la population ukrainienne croit aux boniments occidentaux – elle va vite comprendre- ; mais ce soulèvement poursuivait de tout autres objectifs que ceux auxquels en définitive il a abouti ; allez donc faire croire que le ploutocrate du chocolat va mettre fin à la corruption , va mettre en place une économie digne de ce nom etc.. etc…
La revue progressiste Global Research dans un article très documenté «http://www.globalresearch.ca/cia-fbi-agents-dying-for-illegal-junta-in-ukraine/5383040 » fait litière de tout argument disculpant le FBI et la CIA dans leurs activités secrètes en Ukraine et ajoute « le fait majeur ignoré est que l’ensemble des activités conjointes US/CIA/OTAN / UE sont ILLEGALES »
On ne peut que citer la conclusion : « Les Etats-Unis d’Amérique sont partie prenante d’une sale guerre illégale dans un pays où ils n’avaient rien à faire, premièrement. L’Opération ukrainienne ne sert aucun intérêt américain, ne protège pas « les vies américaines » et n’a aucune incidence sur le bien-être du peuple américain ni pour promouvoir la démocratie ni les Droits de l’Homme ou quoi que ce soit d’autre. US/OTAN veulent implanter des missiles en Ukraine pour menacer la Russie qui n’a rien fait d’autre que d’essayer de tisser des liens amicaux et simplement y faire des affaires. Les opérations de la CIA en Ukraine sont illégales. Point barre. Fin de la discussion.”
Décidément Pierre Laurent a raison « Il y a le feu à la maison «