TCHAPAIEV

Abonné·e de Mediapart

209 Billets

0 Édition

Billet de blog 6 avril 2015

TCHAPAIEV

Abonné·e de Mediapart

BOUDINOVITCH : LE CAS TARTONNE

TCHAPAIEV

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

 Boudinovitch, le cas Tartonne

Nous passons en revue ici certains arguments du billet intitulé « LE CAS TARTONNE » ; ensuite nous examinerons en détail les conclusions que l’auteur en tire

Commençons par le …. Commencement ; l’auteur écrit « Quoiqu'on pense de ce fait d'arithmétique électorale, il me semble compatible avec l'idée qu'une partie du vote FN peut assez facilement se transformer en vote FdG. Si l'on examine de près les déplacements de voix, il semble clair qu'entre un quart et un tiers des voix du FN se sont reportées sur le FdG. Une autre part est retournée vers la droite classique. »

Le Billet ne donne aucune indication sur l’abstention ; comment l’auteur peut-il dire qu’il a examiné de près les déplacements de voix ?

Même si l’auteur a les éléments pour justifier qu’entre 1/3 et 1/4 des voix du FN en 2014 se sont portées sur le FDG , il est très aventuré de conclure comme il le fait ; à savoir l’idée selon laquelle « une partie du vote FN peut assez facilement se transformer en vote FDG ».

D’une part , les thématiques fondamentales du FN sont d’extrême droite ; il ne fait aucun doute au plan national – il peut y avoir des exceptions – que les électrices et électeurs du FN adhérent très majoritairement à CES thématiques frontalement contraires à celles que développe en principe le FDG ; Boudinovitch explique ensuite que les couches sociales fortement présentes à Tartonne, et globalement , au plan national , très dominantes dans l’électorat du FN , sont très « versatiles » ; admettons . Il y a  là ample matière à discuter ce point mais l’essentiel est cette focalisation rencontrée sinon couramment au FDG , en tout cas assez répandue , sur le vote FN ; cette focalisation tient au fait , à mon sens , que les électrices et les électeurs du FN … ne sont pas abstentionnistes et de ce fait plus « politiquement actifs » que celles et ceux qui  justement , ne vont pas voter . Cette vision se heurte selon moi ,  à deux critiques majeures : d’une part elle considère  que le vote FN est pour une part un vote « égaré » et pour être plus précis « un vote de classe égaré » ; il est possible que ce soit vrai à la marge, surement pas majoritairement DANS l’ENSEMBLE du vote FN .

Je peux donner l’exemple intéressant du village qui s’est transformé en gros bourg où j’habite mais cela conduirait à prendre cet exemple de préférence à Tartonne et ce n’est pas mon objectif ; en tout cas c’est la thèse que je rencontre, la thèse d’une « colère qui se trompe » ; j’aimerais convaincre que c’est faux, profondément faux ; une fois que l’idée de la « préférence nationale » a imbibé l’esprit, l’affaire est dans le sac. Si ce n’est pas celle-là, c’est sa voisine «  Les tricheurs de l’aide sociale, les profiteurs du système » ; c’est exactement ce sur quoi a misé JL Mélenchon avec son livre « Virez les tous ».

Entendons-nous bien  pour la suite ; il n’est pas une seconde dans mon esprit de faire le moindre parallèle  entre ce qu’écrit JL Mélenchon – c’était au début de la montée du FN – et le programme du FN lequel contient encore bien d’autres aspects redoutables que ceux que je mentionne mais qui travaille une communication faite d’ « idées » simples et pratiques   , un corpus limité qui crée l’illusion de la « colère qui s’égare » ; en écrivant « Virez les tous » , JL Mélenchon tentait de capitaliser à GAUCHE une colère tout à fait réelle ; l’écrit de JL Mélenchon COMBAT l’idéologie du FN mais partant d’une analyse proche de celle que développe Boudinovitch , il manqua la cible et le FN continua à grandir. Il n’est pas dans mon propos ici d’examiner ce que fit le PCF pendant ce temps ; en tout cas , il est très dangereux de penser que la « colère égarée » peut parfaitement et facilement retourner au bercail en quelque sorte ; je renvoie à l’ouvrage court , accessible et synthétique de mon ami Alain Hayot- dont je partage une grande partie de l’analyse – ouvrage intitulé «  Combattre le FN » ; Alain Hayot reprit dans une campagne mémorable la ville de Vitrolles au Front National…. La question est profondément POLITIQUE ; on ne peut pas en faire « l’économie » ; si Boudinovitch a raison c’est sur l’unique point saillant du cas Tartonne : à savoir le FAIT que seul le FDG tint une réunion politique à l’occasion de ces élections à Tartonne devant l’ensemble du conseil municipal ; le fait que SEUL le FDG se soit intéressé à la population de Tartonne peut avoir suscité des déplacements d’électrices et d’électeurs qui autrement se seraient abstenus ET MARGINALEMENT la bascule FN –FDG sur laquelle Boudinovitch se focalise ; les « extrêmes » ne se touchent pas contrairement aux idées répandues , autre idée dangereuse , et le FDG n’est pas un rassemblement d’extrême gauche en dépit des commentaires complaisants , rejoignant totalement le cœur même des philippiques de N Sarkozy qui ne combat le FN que pour atteindre le FDG ; Boudinovitch devrait y prêter attention.

J’ai parlé de deux critiques majeures ; l’autre, est l’absolue impasse sur l’abstention ; un(e) électeur (trice) sur deux !!!!!!!!!

Comment peut-t-on , si on a le souci  de changements de gauche majeurs , les oublier ? Comment peut-t-on verser un(e)citoyen(ne) sur deux au cimetière de la citoyenneté ? Les abandonner est pire qu’un crime. Là se trouvent, je l’ai déjà dit, les réserves massives  des forces de la gauche que la politique actuelle stérilise.  La politique actuelle mais aussi évidemment celle que la droite a initiée durant des années ; la droite a BESOIN de ce hara-kiri  électoral des couches populaires ; c’est là une façon « élégante » de revenir au suffrage censitaire et s’inscrit totalement dans la stratégie de la Trilatérale, organisme occulte   du grand capital mondialisé qui produisit la « thése » selon laquelle il y avait des limites infranchissables   au développement de la démocratie. Le PS s’engouffre dans cet axiome ; Terra Nova lui en a fourni  les soi-disant bases théoriques.  

Ensuite, Boudinovitch s’essaie à une rapide analyse sociologique ; bien qu’on puisse le rejoindre sur certains points, voilà sa conclusion :

« Ces couches, non bourgeoises et non prolétariennes pèsent lourd dans tous les partis de la "vraie gauche" : du PCF jusqu'à EELV (et sans doute quelques socialistes). »

On pourrait avec cruauté lui demander ce qu’il entend par « couches prolétariennes » dont il n’est pas question de nier l’existence bien que celle –ci soit de l’ordre empirique pur et pas de l’ordre » théorique » mais cela entraînerait hors du propos principal. Boudinovitch ignore absolument le métissage social très large  dont les couches populaires sont l’objet mouvant , ce qui rend les « frontières » sociologiques au sens étroit du terme mais aussi dans une large mesure celui d’une analyse proche de celle du marxisme canonique , complétement indiscernables ; la catégorie socio professionnelle « ouvrier » recouvre une réalité sociologique mais surement pas « la classe ouvrière » , laquelle existe évidemment aussi, mais n’est semble-t-il PAS susceptible d’une définition satisfaisante aujourd’hui , à supposer qu’elle l’ait été dans le passé, ce qui reste à voir ;  Boudinovitch confond -t-il « couches prolétariennes » avec « classe ouvrière » ; apparemment non mais l’enjeu du texte étant ailleurs nous n’épiloguerons pas à ce sujet .    

Ces couches dit-il pèsent lourd dans tous les partis de la « vraie gauche » ; je laisse de côté la question soulevée  par ce qualificatif ; il inclut « certains socialistes » mais à l’évidence pas le PS ; « fausse gauche » ou élément sans cesse reconstitué de LA GAUCHE ?

L’agglomérat auquel se livre Boudinovitch est peut-être séduisant de prime abord mais hélas ne tient pas et encore moins avec ce qui déchire EELV  aujourd’hui.  Connaisseur de mon parti le PCF, je peux lui assurer que cet agglomérat relativement au PCF ne tient pas ; il ne tient pas pour l’ensemble de ses cadres, il ne tient pas pour ses élus. La proportion d’ouvriers en rapport avec la POPULATION a chuté au sein du PCF, c’est exact, quant à en faire un parti de bobos de gauche, quand même il y a une limite. L’électorat du PCF lui non plus n’est PAS versatile ;   il est fixé par un ENSEIGNEMENT POLITIQUE avant d’être un signe d’appartenance de classe mais le vote PCF reste très majoritairement un vote de classe sur des enjeux de classe.

Le fait qu’il soit encore trop faible est d’une autre nature , a d’autres sources etc…….

Puis l’auteur conclut de façon étonnante :

« C'est là, et nulle part ailleurs, qu'il faut chercher les difficultés du rassemblement des vraies gauches. C'est davantage la peur du succès que la peur de l'échec. Un phénomène Syriza en France est à portée de main, réalisable en moins de temps qu'il n'en a fallu en Grèce. La vraie gauche peut prendre la tête d'une coalition populaire dans un futur immédiat. Les difficultés ne sont pas dans les "désaccords". Qu’il s’agisse de l'attitude à avoir devant Bruxelles, ou du chemin à prendre, qu'il s'agisse de partager le travail et les ressources, ou de s'engager dans la transition énergétique, les "désaccords" sont complètement artificiels : les incertitudes sur ces questions difficiles partagent TOUS LES PARTIS. »

Il est légitime de s’interroger sérieusement à ce sujet ; peur du succès plus que la peur de l’échec ? Comme l’auteur compare avec Syriza qu’il dit à portée de main, je pense que la première formule intégralement valable pour le KKE qui pour rien au monde ne voudrait être confronté aux réalités gouvernementales, est INTEGRALEMENT FAUSSE pour le PCF. Pour les autres partenaires du FDG, et je ne parle même pas de EELV qui pour le moment ont de tout autres préoccupations, je ne sais pas ; mais Boudinovitch les connaît mieux que moi et je ne saurais me prononcer.

Mais le plus rude est son affirmation selon laquelle « les difficultés ne sont pas dans les désaccords » ; le seul fait que je sois là-dessus en fort désaccord avec lui devrait suffire à lui indiquer que …. Ce n’est pas aussi simple qu’il le pense ; je ne vais pas passer du temps à expliciter des désaccords profonds qu’aucune baguette magique ne résoudra par enchantement.la volonté politique peut beaucoup et peut résoudre des situations en apparence bloquées MAIS NE PEUT PAS TOUT.

 Par contre tenter de voir ce qui est POSSIBLE pour aller vers ce qui de toute évidence est le souhait de Boudinovitch et le mien aussi, là par contre, l’accord est total.

Les composantes du FDG sont DIVERSES ; prenons en acte ; le FDG a vocation à s’élargir puissamment et les formes de cet élargissement ne sont pas connues d’avance ; mais plus il s’élargira à d’autres composantes , plus il rassemblera d’individus qui , tout en refusant d’être « assimilés à » , sont mobilisables pour une construction de gauche alternative à ce que nous avons devant les yeux et PLUS IL SERA DIVERS . On en sort comment ?

En écrasant cette diversité et ces singularités dans un moule unique ou au contraire en donnant à cette diversité même toute la puissance potentielle de son expression ?  Je penche sans hésiter pour cette solution ; on voit bien qu’elle a quelque chose en commun avec «  marcher côte à côte et frapper ensemble »  mais dans mon esprit c’est une construction beaucoup plus riche ; le « côte à côte » dit ce qu’il veut dire ; en dehors de ce sur quoi nous sommes d’accord, nous nous ignorons réciproquement. Je pense que nous avons besoin de beaucoup plus, de bien plus riche, j’y insiste  ; je pense que nous avons et aurons besoin constamment d’échanger ;  l’échange instille le respect des positions différentes , une écoute plus attentive ; aucun individu ne peut penser seul le changement auquel il aspire et aucune formation  - ni aujourd’hui ni demain- ne peut ni ne pourra prétendre y jouer par définition un rôle central par rapport auquel tout devrait graviter ; rôle central , épine dorsale, tout cela est à oublier définitivement ; dans ces échanges, chacune et chacun compte pour une ou un , et seule doit compter l’autorité de l’argument ; bien sur , dans la vraie vie , cela ne se passe pas ainsi ; des arguments forts existent pour que une forme du barrage de Sievens soit construite ; de même des arguments forts existent pour construire l’Aéroport de NDL, et il est simplement absurde de penser que la force de ces arguments , à supposer qu’il soient exhaustifs suffisent à entrainer une conviction unanime ; la même chose est vraie pour des questions encore plus lourdes telles que l’Euro , la monnaie unique , la BCE , la construction européenne , JEANPASSEETDESMEILLEURES ; donc à un moment , l’idée d’une majorité imposante doit avoir droit de cité ; imposante : si les avis sont réellement partagés , alors toute décision sera mauvaise quelle qu’elle soit ; si la majorité est imposante , la décision peut être fausse , erronée mais c’est la voix à un moment donné d’une majorité IMPOSANTE .  Apprendre cela, tout en marchant, crée une dynamique démocratique complétement inédite. L’apprendre dans l’opposition donne de sérieuses garanties sur les suites en cas de victoire ; c’est aussi pourquoi les partis politiques qui obéissent à d’autres exigences, sont constitués autrement, ont un rôle CONTRIBUTIF essentiel. Ces partis PENSENT et ELABORENT , on peut du moins l’espérer et j’assure Boudinovitch que c’est le cas du PCF .

Je ne dirais rien du PS ; c’est l’obstacle par-dessus lequel saute  Boudinovitch et beaucoup d’autres – il sera flatté de savoir qu’un philosophe connu comme André Tosel penche plutôt de son côté et ….. pratiquent le même enjambement. D’une part , j’ai déjà beaucoup écrit à ce sujet et d’autre part j’en ai déjà assez dit pour aujourd’hui .  

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.