TOUT VA BIEN (PARTIE II )
J’allais vous parler de la campagne BDS et je vais le faire ; mais entretemps, comme tout va bien, j’ai à vous faire part de trois faits ; tous importants mais pas de même nature , le troisième est EXCEPTIONNEL et je citerais intégralement ; outre sa portée , c’est une introduction extraordinaire à ce que je m’apprêtais à vous dire
Charles Enderlin est interviewé hier soir sur FR 2 ; il n’est pas besoin de le présenter ; c’est un journaliste comme il en existe peu et ses ouvrages méritent d’être entre toutes les mains ; il répond à la question de savoir ce qui a décidé le gouvernement israélien à accepter un cessez-le feu sous égide égyptienne et si par hasard ce serait l’ombre portée par les protestations les plus diverses montant de l’opinion mondiale.
Eh bien, non, voyez- vous, pour Charles Enderlin, circulez, rien à voir avec la protestation ; tout va donc très bien et on n’a plus qu’à s’intéresser au mariage rompu de Hollande avec Julie Gayet ……… Comme quoi il arrive encore à des aigles de voler à la hauteur des poules ; à peu près tous les États Latino-Américains ont pris des sanctions diplomatiques vis-à-vis d’Israël , le gouvernement de Sa Majesté est secoué de spasmes ( démission d’une secrétaire d’État condamnant l’attitude du gouvernement britannique ) , décision britannique de mettre un embargo sur les ventes d’armes à Israël , montée, sous des formes parfois discutables ( voir mon billet : Tout va bien Partie I ) de l’indignation en Italie , ne parlons pas de la France où la population est dans sa grande majorité outrée des positions antérieures du gouvernement français ( pas de sondage hein ?) , ce qui est la SEULE explication des propos récents de Laurent Fabius, indignation du Secrétaire Général des Nations Unies, une onde de choc , mais tout cela n’a rien à voir ?
Sondage après « le travail » en Israël ; une immense majorité considère qu’il n’y a pas de vainqueurs ; la même majorité soutient l’action du gouvernement. Il n’y a là AUCUNE contradiction malgré les commentaires qui s’étonnent ;
Un sondage antérieur ( voir mon Billet Partie I ) nous renseigne totalement : « Un véritable tsunami d’opinions divergentes se lève en Israël ; évidemment le gouvernement veut savoir si la population le soutient ; cela donne 86% pour « arrêter ça » à la condition de l’arrêt total des tirs de roquettes ; 85% pour dire que « pas avant que toutes les structures du Hamas n’aient été démantelées et mises hors d’état «, 51% pour estimer « que le régime instauré par le Hamas à Gaza doit être renversé ».
Laissons les supputations relatives aux calculs éventuels de Netanyahou ; ces chiffres indiquent sans équivoque que le problème en Israël n’est pas « le Hamas » mais l’assurance de pouvoir vivre paisiblement, en sécurité ; pour une opinion chauffée à blanc, dans un contexte où les forces pacifistes se heurtent à une répression sans merci dans les médias, où la propagande belliciste a atteint un degré inégalé, c’est le sentiment que c’est la paix qui doit être l’objectif. »
Mézalor, si ce déferlement sauvage, ce déferlement barbare n’a apporté aucune « victoire », à quoi, mais à quoi a-t-il servi ?
Décidément, tout a déjà été dit : voilà le Docteur Faust de Goethe qui se lamente : « Und bin so klug als wie zufor » ( et je suis Gros Jean comme devant)
Oui, on se prendrait les côtes, si ce n’était pas à hurler.
Évidemment, le sondage mentionné d’après le « travail » souligne que la population israélienne n’est pas dupe et elle est EN MEME TEMPS sous le coup de la propagande infernale de ses dirigeants , une partie importante mais surement pas majoritaire PARTICIPE ACTIVEMENT à cette propagande ;le « travail » n’a RIEN apporté à Israël en termes de sécurité pour l’avenir ; voilà ce qu’il faut retenir et voilà ce que retient la population israélienne enfermée dans ses mythes, sa peur, et son sentiment de supériorité . Tout cela fait un mélange explosif et il commence à exploser ; on en arrive à ce que j’ai annoncé : gardez cet éditorial en mémoire, affichez le devant votre bureau, lisez-le en vous brossant les dents mais soyez en certains, cet éditorial- là va compter.
Sous le titre « LA VERITE SUR NOUS-MÊMES » , Carolina Landsman(http://www.haaretz.com/opinion/.premium-1.609108) écrit ceci :
« Si nous sortons intacts de cette plongée abyssale où nous sommes tombés cet été, nous ne pourrons pas échapper à un examen approfondi de la raison pour laquelle autant de nos concitoyens signent des deux mains pour la campagne visant à éliminer toute possibilité d’autocritique de la société israélienne.
Nous n’aurons pas d’autre choix que de nous demander comment il se fait que, précisément lorsque nous avons réalisé que la VRAIE menace par rapport à notre pays n’ÉTAIT PAS l’IRAN comme on nous l’a annoncé à coup de trompe pendant des années, mais plutôt la stagnation du processus de paix, conduisant les eaux dormantes de Gaza à devenir un marécage de résistance, comment se fait –il que nous nous soyons sentis en sécurité soudainement sous la férule de ceux qui nous ont mentis ?
Nous n’aurons pas d’autre choix que de nous demander comment nous avons pu nous taire lorsque le gouvernement fit porter la faute de l’enlèvement de nos trois jeunes sur le Hamas et nous a ramenés dans la bande de Gaza alors que le Hamas n’a jamais revendiqué la responsabilité du kidnapping (comme tout groupe terroriste le fait depuis des temps immémoriaux) .
Nous n’aurons pas d’autre choix que de nous demander comment nous n’avons pas perdu notre sentiment de supériorité morale lorsqu’un groupe d’israéliens s’est saisi d’un adolescent Arabe et l’a brûlé vif jusqu’à la mort dans un acte de vengeance .
Durant le règne des généraux, le règne de la terreur en Argentine, la psychanalyse étaient interdite. Le régime, qui cherchait une domination absolue sur la société , tenta d’envoyer profondément ses tentacules dans la conscience pour mettre en miettes la capacité argentine de l’auto- réflexion.
D’une façon sans précédent, la société israélienne abandonna cette capacité aux alentours de 2014.
Ceux qui ont menacé l’éditorialiste en chef Gidéon Lévy et Haaretz ne l’ont pas fait sous couvert d’une quelconque autorité officielle.
Ceux qui ont extorqué des excuses publiques de la part de l’artiste de variétés Orna Banai pour ses remarques contre la guerre n’étaient pas des membres de la police secrète .Les gens qui sont entrés dans une pharmacie de Nétanya pour « punir » une jeune femme arabe coupable d’ »aimer » un post sur Facebook relatif aux morts de soldats n’étaient pas des agents du Service Secret le Shin Bet .Ceux qui envoient des lettres de menaces aux conférenciers et étudiants des universités ne font pas partie du Ministère de l’Éducation . Ceux qui censurent les éditoriaux « radicaux » des sites d'Informations ne sont pas mandatés par le Bureau de Censure des Forces Armées, et ce n’est pas le gouvernement qui cache les images des rues de Gaza aux yeux du public. Il ne s’agit là que de quelques exemples de la soumission volontaire d’une société à ses PROPRES ORDRES DE MARCHE .
ON DOIT SE DEMANDER QUEL BESOIN D’AVOIR UN REGIME TOTALITAIRE AVEC UNE TELLE SOCIETE ?
La ligne officielle du représentant de l’Etat durant l’opération « Barrière Protectrice » est que les Palestiniens sont victimes du Hamas , une organisation terroriste qui se sert de la population comme bouclier humain . Le ministre de l’Economie Naftali Benett proclame que le Hamas pratique l’auto génocide sur son propre peuple, contre des femmes et des enfants. Mais si c’est le cas, qu’on nous explique les vagues de joie déferlantes inondant Internet et les rues à l’annonce de la mort de centaines de victimes innocentes – selon le gouvernement de Netanyahou- incluant des vieillards des femmes et spécialement des enfants ?
Et qu’on nous explique alors pourquoi les peu nombreuses marques d’empathie que l’on peut encore entendre en Israël vis-à-vis des morts palestiniennes de Gaza, sont-elles traités de « trahison » ?
La ligne officielle propagée par le gouvernement tente de nous présenter une situation complexe d’une façon simpliste avec une seule partie coupable et le public n’a pas hésité à acheter ça .
Mais le niveau très bas de tolérance exhibée par la société israélienne vis-à-vis de ceux qui ne rejoignent pas le consensus , de ceux qui osent exprimer des doutes et Dieu nous en préserve, ceux qui osent présenter une autre lecture de la réalité soulève la suspicion selon laquelle l’unité nationale et le sentiment que nous sommes plus justes et moraux que jamais , sont juste le masque de profondes fissures et de sentiments de culpabilité.
UNE SOCIETE JUSTE N’A PAS PEUR DE S’EXAMINER ELLE-MÊME.
Nous pouvons seulement espérer que lorsque la vérité sur Gaza et sur nous –mêmes fera ERUPTION au travers des craquements de la société, nous ne découvrions pas, qu’en fait, c’est LÀ LE problème et pas le Hamas qui constitue la plus grande menace pour l’existence d’Israël »
Ne haussez pas les épaules, l’auteure pour écrire ça, risque sa peau. C’est ce que vous voulez qu’on boycotte ?
Un tel texte devrait être lu à la séance inaugurale de tout colloque scientifique international digne de ce nom et a fortiori tout colloque où sont présents des universitaires israéliens.
Pour ce qui concerne le boycott académique j’en ai assez dit ; tout autre commentaire est vide de sens.
Reste évidemment la question du boycott d’Israël en tant que tel ; je n’ai pas besoin d’aller chercher les références à l’antisémitisme ; elles existent mais ce n’est pas mon propos ici en tout cas.
Quand on formule une exigence ou une revendication c’est dans le but en principe de la voir réalisée et il faut TOUJOURS se placer avant de la formuler dans la situation où ELLE EST APPLIQUEE ; ne parlons pas ici de la faisabilité ni du fait que compte tenu du poids et de la dépendance d’Israël vis-à vis Etats Unis , cette affaire ne tient pas debout .
Supposons là réalisée ou en voie de l’être ; voilà le gouvernement israélien en position de victime universelle ; les forces qui en Israël aujourd’hui se battent comme elles le peuvent contre cette politique sont interdites ; leurs militantes et militants jetés au cachot, sinon pire ; voilà Israël devant le Conseil de sécurité des Nations Unies qui clame la crise humanitaire proche ; c’est ça que nous voulons ?
Pas un seul « argument » de la politique israélienne n’est compromis de cette manière ; la population israélienne crie au génocide juif ; pendant ce temps, les droits fondamentaux du peuple palestinien avancent à grands pas ………. C’est une hérésie.
Reste un argument entendu : et en Afrique du Sud ? N’est-ce pas ainsi que le régime a dû plier ?
On peut en débattre à l’infini ; personnellement, je n’en crois pas un mot. Il est impossible de prétendre isoler la campagne pour le boycott de l’Afrique du Sud des autres campagnes d’opinion visant à mettre le régime au ban des accusés et encore plus impossible de l’isoler de la campagne pour la libération de Nelson Mandela et selon moi c’est CETTE LIBERATION qui , plus que tout autre forme de solidarité militante a eu raison du régime ; encore faut-il un Mandela …..
A ce sujet je ne vois pas comment être plus lucide que cet éditorialiste de Haaretz qui écrivait au début du « travail » : « Le gouvernement doit songer deux fois , dix fois , cent fois avant d’envoyer des troupes à Gaza . Il doit chercher un partenaire courageux pour conclure un accord ; si Abou Mazen ne peut pas le faire, ce n’est pas la fin du monde ; aucun leader n’est irremplaçable Le meilleur de tous se trouve parmi nous, en prison en Israël. Il se nomme Marwan Barghouti«
Tout cela ne signifie pas que je condamne celles et ceux qui continuent de penser que la campagne BDS, en fait de boycott d’Israël comme tel est le moyen principal sinon unique de parvenir à bouger les lignes. Elles et ils pensent que la radicalité des mots d’ordre peut se substituer à l’action politique…… On me permettra de voir les choses différemment.
La Palestine n’est pas l’Afrique du Sud ; sinon il y a beau temps que la question serait réglée en tout cas dans les têtes de nos concitoyennes et concitoyens …. Et ce n’est pas une vue de l’esprit que de constater qu’elle ne l’est pas ; je laisse la page ouverte volontairement pour un débat qui ne fera que s’amplifier ; en attendant , bien que les sanctions ne soient qu’un élément dans la question laissée ouverte par le « travail » des Forces Armées Israéliennes , elles peuvent et doivent jouer un rôle rassembleur et effectif dans l’opinion français et celle de l’Europe Occidentale ; faute de quoi , on peut s’attendre sur le continent européen à d’autres explosions sans parler de ce qui couve en France .
Oui tout va bien .