Après avoir répondu à Stéphane Delpeyrat que je remercie de sa réponse amicale et néanmoins acide , un ami m’a envoyé une référence à un texte que je ne connaissais pas ; ce texte vaut le détour ; c’est la déclaration de principes du PS .(http://www.parti-socialiste.fr/la-declaration-de-principes)
Citons –en quelques extraits , juste pour voir :
« - Être socialiste, c’est ne pas se satisfaire du monde tel qu’il est, c’est vouloir changer la société. L’idée socialiste relève, à la fois, d’une révolte contre les injustices et du combat pour une vie meilleure. Le but de l’action socialiste est l’émancipation complète de la personne humaine »
« Les socialistes portent une critique historique du capitalisme créateur d’inégalités, facteur de crises, et de dégradations des équilibres écologiques, qui demeure d’actualité à l’âge d’une mondialisation dominée par le capitalisme financier. »
« Les socialistes sont partisans d’une économie sociale et écologique de marché, une économie de marché régulée par la puissance publique, ainsi que par les partenaires sociaux qui a pour finalité la satisfaction des besoins sociaux essentiels. Le système voulu par les socialistes est une économie mixte, combinant un secteur privé dynamique, un secteur public efficace, des services publics de qualité accessibles à tous, un tiers secteur d’économie sociale et solidaire. »
Plus loin le texte affirme « le ¨parti socialiste est un parti réformiste … «
Dans ce texte , on ne trouve aucune contradiction entre les différents articles .
De ce fait , si on s’en tient à ce texte –dont je répète que je le tiens pour important – non seulement le PS est vu et sera vu par une large part de nos concitoyennes et concitoyens comme un parti de gauche mais il l’est . Ceci me semble indiscutable . J’accentue donc encore mon précédent billet sur ce point qui est de taille .
Le premier problème de ce texte qu’apparemment reçoit tout nouvel adhérent du PS, est que ses dirigeants ne semblent pas – ou alors les mots n’ont vraiment pas de sens – le connaître………..
Par exemple si Stéphane connaissait ce texte ,il ne proposerait surement pas la constitution d’un « nouveau parti socialiste » ……. Pour dire quoi ? La même chose à des virgules ?
Bien entendu , la critique que le PS est censé porter du capitalisme ne va pas jusqu’à proposer de s’en extraire ; on ne saurait le lui reprocher . Ce n’est pas là-dessus que porte le débat à gauche.
Le débat est simple : le texte dit « Le but de l’action socialiste est l’émancipation complète de la personne humaine » ; je demande humblement, poliment, courtoisement à Stéphane de me dire où je dois voir le début du commencement d’application, fût-ce d’un point de vue réformiste, de ce principe dans la politique suivie par le gouvernement Hollande.
Ce n’est pas qu’une question de divorce entre paroles et actes, bien que ce ne soit pas une petite question.
Le PS , je l’ai dit, dispose , grâce notamment à la campagne du Front de Gauche portée par son candidat Jean-Luc Mélenchon de tous les pouvoirs . Tous.
Or rien , je dis rien , dans les 18 mois écoulés ne fait si peu que ce soit écho à la phrase «Le but de l’action socialiste est l’émancipation complète de la personne humaine « si l’on excepte , exception notable et très importante de l’adoption de la Loi sur le Mariage pour Tous .
Si on veut bien accepter de regarder la totalité de l’action gouvernementale, en dehors de cette très importante exception , toute l’action gouvernementale s’inscrit en contradiction absolue avec le principe « Le but de l’action socialiste est l’émancipation complète de la personne humaine » . Second problème.
On pourrait dire que le rythme est lent , on pourrait dire que, réformiste , le PS choisit ses rythmes et qu’il a le sens du compromis lorsque celui-ci est nécessaire . Tout cela mériterait une discussion mais on voit bien que s’il y a débat et débat incendiaire à gauche ce n’est pas là-dessus qu’il porte .
En tout cas, ce n’est pas là que je vais chercher de quoi nourrir ce billet . Monsieur Plus n’intéresse personne .
Le comportement quotidien de l’action gouvernementale s’inscrit en totale contradiction avec les principes dont le PS se réclame, voilà ce qui choque et choque à bon droit.
Je ne veux même pas envisager une réponse du type « l’action gouvernementale n’est pas la traduction de principes d’un parti » ; si c’était le cas , il faudrait claironner ça urbi et orbi et je suis certain que ce faisant, les porte –parole du PS auraient un immense succés . A quoi sert alors de voter pour vous ? Que nous font vos principes si une fois au pouvoir vous ne les mettez pas en application ?
J’ai cité deux problèmes , je crois, majeurs ; il y en a un troisième qui a échappé au perspicace Stéphane Delpeyrat .
Voici le PS en campagne ; il prépare 2012.
Là le principe « Le but de l’action socialiste est l’émancipation complète de la personne humaine » n’est plus JAMAIS rappelé.
Capitalisme , vous avez dit ,capitalisme ?
« Les socialistes portent une critique historique du capitalisme créateur d’inégalités, facteur de crises, et de dégradations des équilibres écologiques, qui demeure d’actualité à l’âge d’une mondialisation dominée par le capitalisme financier. »
Rien je dis rien , dans les documents de campagne 2012 du PS ne viendra rappeler « cette critique historique » ;
Le mot « capitalisme » est souvent absent ; lui est substitué une critique purement « politique » attribuant à la droite et à sa politique tous les méfaits possibles ; la manière dont la politique de la droite est critiquée est en elle-même une question ; parfois , cette politique est attribuée à une « erreur de visée » , une myopie délibérée ; elle n’est jamais mise en cause comme le produit d’une volonté politique clairement assumée ; ceci a plusieurs conséquences ; d’une part la crise systémique est totalement ignorée ; le PS se réfère à d’innombrables « crises », mais JAMAIS à LA crise du capitalisme .
Ce point de vue a une signification POLITIQUE : la logique qui inspire les Notes du PS est entièrement tournée vers une MEILLEURE EFFICACITE DU CAPITAL ; à l’intérieur de cette meilleure efficacité , il y a place pour des mesures sociales réelles , pas celles que propose le PCF mais pas en totale contradiction non plus ; la meilleure efficacité du capital est recherchée de plusieurs façons convergentes : d’abord par une fiscalité qui , à défaut de s’attaquer de front à l’accumulation capitaliste notamment sous sa forme spéculative et financière , entend limiter la « rente »,favoriser l’investissement productif , décourager la forme parasitaire (ce point est plus obscur mais n’est pas absent) ;ensuite par la réhabilitation du capitalisme industriel sous la forme d’une « grande politique industrielle » est un accent tonique fort issu des Notes .
Beaucoup de mesures concrètes sont proposées relativement à la gestion des entreprises et aux droits des travailleurs ; ces mesures sont progressistes ; aucune n’est à rejeter MAIS , dans la mesure même où le point de vue choisi est celui de la PLUS GRANDE EFFICACITE DU CAPITAL et NON de SA CRITIQUE , sans même parler de CELUI DE SON DEPASSEMENT , le pouvoir de DECISION INCOMBE en dernière instance dans le projet du PS aux tenants du capital ; il ne s’agit pas seulement en effet , pour les salariés d’être « mieux informés » ,ni d’être davantage présents mais d’être mis en mesure de proposer de véritables solutions alternatives. En quoi suis-je en meilleure position si je dois apprendre en détail le bréviaire " Frère , il faut mourir"?
En aucun cas il ne s’agit d’un quelconque dépassement du salariat ; bien au contraire , « mieux le capitalisme » implique rapport salarial APPROFONDI , c'est-à-dire INTEGRATION IDEOLOGIQUE aux canons supposés intangibles du capitalisme .
Ceci a fait l’objet d’une vérification spectaculaire à Florange .
Procès d’intention ? Ceci figure au contraire explicitement dans l’une des Notes qui reprend sans s’y référer un Rapport non encore voté( à l'époque ) au PE sur le partenariat « entreprise –université » ; le PS veut considérablement renforcer l’esprit d‘entreprise DES LE PLUS JEUNE AGE ; les programmes scolaires doivent en porter la marque ; l’entrepreneur (« marchand ou non ») devient la figure cardinale de la société .
Evidement ce petit parcours n’a pas la prétention d’être complet ; toutefois on voit s’esquisser dès la campagne 2012 un tournant idéologique net ; la « critique historique « a laissé place à une critique ( acerbe , violente , aucun mot n’est assez fort ) ……… de la politique de la droite .
A la « critique historique « se substitue une autre chanson : non seulement il n’est plus question de critique mais la « stratégie de Lisbonne » est revendiquée HAUT ET FORT ; dans l’esprit de ce qui précède, le « mieux le capital »,il n’est pas même question d’ « échec » ;ce qui est devant nous n’est rien d’autre que l’ intensification des « règles d’airain » de la concurrence libre et non faussée; c’est parce que l’ »EUROPE » n’ a pas implémenté suffisamment ses principes que ladite stratégie de Lisbonne n’a pas porté ses fruits ; la campagne du PS n’entonnera pas ces accents ahurissants. Elle s’essaiera, via son candidat François Hollande à répondre au contraire à la poussée des thématiques du Front de Gauche ; c’est la phrase du Bourget où démarre vraiment la campagne du PS et de son candidat ………. Bien évidemment , si les citoyennes et citoyens de gauche veulent voir dans cette phrase l’idée que le candidat Hollande , avec ses petits bras musclés , va affronter Moloch , c’est une chose ,mais elles et ils n’ont pas lu les Notes de campagne …. En revanche les commentateurs , eux les ont lues ; il en résulte quelques cafouillages .On va renégocier . Ah bon ? Enfin , plus exactement on va « ajouter un chapître sur la croissance » ; les commentateurs sont rassurés . L’édifice Merkozy ne sera pas même égratigné………….
Que résulte-t-il de tout ceci ?
1) Que l’idée de « Nouveau Parti Socialiste » , très franchement , à d’autres. De cela , personne n’a besoin.
2) Que si le PS tel qu’il est est et se proclame se penchait un peu plus sur ses propres principes il se rendrait un grand service et un immense service à la gauche dans son ensemble ,pour laquelle l’offre politique est diverse , vouée pour longtemps à le demeurer mais qui ne désespérerait pas en permanence les forces populaires, soit par le spectacle de divisions opaques , soit par celui du fossé entre les principes proclamés et la stratégie politique mise en œuvre soit une combinaison des deux .
3) Que le PS serait bien inspiré de ne pas adopter le point de vue selon lequel s’il y a divorce entre la stratégie politique et les principes ce sont les principes qu’il convient de changer. Ce point de vue- là , désastreux est celui de Manuel Valls pour ne pas le citer.
Il semble que le PS dans son orbite actuelle cherche désespérément l’impossible « synthése » qui finit toujours par conduire à tous les abandons . Au bout , il y a le désastre pour lui et toute la gauche ; c’est cela que souhaite Stéphane Delpeyrat ?( il répondra que justement non , c'est pourquoi "nouveau"..... )
4) En vérité ce qui interdit au PS de prendre réellement ce tournant idéologique n’est rien d’autre que ce que véhicule le Front de Gauche ; ce rassemblement qui n’est pas une nouvelle formation est bien jeune encore et lui aussi il a à progresser dans son expression et ses initiatives mais tel qu’il est , avec ses limites, il empêche le PS de sombrer corps et biens ; c’est trop demander à Stéphane Delpeyrat de lui en être reconnaissant.
5) Il faudrait être un niais pour imaginer que ces sages conseils seront suivis d’effet et s’ils le sont , ce ne peut être qu’à la suite d’effondrements inévitables dont le PS est seul et unique responsable , car de la fameuse crise , nous n’avons vu encore que les prémisses . C’est pourquoi , en attendant , loin de croiser les bras , le Front de Gauche va poursuivre sa route sans désemparer et la bataille des Municipales en sera un jalon dont Paris sera à n’en pas douter un exemple qui aura des prolongement inattendus . Mme Grandes Dents y sera battue à plates coutures. Cela donnera de la force et de l’espoir sans compter les autres villes où le Front de gauche s’ affirmera. Alors viendra le moment où l’exigence populaire de la construction d’un Front LARGE de toute la gauche grandira jusqu’à devenir irrésistible.
Ce sera temporairement mon mot de la fin . OLIVIER GEBUHRER
 
                 
             
            