VI Avant le quadrille : Rencontre sur la Côte EST ( Suite et Fin)
J’ai cru pouvoir garder pour moi cette trouvaille, cette pépite mise en lumière par P Krugman mais cela se révèle impossible si on veut un peu comprendre pourquoi il tonne contre les politiques austéritaires. Je dois à nouveau avertir la lectrice et le lecteur éventuels ; P Krugman, on l’a dit, est un Keynésien conséquent ; la force de sa CRITIQUE des politiques actuelles tant aux USA que dans l’Union européenne est exceptionnelle ; les réponses qu’il apporte, on l’a dit, mettent la gauche à gauche et la droite à droite ; c’est déjà beaucoup .Mais si on entreprend la lecture de son livre jusqu’au bout, on voit hélas, ses canines qui s’émoussent. Le ton est moins net, les nuances plus fréquentes et surtout il ne veut parler sérieusement que des USA ; lorsqu’il parle de l’Union Européenne, tout en étant un observateur incisif, on le sent hésitant ; il s’offre ainsi aussi à la critique car quelque part, il a soudain un bœuf sur la langue ; ses amis au FMI, mais pas DSK, comptent beaucoup, beaucoup trop etc…….. Aussi, un communiste pur sucre est-il contraint, in fine, de modérer son enthousiasme ; il n’empêche que les pistes qu’il développe, quelles que soient les critiques de fond qui peuvent être soulevées, DONNENT de l’air à une pensée de gauche, le reste fait partie du Quadrille qui n’a pas encore été évoqué ; elles donnent de l’air et le font à la façon d’un géant ; c’est assez pour notre propos.
La pépite c’est l’histoire d’une nurserie fonctionnant en coopérative : il y a les couples qui veulent faire garder leurs bébés pour sortir et ceux qui veulent garder les bébés des autres. Naturellement, tous les couples échangent leur rôle respectifs de façon « égalitaire » ; pour cela, l’administration de la nurserie met à disposition de chaque couple membre un nombre égal de « coupons » ; lorsqu’un couple sort, il donne un de ses coupons qui est ensuite donné à un couple qui garde et ce soir-là ne sort pas. Tout va bien. Évidemment, certains couples préfèrent garder plusieurs soirs de suite « pour le cas où » et économisent des coupons de cette façon ; ils « épargnent ». Cette situation NORMALE ne crée aucune tension TANT QUE une proportion trop élevée de couples ne pratique pas de cette façon et que suffisamment de couples DEPENSENT en sortant régulièrement ; mais il est arrivé un moment où la tentation de l’ « épargne » a fait tache d’huile et la nurserie s’est trouvée en crise ; le nombre de couples voulant « garder » était devenu trop important par rapport à celui de ceux qui voulaient sortir » ; il n’y avait plus assez de coupons en circulation. L’unique méthode qui permit à la coopérative de repartir fut……….. de CRÉER DE NOUVEAUX COUPONS.
Cette petite histoire est l’UNE DES CLES du propos de P Krugman.
« La récente réforme de la régulation, associée à certaines technologies novatrices, a stimulé l’élaboration de nouveaux produits financiers ……. qui permettent une meilleure dispersion du risque ….. Ces instruments de plus en plus complexes ont contribué à la création d’un système financier plus flexible, efficace et donc plus résilient que celui qui existait voici à peine un quart de siècle » (A Greenspan 12/10/2005)
Avant de poursuivre, notons quand même que ce morceau d’orfèvrerie, RUINE sans espoir les propos de JC Cambadélis sur les « capitaux fictifs » qui « décident de s’aventurer hors de la sphère financière » ; si vous parlez à Mr A Greenspan de « capitaux fictifs etc… » il en mourra de rire et vous ne voulez pas vous rendre coupable de meurtre ; pour Mr Greenspan le Capital est REEL et tout cet extrait vise à indiquer que de nouveaux moyens existent pour que le CAPITAL REEL SE REPRODUISE EN S’ELARGISSANT à une vitesse et sur une échelle JAMAIS ATTEINTE auparavant.
Reprenons ; P Krugman commente le propos de Mr Greenspan : « Les sorciers de Wall Street, disait Greenspan, avaient définitivement chassé le spectre des grandes perturbations du passé. En relisant ses propos aujourd’hui, on est frappé de l’application qu’a mis Greenspan à se tromper. les innovations financières qu’il désigne comme source de stabilité sont précisément – TRES PRECISEMENT- celles qui , moins de 3 ans plus tard , précipiteraient le système financier au bord de l’effondrement … » (P76 Op Cité ).
« Je ne sais pas ce que prépare le gouvernement aujourd’hui ; au lieu de protéger les entrepreneurs, il met son nez dans les affaires ; comme si nous banquiers, ne savions pas conduire nos propres établissements ! J’ai à la maison la lettre d’un olibrius de l’État annonçant qu’ils vont vérifier mes livres de compte. J’ai un slogan qu’il faudrait imprimer en première page de tous les journaux du pays : la France aux Français, l’Europe aux Européens ! L’État ne doit pas se mêler de nos affaires ! Baissez les impôts ! Notre dette nationale est choquante : 100% du PIB ! Ce qu’il faut à ce pays c’est un homme d’affaires à l’Élysée et à la tête de la Commission Européenne ! »
J’ai triché ; en « européanisant » certains mots qu’il suffit de remplacer par leur équivalent d’Outre Atlantique sans pervertir le sens, ce discours est issu d’un grand film de 1939 « La chevauchée fantastique » et est prêté au banquier véreux Gatewood ; maintenant si vous me dites que ce discours est « fictif » et qu’il ne vous rappelle rien, vous êtes sourd et je ne peux rien pour vous.
« La dérégulation associée à l’incapacité d’actualiser les règles en vigueur ont joué un rôle important dans ………..la hausse brutale de la dette et la crise qui s’est ensuivie » ( P Krugman P 77Op cité )
Sans doute, trouve- t-on chez F Hollande, ce « maître en exécution » un pâle écho à ces propos en mettant l’explosion de la dette en France au compte du mandat présidentiel précédent , mais que l’on sache on n’a pas entendu ni F Hollande , ni le PS , ni JC Cambadélis pendant cette période déjà marquée par des plans d’austérité protester CONTRE la dérégulation du système financier et aujourd’hui où le PS GOUVERNE , il n’en est toujours pas question , hors de la « grande réforme fiscale » dont la figure phare est le prélèvement à la source et qui n’a absolument rien à voir .
Mais le problème fondamental n’est pas là : si on suit P Krugman, qu’en est-il des « États impécunieux qu’il ne saurait être question d’exonérer » selon JC Cambadélis ; laissons temporairement la Grèce de côté ; son exemple ne nuit en rien à notre propos mais il est singulier, on en parlera ensuite ; mais dans l’Union Européenne, hors la Grèce, où mais où sont les États « impécunieux » ? En Espagne, Au Portugal, en France où les plans d’austérité massifs se succèdent ? Si l’origine de la dette est la dérégulation du système bancaire et financier, lesdits États ne sont PAS « impécunieux » mais en revanche, sont coupables les forces qui ont exigé cette dérégulation à cor et à cri et les responsables POLITIQUES qui ont mis en œuvre cette dérégulation au lieu d’ « actualiser les règles en vigueur des règles existantes » ; si à l’inverse on pense qu’il n’y a pas de fumée sans feu et que , tout ce que vous voudrez, il y a des « États impécunieux » , alors , TINA ; (There Is No Alternative ) .
Pourquoi ai-je mis la Grèce à part ? Parce qu’elle concentre le pire de cette politique ; d’abord en sortant du fascisme des colonels (c’était hier ) , exsangue et ruinée mais où le PASOK alors majoritaire se montra incapable d’en finir avec les méthodes et les structures laissées par le fascisme grec, en offrant la Grèce à l’affairisme le plus échevelé , ce qui conduisit au pillage des ressources déjà faibles de la Grèce . Puis, devant la catastrophe imminente provoquée précisément par la dérégulation du système bancaire et financier mondial mais sous égide nord –américaine, le PASOK se coucha devant les exigences sans limites de l’Allemagne dont les volontés hégémoniques dans l’Union Européenne commençaient à poindre (chacune et chacun doit avoir en tête cette apostrophe d’un député CDU : « Enfin l’Europe recommence à parler allemand ») : en un mot , la gabegie des affairistes et banquiers grecs , la complicité avérée des dirigeants du PASOK avec cet affairisme et les conséquences de la crise financière qui prit naissance aux États –Unis avec les subprimes et les désordres monumentaux des prêts immobiliers dont la banque grecque était agent actif , tout se ligua pour aboutir à cette légende de l’ « État impécunieux » ce qui infligea une fois de plus au peuple grec , déjà victime de souffrances et de sacrifices sans fin une nouvelle thérapie de choc : les mêmes qui avaient été à l’origine de l’ « État impécunieux » se firent « pompiers incendiaires » .
Voici la version qu’en donne P Krugman : » Un grand nombre de dirigeants du continent (européen) paraissent vouloir à tout prix « helléniser « leur analyse, considérer que tous les pays en difficulté, pas seulement la Grèce, ne doivent leur situation qu’à l’irresponsabilité budgétaire. Et cette vision erronée les conduit logiquement à adopter un faux remède : si le problème tient au laxisme budgétaire, la SOLUTION SE TROUVE FORCEMENT DANS LA RIGUEUR BUDGETAIRE. C’EST L’ECONOMIE COMPRISE COMME UN CONTE MORAL, à ceci près que LES PECHES RECEVANT CHÂTIMENT N’ONT POUR LA PLUPART JAMAIS ÉTÉ COMMIS » ( P Krugman p 223 Op cité )
Mais, on s’en doute, tout ce développement n’est qu’un hors d’œuvre.
La nurserie et ses suites :
En 2009, paraissait l’article suivant « Le grand mythe keynésien veut qu’il soit possible en dépensant de l’argent d’accroître la demande. Il s’agit d’un mythe parce que le Congrès ne dispose pas d’un coffre rempli d’argent à distribuer dans le circuit économique. Chaque $ que le Congrès injecte dans l’économie DOIT d’abord être retiré à l’économie à travers l’impôt ou l’emprunt ; on ne crée pas de nouvelle demande, on ne fait que la transférer d’un groupe à l’autre » ; ceci provient d’un gourou de la Heritage Foundation qui constitue un réservoir à idées d’extrême droite .
P Krugman commente « il reconnait au moins que son argument s’applique à TOUTE source de nouvelle dépense ; autrement dit il admet que l’argument selon lequel un programme de dépense publique ne peut pas favoriser l’emploi signifie aussi qu’un accroissement de l’investissement privé ne le peut pas davantage ; mais ceci doit s’appliquer aussi bien à la baisse des dépenses qu’à la hausse ………. Cette thèse implique que l’insuffisance généralisée de la demande ne peut pas nuire à l’économie pour la bonne raison que ce phénomène ne se produit jamais » ; « mais cette thèse est fausse ; comment le prouver ? ….. La nurserie le démontre sans appel : l’insuffisance généralisée de la demande est une possibilité bien réelle ; lorsque les membres de la coopérative manquant de coupons ont cessé d’en dépenser, cela n’a déclenché aucune augmentation automatique de la dépense des autres membres ; au contraire, la raréfaction des occasions de garder des enfants – donc de retrouver des coupons – a incité tout le monde à dépenser moins ». La dépense est toujours égale au revenu mais cela ne signifie pas que les gens dépenseront toujours assez pour faire plein usage des capacités productives de l’économie ; mais par contre, cela peut signifier qu’une part suffisante de ces capacités reste en sommeil pour ABAISSER LE REVENU AU NIVEAU DE LA DEPENSE.
« A la veille de la crise – 2005- 2007- certaines personnes se font une joie de prêter beaucoup d’argent à d’autres qui se font une joie de le dépenser ; c’est ainsi que les banques allemandes prêtèrent leur excès de liquidités aux banques espagnoles qui les prêtèrent aux promoteurs immobiliers ; et comme ta dépense est mon revenu, il y avait beaucoup de ventes et il était assez facile de trouver un emploi. PUIS LA MUSIQUE S’EST ARRETEE ; les prêteurs ont commencé à être beaucoup plus prudents, et les emprunteurs durent faire des coupes dans leurs dépenses ; mais personne n’est venu dépenser à leur place ….. D’un coup les dépenses totales de l’économie mondiale sont tombées à la verticale et comme ma dépense est ton revenu et que ta dépense est le mien, les revenus et l’emploi ont plongé »( P Krugman p 47 op Cité)
Notez que les communistes pur sucre qui exigent comme première mesure le rehaussement du SMIC et des retraites jusqu’à un certain niveau ne disent RIEN D’AUTRE. C’est d’ailleurs intuitif, mais comme dans les comédies de Molière, les gourous de type « Heritage Foundation » et consorts ont décidé que le cœur était à droite. Ce qui est ahurissant, c’est que lorsqu’un gouvernement socialiste parvient à être élu, on ne l’a JAMAIS VU commencer par augmenter le SMIC sauf en ….1981 et là le PCF était encore à 15%, ce qui incita sans doute F Mitterrand à une certaine prudence pour un temps bref avant de se tourner vers la première « rigueur » . Et il va sans dire que dans tout son discours JC Cambadélis n’évoque JAMAIS cette possibilité ; au demeurant, il ne se montre – pour d’autres raisons – pas enthousiaste à l’idée de faire parler son mentor DSK sur les plateaux ; ça ne doit pas avoir grand-chose à faire avec ses frasques… Mais plutôt à l’effet que provoqueront ses propos sur la médecine qu’il préconise ………….
Le modèle nurserie étant très important, P Krugman ajoute encore à ce sujet : « si une majorité de couples décidaient soudain de stocker leurs coupons pendant un an pour les utiliser l’année suivante, la nurserie aurait connu une crise quel que soit le nombre de coupons injectés : Un couple donné peut stocker les coupons mais pas la nurserie globalement. Collectivement, les adhérents ne pouvaient pas dépenser moins que leurs revenus (dans le cas de figure, le temps de garde d’enfants n’est pas une denrée stockable) ; et c’est justement ce qui est arrivé à l’économie mondiale et à l’Amérique particulièrement ; lorsque tout le monde a décidé d’un coup que les niveaux de dette étaient trop élevés, les débiteurs ont été contraints de dépenser moins mais les créanciers n’étaient pas disposés à dépenser plus ce qui a provoqué une dépression. » (P50 op cité)
« Or la situation crée était insensée : on ne comprend pas pourquoi une telle part de la capacité mondiale reste en sommeil lorsque tant de candidats au travail ne parviennent pas à en trouver »( p 51 Op cité ) ; les solutions existent en fait, mais P Krugman étudie d’abord les « arguments » de ceux qui ne croient pas ce qui a été exposé ci-dessus .
« L’argument très en vogue est le suivant : les problèmes qui sont posés sont plus profonds qu’une simple insuffisance de la demande, un trop grand nombre de nos travailleurs ne possèdent tout simplement pas les compétences requises par l’économie du xxi° Siécle ou alors c’est qu’ils restent coincés au mauvais endroit ou dans le mauvais secteur d’activité. »
Cet argument, je suis certain que vous allez le reconnaître ; on l’entend quotidiennement ; il a été utilisé en 1935 aux États –Unis et soudainement la reprise de la demande s’est produite grâce au développement militaire …. Mais Obama, à la suite de Clinton l’a utilisé.
« On ne transforme pas facilement le menuisier en infirmière pas plus qu’on ne transforme facilement l’agent immobilier en expert informatique dans une usine. Tout ça finira par se régler tout seul. Les gens recevront une formation et ils trouveront un emploi dans un autre secteur ……Mais la politique monétaire ne peut pas donner une nouvelle formation aux gens ; elle ne peut pas résoudre ces problèmes –là . » Dixit l’un des ténors de l’opposition absolue à toute politique visant à accroître la demande.
Or tout cela est faux nous dit P Krugman : « Si le problème est que de nombreux travailleurs possèdent de mauvaises qualifications, ou qu’ils se trouvent au mauvais endroit, ceux qui possèdent les bonnes qualifications au bon endroit devraient bien s’en sortir .Ils devraient jouir du plein-emploi et de salaires en augmentation. Où sont ces gens alors ? » ( p 53 op cité ) .
Accessoirement je pense utile , vu le battage fait à ce sujet sur les chaines françaises qui nous annoncent la reprise à chaque instant depuis les États-Unis censés jouer un rôle d’entrainement de l’économie mondiale de donner encore un extrait « en fait on trouve bien le plein emploi et même un manque de main d’œuvre dans les hautes Plaines , au Nebraskas et dans les deux Dakota ……… grâce au forage gazier ( le gaz de schiste, déjà entendu parler ?) , mais la population des trois états combinés dépasse à peine celle de Brooklyn … » ( ibidem) ; ceci donne une idée de l’indécence de nos chaînes d’information ….
Mais le chômage est élevé partout ailleurs poursuit P Krugman ; et aucune profession majeure ou domaine de compétences ne se porte bien ; entre 2007 et 2010 le chômage a plus ou moins doublé dans quasiment tous les secteurs …….. Les diplômés ont même accepté une baisse de revenus exceptionnellement forte parce que contraints d’accepter un emploi SANS RAPPORT AVEC LEUR QUALIFICATION
L’idée de fond, c’est que si le chômage de masse était lié au fait que trop de travailleurs ne possèdent pas les compétences, on devrait trouver un nombre significatif de travailleurs qui les possèdent et les font fructifier – or ce n’est pas le cas.
« Nous voilà donc avec une économie handicapée par la faiblesse de la demande ; le secteur privé, collectivement, cherche à dépenser moins que ce qu’il gagne et cela a fait chuter les revenus : mais la Banque Centrale ne peut pas persuader le secteur privé de dépenser davantage en se contentant d’augmenter la monnaie en circulation : c’est là ce que P Krugman appelle « la trappe à liquidités » » ( p 54)
Avant de poursuivre je fais un commentaire : on a compris ici l’intérêt du modèle nurserie ; la solution initiale consistait à injecter de NOUVEAUX Coupons et pour une économie cela signifie « faire marcher la planche à billets » ; mais comme on vient de la voir , cela ne donne rien si un nombre suffisants de couples a décidé de stocker ses coupons et donc de dépenser moins ; quelle que soit la masse monétaire injectée , si un nombre suffisants d‘acteurs économiques ont décidé de dépenser moins , le revenu global chute et c’est exactement ce qui se passe lorsque l’idée selon laquelle la « dette » est jugée trop importante par CES acteurs , lesquels , en position dominante, peuvent décider soudain : « il n’y a plus de sucre ! Réformez l’état ! ». La théorie de l’ « inemployabilité » est fausse mais elle vient essentiellement de la droite et même de l’ultra droite ; que certains dirigeants marqués à gauche s’y réfugient n’y change rien ; mais la théorie de P Krugman sur l’insuffisance de la demande a aussi des critiques sérieuses de gauche , des économistes marxistes justement ; comme tout ce que nous disons ici est déjà très long et qu’en outre mes capacités intellectuelles sont limitées , je ne dirais rien au sujet des critiques de gauche sinon pour souligner qu’ici , précisément ici , on rencontre la question de la crise systémique du capitalisme que P Krugman ne veut pas aborder . Mais pour le problème posé dans cette série, on se contentera de ce que dit et explique P Krugman.
La solution « planche à billets » ne fonctionne pas ici ; lorsqu’elle fonctionne , elle engendre un phénomène terrifiant appelé « inflation » ; l’argument de l’ »inflation « sera repris plus loin et on verra qu’en fait c’est un autre argument de la droite et de l’ultra droite , l’argument qui est servi quotidiennement en Europe pour justifier les dogmes de la BCE qui est statutairement dans L’OBLIGATION de « ne pas créer de l’inflation » et donc de ne PAS INJECTER de liquidités dans une économie déprimée ; si vous n’aimez pas la « théorie de l’inemployabilité », alors il y a le spectre de l’ »inflation » qui viendra vous trouver dans votre lit et alors TINA .
Comme on le voit, les propos de P Krugman n’ont pas à CE STADE besoin d’être épaulés par un critique de gauche ; on va voir maintenant que justement, même en se contentant de ce que dit P Krugman, TIAA (THERE IS AN ALTERNATIVE).
En tout cas pour le moment, il ne s’agit pas d’une simple économie déprimée et la solution « planche à billets » ne donne rien ; la « trappe à liquidités » qui s’est créée avec la crise de l’immobilier sur fond de crise financière et l’augmentation de la « dette » nécessitent une autre approche et d’autres moyens mais en tout cas demeure pour notre propos l’effet de l’ »insuffisance de la demande ». Nous restons donc volontairement dans le cadre keynésien.
La crise d’aujourd’hui a des points communs importants avec la crise de 1935 et le chômage dépassait sûrement les 11% ; « au milieu de l’année 1939, la Grande Dépression avait été traversée mais elle n’était absolument pas terminée et les effets du New Deal avaient disparu en 1937 lorsque une nouvelle phase de récession aigüe se présenta ; mais deux ans plus tard, l’économie était en plein essor et le chômage avait fondu ……… Quelqu’un s’était enfin mis à dépenser plus et ………… ce quelqu’un c’était L’ETAT »
« Disons d’emblée que la dette est une chose très utile ; nous serions une société beaucoup plus pauvre si tous ceux qui voulaient acheter une maison devaient la payer comptant , si tous les chefs de PME qui cherchent à se développer n’avaient d’autre choix que de payer cette expansion de leur poche ……Ainsi contrairement à ce que vous pourriez penser , l’endettement ne rend pas une société plus pauvre : la dette d’un individu constitue l’actif d’un autre , si bien que la richesse totale n’est pas affectée par la quantité de dette en cours » (p 61 op Cité )
« Mais de toute évidence, l’endettement excessif, c’est-à-dire QUAND LES DETTES SONT TROP ELEVEES PAR RAPPORT AU REVENU OU AUX ACTIFS – est un facteur de fragilisation quand les choses tournent mal » (Ibidem )
Déjà là, on se demande ce que peut signifier le chiffre magique de 3% du PIB ; d’où sort-t-il en dehors de traités qui déjà ont en vue d’infliger une austérité draconienne. On verra plus loin que nous n’y sommes nullement condamnés. TIAA.
P Krugman résume la situation mondiale de cette manière et cela vaut évidemment pour la France « A l’heure actuelle , LES DEBITEURS NE PEUVENT PAS DEPENSER , ET LES CREANCIERS NE VEULENT PAS DEPENSER ( souligné par PK ) ».
« Cet oubli progressif de la Dépression ( 1936- 1939) a préparé le terrain à une hausse extraordinaire de l’endettement amorcée vers 1980 ; ceci coïncide avec l’élection de Reagan . Si la dete s’est remise à monter , c’est en partie parce que prêteurs et emprunteurs ont oublié que les choses pouvaient mal tourner MAIS AUSSI ……. A CAUSE DE LA SUPPRESSION DES REGULATIONS FINANCIERES INTRODUITES DEPUIS 1930 » ( p68 op Cité ) .
Et on peut ajouter que cet « oubli » n’a rien à voir pour l’Union Européenne dont le maitre-mot a été « dérégulation » ; et ce ne sont pas les mesures ridicules dont on fait grand bruit en ce moment, veille d’élections européennes, qui vont changer ce fait.
« Ils utilisent des métaphores incorrectes : comme s’il s’agissait d’une famille frappée par l’adversité, dont les revenus diminuent pour des raisons échappant à son contrôle et accablée par une dette trop importante par rapport à ce qu’elle gagne . Et pour y remédier ils prescrivent de se serrer la ceinture, réduire les dépenses, rembourser une partie de la dette, faire baisser les « coûts » ( ibidem P 68 ) . Mais pas celui du capital autant qu’on sache ( OG )…….
La crise actuelle n’est pas de ce type- là ajoute P. Krugman : « l’effet combiné de la trappe à liquidités – même à zéro les taux d’intérêt ne sont pas assez bas pour rétablir le plein emploi – et de l’excés d’endettement nous a fait atterrir dans un monde de paradoxes où la vertu devient vice, et la prudence folie et où ce qu’exigent de nous les gens « sérieux » ne fait qu’aggraver la situation » ; ………. Dans une économie déprimée, la seule chose qui se produit qaund tout le monde cherche à épargner davantage ( et donc à dépenser moins ) c’est que les revenu baissent et que l’économie ralentit. (ibidem ) p69
Que faire alors ?
« Quand un grand nombre de débiteurs s’efforcent d’épargner davantage et de rembourser une partie de leur dette , il est important que QUELQU’UN fasse l’inverse , qu’il dépense plus et réalise des EMPRUNTS , et ce quelqu’un est tout désigné c’est l’ETAT » (ibidem P71)
Et si comme le disent syndicalistes et communistes, l’argument selon lequel la chute des salaires et des prix ne fait qu’aggraver la situation, revient-il à dire que l’augmentation des salaires et des prix l’améliorerait ? Peut –on prétendre que l’inflation soit en vérité une chose UTILE ?
« Oui, on peut le dire, parce que l’inflation réduirait le poids de la dette, entre autres effets utiles (p71 ibidem) .
Nous quittons à ce point P Krugman bien que ce soit à contrecœur tant son livre est rempli de considérations qui suffiraient à mettre en échec les politiques d’austérité qui sont aujourd’hui mises en œuvre. Nous sommes en tout cas avec ce qui précède à des années -lumière du propos « moralisateur » de JC Cambadélis sur « le refus d’exonérer des pays impécunieux » Qu’un premier Secrétaire du PS en 2014 puisse vendre avec un peu de sucre vanillé les thèses les plus éculées de la droite , de l’ultra droite et plus globalement du capital et de ses tenants est un désastre intellectuel pour le PS – ce qui n’est pas rien – pour la Gauche en France , ce qui est beaucoup et pour notre pays ce qui est franchement trop .
Nous reprenons maintenant le fil commenté de la pensée de JC Cambadélis en nous focalisant à présent sur ce que j’ai appelé le quadrille