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Billet de blog 9 mai 2018

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Chiang -Kaï shek et Jean -Luc Mélenchon : une comparaison exotique

Ceux et celles pour qui mes petites notes qui m’évitent de penser à autre chose, constituent une logorrhée , se diront sans doute que rien que le titre annonce une descente aux enfers d’un cerveau devenu sénile .

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Chiang -Kaï shek et Jean -Luc Mélenchon : une comparaison exotique

Ceux et celles pour qui mes petites notes qui m’évitent de penser à autre chose, constituent une logorrhée , se diront sans doute que rien que le titre annonce une descente aux enfers d’un cerveau devenu sénile .
J’ai déjà fait ailleurs référence à l’ouvrage qui m’a inspiré ; si ce qui suit pousse des communistes à le lire, ce serait déjà considérable. La Biographie dont il s’agit est celle – en quelque sorte jumelle d’une autre du même auteur- est celle, on l’aura compris, de Chiang -Kaï – shek et l’auteur en est Alain Roux qu’on ne devrait pas avoir à présenter . J’ai gardé avec lui des rapports suffisamment amicaux- je m’en honore - mais il n’est pour rien dans ce qui va suivre. Alain Roux est l’un des grands sinologues français ; sa lecture n’est pas aisée, autant le dire. A la difficulté de la foule immense de personnalités chinoises dont les noms ne peuvent pas se retenir à première lecture s’ajoute l’écriture d’Alain relativement à son objet qui contient une dialectique dans chacune des phrases qu’il produit : ce n’est pas de sa part une sorte de volonté d’hermétisme : il est presque sans exemple de rencontrer la description d’une Histoire aussi complexe : à chaque détour, peut se rencontrer une erreur d’interprétation. Aujourd’hui, mieux connaître cette histoire, celle d’un immense pays tourmenté, me semble devoir faire partie de la culture communiste ; avec son double évidemment la biographie de Mao Zedong . Mais de la seconde nous ne parlerons pas. Alain Roux n’a pas davantage de tendresse pour l’un que pour l’autre mais ce n’est pas l’objet d’une comparaison qui dès le début me frappa au point que j’attendis d’avoir tout lu pour être sûr. Alain Roux est historien et de la Chine il a absorbé toute la subtilité intellectuelle C’est cette subtilité qui m’a conduit à penser que l’Historien ne pouvait pas -en pointillé- ne pas avoir semé quelques cailloux du Petit Poucet à usage de la politique française. On jugera si cette intuition était ou non appropriée.
Deux phrases importantes situeront mon propos :
La première est un jugement de l’Auteur sur son personnage : « L’Histoire lui a fourni trois occasions pour rejoindre Mao Zedong dans la galerie des grands hommes du XX° Siècle : à la mort de Sun- Yat sen , lors du déclenchement de la guerre sino- japonaise, et à la fin de la Deuxième Guerre Mondiale . Par trois fois , il ne se montra pas à la hauteur de son destin « ( P20 op Cit ) ; si on se borne à la dernière phrase ( ce qui précède n’ayant rien à voir ) , peut-être voudra- t-on considérer qu’il y a une logique dans ma folie .
La seconde fait référence aux travaux d’historiens récents qui se sont replongés dans les méandres des rapports – si l’on ose dire- entre le Guomindang et le PCC ( Parti Communiste Chinois ) : la thèse classique veut que « Chiang , lié aux milieux d’affaires chinois ( et souvent au milieu tout court) Note de OG ) en défendra constamment les intérêts ; que c’est par ruse qu’il prit les traits d’un révolutionnaire entre 1922 et 1926……..il fallut selon la même thèse un certain aveuglement à Staline et aux communistes chinois pour se faire encore des illusions qui seront dissipées tragiquement en 1927 …. »
En 2002 , parut un article d’un chercheur chinois – Yan Tianshi – membre de l’Académie des sciences sociales à Pékin qui écrit : « Il n’est pas juste de voir dans la rupture entre Chiang -Kaï shek et le PCC un antagonisme entre la révolution et la contre révolution . Il s’agissait plutôt de contradictions au sein du front révolutionnaire qui ont fini malheureusement par aboutir à une lutte à mort » (p84 Op cit)
Je pense inutile maintenant de dire pourquoi ces deux passages ont conduit aux remarques qui suivent.
Sur le plan des personnalités, à peu près tout sépare a priori les deux figures examinées ici. Chiang était chrétien mâtiné de confucianisme, en tout cas profondément croyant et avec des aspect de mysticisme, Jean-Luc Mélenchon est athée mais sa rigidité laïque ressemble néanmoins fort à celle que l’on trouve chez des croyants ayant perdu dans la souffrance leur foi éventuelle de jeunesse . Quant au mysticisme , on le trouve étonnamment chez Jean-Luc Mélenchon dans sa « conversion » à l’écologie ; sa règle verte ressemble furieusement à un précepte confucéen dans la forme ; son inspiration est prise directement dans les formes d’attachement à la « terre mère » des Indiens d’Amérique Latine . Le mysticisme n’est ici pas douteux.
Chiang , on l’a dit , a fréquenté les milieux chinois les plus abjects ; dans sa longue carrière il n’a pas cessé de s’entourer de gredins variés , hommes de main utilisés pour de très basses œuvres à répétition . Son second, chef de sa Police secrète était considéré par des personnalités nord-américaines comme le « Himmler de Chiang-Kaï shek » ; même sans aucune sympathie pour notre seconde figure, il n’y a là rien à chercher ou à trouver .
Chiang conduisit – souvent de façon désastreuse – diverses guerres comme généralissime ; ce n’est évidemment pas le cas de Jean-Luc Mélenchon.
Mais dans les patrimoines politiques des deux personnages, ou plutôt dans ce qui constitue un corpus idéologique, une Weltanschauung , on trouve d’étonnantes parentés .
Chiang ne peut ignorer le problème posé par le développement chaotique du capitalisme chinois ; ce n’est jamais sa préoccupation ou de façon absolument marginale ; Jean-Luc Mélenchon attaque, quant à lui le « productivisme » ; c’est le principal reproche qu’il fait à F Fillon dans la dernière campagne présidentielle ; le capitalisme d’aujourd’hui qui n’en est pas à son développement premier et encore moins chaotique n’est pas sa cible. Vouloir « remplacer le PS » a des conséquences…
Le programme politique de Chang-Kaï shek comporte trois principes qui ne changèrent jamais : la réforme agraire indispensable dans la Chine de l’époque n’était pas au programme…, quand il la fit, ce fut à Taïwan, chassé de la Chine Continentale . Le PCC la réalisa au fur et à mesure de la Longue Marche. Chiang- Kaï shek fit réprimer sauvagement les manifestations ouvrières où les communistes étaient influents dans les Villes importantes de la Côte Est
Qu’en est-il de Jean-Luc Mélenchon ? Il serait très injuste de faire un parallèle trait pour trait … Jean-Luc Mélenchon n’a jamais été au pouvoir de surcroit mais la vérité oblige à souligner que son programme social est des plus maigres ; il fit campagne sur la revalorisation du SMIC ; c’est bien et peu. Personne ne peut oublier ce qu’il lança méprisant à un chômeur qui l’interpelait : « Je gaspille ma vie pour vous ! » . Pour le reste , Jean-Luc Mélenchon se repose sur les organisations syndicales et n’apporte aucune idée originale . C’est encore le cas dans la Bataille du Rail. Encore doit-on ajouter qu’il cherche à les embrigader .
Il est reconnu que Jean-Luc Mélenchon fut, à l’Enseignement Professionnel un bon ministre mais on ne connaît pas une seule grande réforme qui lui soit associée .Le fait , indiscutable , que au sein du gouvernement Jospin, il avait des pouvoirs et des moyens très limités ne constitue pas une excuse suffisante .
Chiang prit la relève de Sun -Yat sen à la tête du Guomindang qu’il remodela à sa main ; il en résulta une organisation politique qui n’avait de parti que le nom . Les exactions innombrables dont se rendit responsable cette organisation le rendirent haï de la population chinoise.
Jean-Luc Mélenchon, pour sa part, après une tentative éphémère de constituer un parti politique, décida de créer un « mouvement gazeux » , la FI . Entre le fonctionnement du Guomindang et celui de la FI, il y a plus d’un point commun : ce ne sont pas des partis ; leur mode de direction est identique : un autoritarisme absolu est la règle ; pas une tête ne doit dépasser. Les « conventions » réunies par la FI sont au mieux des fictions : elles ne décident de rien que le chef n’ait pas au préalable décidé.
Quant aux méthodes, si la comparaison trait pour trait est évidemment impossible, elles ont un voisinage peu recommandable ; pour la FI , la déloyauté est la règle , l’ambition hégémonique absolue .Les récentes déclarations de F Ruffin sont l’indice de quelque chose de nouveau mais il est très prématuré d’en tirer des conclusions .
On touche ici aux rapports avec le PCF . On va examiner cet aspect plus loin .
La phrase sans appel de Alain Roux « Par trois fois, il ne se montra pas à la hauteur de son destin » s’applique sans changer autre chose que le chiffre à Jean-Luc Mélenchon.
Le rapport du Guomindang avec le PCC est largement connu ; des dizaines de milliers de communistes chinois furent exécutés dans les conditions les plus ignobles. Le PCC avait une existence indépendante après avoir temporairement fait partie du Guomindang ; Chiang exécrait littéralement les communistes chinois ; ce positionnement ne varia jamais.
Il est à peine besoin de rappeler les positions de Jean-Luc Mélenchon à ce sujet : en dehors du fait majeur – que les circonstances ne permirent pas – qu’il n’y a pas à rechercher de voies de fait , désigner Pierre Laurent en pleine campagne présidentielle comme « la mort et le néant » est suffisamment explicite ; des tombereaux d’insultes furent déversées pendant la campagne par quelques dizaines de personnages proches de la direction de la FI sur les réseaux sociaux à l’encontre du PCF et ses militants ; le degré de haine atteint par ces vociférations ne peut qu’inciter à se demander comment cela se serait poursuivi si d’aventure Jean-Luc Mélenchon était parvenu à son objectif .
L’anticommunisme flamboyant est commun aux deux mouvements ; très explicable par le positionnement international de Chiang , il est stupéfiant chez Jean-Luc Mélenchon , lequel , sur la même question se situe très différemment au moins en apparence ; Jean-Luc Mélenchon n’est pas avare de discours spectaculaires sur la paix et pour la paix ; en dehors du PCF , il est le seul à gauche à le faire ; on peut penser que s’il exècre l’URSS, laquelle n’existe de toutes façons plus , pour de bonnes et de mauvaises raisons , il a de la tendresse pour la Russie . On l’accuse à tort sans doute d’être un soutien de Poutine ; son autoritarisme l’en rapproche mais ce n’est pas suffisant pour en tirer des conclusions ; il se rend à Moscou et salue la Victoire de l’Armée Rouge sur le nazisme ce que Chiang n’aurait jamais imaginé ; Chiang -Kaïs shek espéra constamment le déclenchement d’une troisième guerre mondiale , initiée par les Etats Unis contre l’URSS et alla jusqu’à souhaiter l’utilisation de la Bombe atomique ; il est évident qu’ici la ligne de démarcation est majeure . Il est néanmoins permis de se demander comment on peut s’incliner devant les morts en voulant supprimer leurs successeurs et héritiers politiques quand bien même ils poursuivent dans un autre pays ……..
Le portrait me semble suffisant ; il est temps maintenant de passer à la seconde question, sans doute la plus importante :
« Il n’est pas juste de voir dans la rupture entre Chiang -Kaï shek et le PCC un antagonisme entre la révolution et la contre révolution . Il s’agissait plutôt de contradictions au sein du front révolutionnaire qui ont fini malheureusement par aboutir à une lutte à mort » .
La direction du PCF , notamment Pierre Laurent dont on doit saluer la maîtrise n’eut pas besoin de cette citation pour ne pas s’engager dans la « lutte à mort » qui se profilait .La phrase précédente s’applique sans réserve à la situation française actuelle ; les communistes doivent se garder de deux écueils ; le premier qui nourrit le second et vice versa consiste à s’époumoner dans un soutien inconditionnel à Jean-Luc Mélenchon quoi qu’il dise et fasse , le second antipodal consiste à vitupérer contre la direction du PCF accusée de tous les maux .
Ne pas voir la nouveauté absolue de la situation politique a pour conséquence meurtrière de s’en remettre à ses affects ; qu’il soit impossible d’en faire abstraction est évident pour quiconque sait ce qu’implique un engagement politique de chaque instant est une chose ( l’auteur de ces notes n’y échappe pas ) mais s’en remettre à ses affects n’est rien d’autre que reprendre à son compte les élucubrations à prétention théorique d’une Chantal Mouffe et Ernesto Laclau sur lesquelles Cause Commune a fait un tour d’horizon complet.
La nouveauté de la situation politique n’est pas l’œuvre de démiurges tels Macron et Jean-Luc Mélenchon ; elle est la traduction sous forme explosive de la crise politique et sociale , sociétale , civilisationnelle créée par les tragédies de tout ordre du capitalisme mondialisé d’aujourd’hui .Cette même crise porte déjà divers processus qui peuvent indiquer qu’une Révolution politique et sociale cherche avec difficulté sa voie . Jean-Luc Mélenchon chercha au moins par deux fois à s’approprier ce processus ; le PCF refusa de s’y joindre ; il refusa sa dissolution dans le Front de Gauche d’abord , puis dans FI . Mais cette attitude lucide et courageuse n’épuise pas et de loin sa vision des choses ; la direction du PCF sentit intuitivement avec un grand sens politique que le pire serait de succomber à la tentation d’une » rupture entre revolution et contre révolution conduisant à une lutte à mort » . ne voir que les tentatives scélérates d’un personnage qui par « deux fois ne fut pas à la hauteur de son destin » écarte la réflexion de toute problématique nouvelle .
Dans le contexte français , personne ne peut dire ce que sera l’avenir de FI ; et ses inspirateurs pas davantage . Il importe au premier chef de comprendre en quoi elle constitue une force politique c’est à dire qui elle rassemble, qui elle inspire .
Il s’agit d’abord d’un conglomérat ; il rassemble des fragments de couches sociales populaires ; ces concitoyens.
nes ont sûrement voté à gauche antérieurement mais pas tous.tes ; on peut penser que marginalement certains.nes ont eu des tentations pour l’extrême droite ; beaucoup sinon la majorité n’a aucune « expérience politique » parmi les plus jeunes ; les plus anciens ont quitté leur parti d’origine , PS pour beaucoup , PCF , marginalement . Ce qui les lie est d’une part le dégoût de « la politique » telle qu’elle s’est pratiquée ces dernières années ou décennies , l’incapacité à comprendre les échecs des tentatives de gauche , avec les déceptions et les rancœurs qui accompagnent cette incompréhension ; on trouve aussi des franges de salarié.es proches ou même membres de Syndicats ; d’autre part tous et toutes ont un penchant pour l »aventure » politique ; y est fort l’attachement à une personnalité salvatrice à laquelle on se rallie . Avec cela , courent des réminiscences d’anarcho- syndicalisme , et leur ciment temporaire est un anticommunisme violent ; chez les plus jeunes , c’est l’héritage des générations antérieures . Mais tout ce bouillon confus n’empêche pas de voir que ce mouvement gazeux , s’il a échoué d’ores et déjà à remplacer les « vieux partis », constitue une force qui, nolens volens est favorable au changement de société . Leur « anticapitalisme » est de façade , mais c’est de l’anticapitalisme quelque part sans qu’on sache très bien où.
Cette situation qui résulte largement de l’effondrement du PS largement justifié par ses renoncements successifs et une pratique politique détestable, et aussi d’une certaine paresse intellectuelle du PCF qui mit trop de temps à mettre sa montre à l’heure, offre par conséquent un champ inédit au « mouvement révolutionnaire » lequel ne se réduit nullement au PCF.
Elle conduit à ne pas faire de FI un partenaire privilégié ni d’exclure la possibilité qu’elle soit ou devienne une force disponible.
Jamais comme aujourd’hui l’étude et la prise en compte des contradictions au sein du mouvement révolutionnaire n’ont été aussi indispensables . Avec beaucoup d’autres éléments qui ne sont pas l’objet de cette étude , c’est le travail de ces contradictions qui peut conduire à un rassemblement populaire à vocation majoritaire seul en mesure de commencer à changer de société .

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