TCHAPAIEV

Abonné·e de Mediapart

209 Billets

0 Édition

Billet de blog 10 juin 2018

TCHAPAIEV

Abonné·e de Mediapart

EN GUERRE

A Propos d'un chef d'oeuvre

TCHAPAIEV

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

                                                                                                      EN GUERRE
Avertissement : Que ceux et celles qui sont allergiques à ma logorrhée s’évitent d’avoir des motifs de consulter leur dermatologue : ce qui suit EST une logorrhée.
Elle me dit au téléphone « Papa , tu m’as parlé de ce film ; l’Huma en a parlé ; j’y suis allée ; si tu veux savoir pourquoi la gauche a été défaite , va voir ce film » ; de toutes façons c’était mon intention ; et qu’est ce que je pouvais bien apprendre sur la défaite de la gauche à propos de laquelle j’avais ma petite idée ? Elle ajouta « J’ai pleuré ». C’est ma fille, si elle me dit d’« aller voir ce film » , j’y vais , ça ne se discute pas . Encore faut-il trouver une salle obscure où ce film est programmé…. Il fut à l’affiche au moment du Festival et …. Disparut. Normal après tout : « Trop de social , pas assez de sexuel » , comme on le fit savoir à Ilya Ehrenbourg au temps où Hollywood était Hollywood . Imaginez-vous quand même : à Cannes , pas une salle ne projette ce film le 09 Juin. J’en trouvais une malgré tout assez loin. Il faisait beau , les orages étaient proches mais plus au Nord ; un monde fou , ce samedi , sur les allées du centre commercial où le parking est gratuit pour 2 heures ( « il n’y a rien de gratuit… » dixit P Ries Maire socialiste de Strasbourg ) ; à 17h 36, le surveillant des salles avait « oublié » l’existence d’une séance à 17h 40 … A 17h 40 , la salle était vide et le resta ; j’étais seul spectateur , croyez-moi, ça fout les boules .
Ne comptez pas sur moi pour une critique cinématographique. C’est un film exceptionnel ; de ceux qu’on devrait passer à la fête de l’Huma en boucle, je suppose que c’est prévu . De ceux qui introduisent des assemblées populaires de tout type. Et non, ce n’est pas un documentaire mais une œuvre d’art. Et oui, la fin est inattendue mais comment voulez-vous « terminer » ? Et non, vous n’y trouverez aucun poncif ; les dirigeants ne sont pas des ogres dépravés assoiffés du sang des jeunes filles et la classe ouvrière n’est pas constituée d’anges aux ailes de chérubin.
Je n’ai pas « pleuré ». Ce que j’ai vu, c’est tellement le quotidien de ce pays. Ce film est un miracle : il se déploie en plusieurs niveaux en kaléidoscope ; ce que ma fille y a vu, ce n’est pas ce que j’ai vu. La première lecture est celle que ma fille en a faite : la division et ses effets. Mais c’est en rester au sommet de la partie émergée .
On vous montre comment fonctionne le capital et sa classe dirigeante ; les dirigeants allemands sont un poil plus odieux que les français et encore ça se discute ; on pourrait aligner des pages entières sur ces passages ahurissants ; mais ça vous le savez depuis longtemps. En fait, voilà une grande usine « rentable » qui ferme. Elle ferme malgré un accord de productivité signé deux ans auparavant s’engageant à maintenir le site . Voilà c’est comme ça ; vous comprenez, le monde actuel n’est pas le règne de l’utopie. Le monde actuel a des exigences et dans ce cas celle de fermer la boîte ; une région entière assassinée ; c’est la Loi. Un petit voyou endimanché, costard cravate lance : « Vous irez chercher du travail ailleurs ! » ; le conseiller social du Président de la République lui tape sur les doigts ; « Arrête tes conneries » ; ensuite il fait un cours magistral. Tout y est ; à la française . D’abord il y a une décision de Justice ; « vous n’imaginez pas l’Etat aller contre une décision de Justice » ? Ensuite , « la liberté d’entreprendre , c’est AUSSI la liberté de licencier » ; Vous servez à quoi alors ? Il respire un grand coup : « A vous apporter un soutien moral ; au plus haut niveau cette situation nous préoccupe » Etc Etc .
En fait, la chose se noue autour de la question suivante ; on est au XXI° siécle , que diantre ; la Loi est la Loi mais on va « indemniser » . 25000 € ? 30000€ ? Par tête de pipe évidemment ; du moment que la Loi est la Loi. A ce moment , je me vois trente années plus tôt au moins ; c’était le début de VGE ; et c’était à Strasbourg ; un Grand disparu , qui fit mon éducation dans cette région de France où tout était différent m’expliqua avec beaucoup d’inquiétude que « les gars préféraient partir avec un chèque , pas se battre pour le maintien du site » ; à l’époque , il n’y avait pas de « SEF »( Sécurité d’Emploi et de Formation …je tremble à l’idée que ce soit « ou » et pas « et » ) et s’il y en avait eu , ça n’aurait rien changé .La classe ouvrière préfère le chèque …. Ça m’interloqua : il me répondit « Ils en ont trop vu les gars ; ras le képi, de l’air ! » . Mais à cette époque, bien que tout ce qui se passe aujourd’hui avait fait partie de la « pensée » VGE , et malgré la création de l’ANPE qui promettait , on n’en était pas à aujourd’hui . A cette époque, on « pouvait » trouver à s’embaucher ailleurs et facilement encore ! ; c’est une région frontalière, ce n’était pas un « probléme », hier . J’insiste, hier. Parce que aujourd’hui , un site de production qui ferme c’est une région entière qui se meurt .
Aujourd’hui, l’affaire se noue justement là. Chèque ou lutte pour le maintien du site ? Le leader de la CGT explique ; il se bat comme un lion ; il ne fait pas voter. S’il l’avait fait, le film ne serait justement pas un film. Le syndicat maison est pour le « chèque » ; au final, la CGT est isolée et battue mais ce n’est pas l’essentiel.
Ce chef d’œuvre donne un milligramme de crédit à mes logorrhées : il y a ceux et celles pour qui la Loi n’est plus acceptable et celles et ceux pour qui le capitalisme est indépassable, donc le chèque. On est très loin du « ras le bol de cette boîte ! » ; telle n’est pas du tout la question.
Maintenant, vous avez suivi avec attention le Congrès de la CFDT ; vous avez entendu Laurent Berger ; ce n’est pas Nicole Notat ; beaucoup plus fin ; 94% pour sa reconduction. La question n’est pas du tout celle de clouer au pilori son discours de capitulation ; d’ailleurs il peine ; tout le monde voit qu’il doit se faire violent pour « mettez-vous bien ça dans la tête : la Loi , c’est la Loi ; ça n’empêche pas de né-go-cier , mais c’est la Loi » ; après, arrivent les pépins de la réalité ; négocier quoi ? Le film vous le dit comme je l’ai écrit récemment : en face, il n’ont plus rien dans les tiroirs . « L’erreur d’appréciation » s’il y en a, est de penser que les 94% qui ont renouvelé Laurent Berger et toutes celles et ceux qui se sentent SYNDICALEMENT proches de la CFDT , ça fait quand même du monde , absorbent sans broncher les coups de massue de Laurent Berger ; par contre ….. s’il parle de « dialogue social « , « cogestion » , là, ils dressent l’oreille . Ce miracle cinématographique va encore plus loin que tout ce qui a été écrit jusque là : la CFDT , c’est ce qu’on vous dit et c’est ce que dit Laurent Berger , veut devenir « le premier tout court » mais ce n’est qu’un aspect des choses ; en l’absence de ¨PS elle prépare les élections européennes ; cela fait des mois que tout le paysage médiatique serine : l’Allemagne , l’Allemagne. On vous la montre l’Allemagne, en vrai . Celle qui dirige évidemment .
Mais c’est une autre affaire, une autre histoire, celle qui se fait en ce moment .
Où diable veux je en venir ? Allez donc « expliquer » que tout ce petit monde « social-démocrate » est constitué de traitres patentés de la classe ouvrière. Faites donc comme s’il n’existait pas. Et surtout parlez -moi « de réarmement idéologique » , d’un vaccin marxiste contre l’influence de l’ « esprit de conciliation » . Nous irons loin.
Le PCF doit savoir et diffuser de façon populaire et digeste où en est le capitalisme ; il y a au moins trente thèses dans le document préparatoire au Congrès à ce sujet. Mais ce ne sont pas à elles seules, le secret de l’initiative populaire à libérer . Et de loin.
Lire chez jean-Luc Mélenchon les traces de ses attaches social-démocrates est de la perte de temps et d’énergie et de plus lui faire beaucoup d’honneur. Il n’en est même pas là.
Je ne prétends pas épuiser le sujet : pour moi, la question fondamentale est celle du débat permanent à mener dans le pays tout entier , débat à organiser pour l’associer aux actions voire les décider . Bien étranges sont ceux et celles qui en haussant les épaules disent « on l’ a déjà fait » ; nous n’en avons pas esquissé le début du commencement . Et de quel « débat » peut-il s’agir ? Ian Brossat vient de faire une démonstration sur la question du Logement à Paris : il crée tout justement les conditions où la population la plus concernée est maîtresse des choix à faire . Faisons ça partout ; assiégeons les institutions macroniennes, tous les lieux de pouvoir, de construction d’alternatives ; c’est dans cette alchimie là et aucune autre que se rencontreront celles et ceux pour qui la Loi est devenue insupportable et celles et ceux qui pensent « dialogue social » , « cogestion » . C’est plus facile à dire qu’à faire . Sans doute . Et il n’y a pas des Ian Brossat partout ; ce point d’ailleurs reste à voir … N’en doutons pas : de telles initiatives , si elles voient le jour dans tout le pays ,rencontreront leurs pollueurs , leurs pêcheurs en eau trouble , mais avant tout, elles mettront tout le corps militant du PCF en mouvement créatif , elles lui permettront de sortir du bois .
Nous n’avons pas le temps ; c’est la raison pour ne pas perdre une seconde en postures rhétoriques. Faut-il alors, pour en revenir à mon obsession supposée coiffer ce mouvement du nom de gauche ? C’est possible ici et moins là mais c’est sans importance car au bout de ce chemin l’idée de gauche sortira d’elle-même complétement transformée. Et, c’est mon avis, cette idée de gauche ne peut pas être laissée à d’autres qui sont prêts à la ramasser .
Le film commence par cette citation de Bertold Brecht : « Celui qui lutte peut être battu mais celui qui ne lutte pas est certain d’être battu » ; Pierre Laurent ne dit pas autre chose ; mais nous semons pour une autre issue que la défaite même si elle est possible . N’écartons personne de ces semailles, nous ne pouvons pas nous permettre ce luxe . C’est une insurrection populaire nouvelle que nous préparons. En guerre .

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.