SUR DEUX TRIBUNES :
REFLEXIONS SANS LANGUE DE BOIS (III)
L’Humanité du 21/06 publie deux tribunes collectives et malicieusement ou non , le même jour ; il n’échappe à personne qu’elles sont parfaitement symétriques ; il est profondément regrettable que devant une situation aussi complexe aux données très contradictoires et après une séquence politique très largement imprévisible plusieurs dirigeant(e)s ou ex – dirigeant(e)s nationaux du PCF croient pouvoir lancer au corps militant communiste une même adresse comminatoire pour un Congrès devant – on se pince – se tenir d’ici la fin de l’été ; le fait qu’ils et elles ajoutent ainsi aux interrogations légitimes du corps militant me semble la première chose à relever .
Une chose est certaine : on ne pourra pas au PCF continuer comme si « rien » ne s’était passé . Mais si on peut rejoindre les auteur(e)s des différents textes sur ce constat , rien ne me semblerait pire que la précipitation . Et avant que de lancer à la vindicte communiste une direction nationale – à laquelle des signataires participent, ce qui est un comble – et spécifiquement Pierre Laurent il convient d’examiner si ce qui a été fait dans des conditions absolument inédites et extraordinaires d’adversité est ou non conforme à une stratégie adoptée à 94% par les communistes ; c’est loin de tout résoudre mais la moindre honnêteté politique exige cela .
Au lieu de s’y référer ce qui devrait être impératif – à mes yeux, une direction nationale qui ne met pas en œuvre la stratégie adoptée est condamnable sans la moindre équivoque- les auteur(e)s des deux textes réinventent, chacun à leur façon, un cours des choses qui n’existe que dans leur esprit.
Je n’ai pas la prétention de faire le tour des questions posées par l’avenir, ce qui semble par contre être en creux ou ouvertement dans chacun des deux textes mais je veux donner mon point de vue sur certains aspects : aucun de ces textes ne me semblent de nature à éclairer les choix des communistes pour la période qui vient ; ces deux textes sont des positionnements de courants politiques ; ils n’ont aucune préoccupation pour la construction – reconstruction d’une unité politique des communistes lesquels(les) en ont bien besoin. Ils conduisent à des affrontements, pas aux débats incontournables
La question centrale est celle de notre stratégie ; je l’ai énoncée des dizaines de fois sur ce blog de façon condensée voire fruste mais au moins elle tient en une phrase : « le PCF veut contribuer à la construction d’un mouvement populaire de gauche majoritaire en vue de la constitution d’un gouvernement de gauche pour une politique gauche » ; si telle n’est pas notre stratégie il faut commencer par le dire ouvertement et pas chercher une ligne de fuite vers « une révolution pacifique » pendant de la version holographique de la « révolution citoyenne » de JL Mélenchon . Si telle n’est pas notre stratégie, il faut le dire clairement et non pas écrire une contrevérité :« Nous qui avons prétendu ces derniers mois « tenir la gauche debout » nous ne pouvons pas échapper au constat de notre échec ». Nous avons (formule de P Laurent) déclaré « le PCF est le parti qui tient la gauche debout » c’est absolument différent et cette formule est vraie : en se passant du PCF et de son apport original, en le court-circuitant comme ce fut le cas lors de la rencontre des deux Barons, la gauche entière courut au désastre .
Encore faut-il faire bon marché de la campagne anticommuniste d’une violence inouïe et inédite venant d’une force politique dont le dirigeant principal était soutenu par le PCF mais dont la stratégie devenue publique consistait entre autres à l’annihiler politiquement ; c’était bien pire que ce que F Mitterrand jugeant froidement de l’état des esprits avait tenté avec succès c’est-à-dire réduire l’influence du PCF après que cet objectif eût été décliné par Giscard d’Estaing et une fois encore, cet objectif mitterrandien ne dut rien à une capacité politique hors normes ; si réflexion approfondie, il doit y avoir cet élément ne peut ni être absent ni tout envahir .
Dans un premier survol Yann le Pollotec écrit dans « Communistes » du même jour que jusqu’à présent nous n’avons pas trouvé de solution au problème institutionnel que pose l’élection présidentielle, ce qui est indiscutable mais soutenir un candidat qui vise explicitement publiquement, constamment à l’éradication du PCF, est peu banal , convenons -en , problème institutionnel ou pas .Cela ne saurait être effacé .Disons -en encore un mot : cette situation était si peu banale que les forces qui usuellement passent du temps à nous combattre n’eurent pas à prendre cette peine ; je ne parle pas des médias , absents de toute incidente des deux textes qui s’employèrent jour après jour à brouiller toutes les pistes , à marginaliser le PCF – sans succès car P Laurent fut écouté largement avec intérêt et sympathie - , à faire le lit du FN et d’un affrontement falsifié Droite Extrême -droite etc…
On y reviendra.
La stratégie est une chose, sa mise en œuvre une autre. Admettons ; on pourrait écrire des volumes sur le fait que la mise en œuvre fut poursuivie de part en part sans dévier d’un millimètre. En tout cas au niveau de la Direction nationale restreinte, cible avouée des deux textes. Nombre de signataires de l’un des textes avaient fui bien avant toute décision collective ; personne ne devrait avoir oublié les exhortations infantilisantes d’autres signataires du même texte à rejoindre Jean-Luc Mélenchon sans autre forme de procès. Prétendre que cette attitude ne fut pour rien dans les hésitations du corps militant et joua son rôle dans le résultat est de l’hypocrisie pure et devrait suffire à disqualifier leurs auteur(e)s ; je ne m’engagerais néanmoins pas dans cette voie ; ayant eu l’occasion de converser avec certains d’entre elles et eux je sais à quoi m’en tenir et leurs proclamations me laissent de marbre ; je ne parle pas de ceux – plus rares- qui manient l’insulte comme d’autres le porte- plume.
Pour les signataires de l’autre texte la situation est différente mais ne nous aide pas davantage. Leur reconstitution de la séquence est une fable comme d’ailleurs largement celle du premier ; s’étant arcboutés sur l’une des deux options possibles qui d’ailleurs, n’est pas reflétée fidèlement dans leur texte, et quoi qu’ils s’en défendent, renvoient à une stratégie de rassemblement AUTOUR du PCF, stratégie abandonnée depuis longtemps à juste titre . Le résultat catastrophique à première vue de cette séquence serait dû selon les auteurs au fait que les propositions très importantes du PCF , privé de candidat n’auraient pas été portées ; c’est une contrevérité en tout cas pour deux aspects majeurs , l’un est le fameux SEF dont je ne vais pas discuter de la portée et au demeurant la CGT se l’est approprié sous une forme voisine : il n’est guère de prise de parole de P. Laurent sur cette question de l’emploi qui n’y fasse référence insistante et le second est la question de l’Union Européenne où le « plan B » sombra corps et biens heureusement mais où de façon tranquille P Laurent eut l’occasion de faire la clarté à de nombreuses reprises.
On ne fraie pas la voie de la réflexion des communistes de cette façon. On les égare.
Mais avant de revenir à une phrase centrale de l’un des deux textes parlons brièvement des résultats ; pour la gauche dans son ensemble c’est une catastrophe et le désastre, annoncé moult fois par P Laurent qui mit tout en œuvre pour l’éviter ; il ne fut pas entendu ; lui en faire reproche est extraordinaire ; mais le résultat pour le PCF s’il n’évite pas d’être emporté – on se demande quel miracle eût pu l’éviter – sort RENFORCE au plan de sa représentation parlementaire ; cette situation d’apparence paradoxale n’est présente dans AUCUN des deux textes plus prompts à délivrer des Encycliques qu’à livrer une analyse ; après réflexion et sans joie – je n’avais vraiment aucune illusion sur le candidat que nous soutiendrions – je décidais de voter comme la majorité des communistes en pensant – après de nombreuses discussions avec des militants de premier ordre – que ce choix était de nature à permettre mieux que l’autre de faire entendre notre stratégie auprès d’une large part de l’opinion de gauche ; j’ai la faiblesse de penser que cela s’est vérifié dans un cadre global très mauvais ; mon expérience de terrain confirme que notre positionnement était ressenti avec sympathie ; et qu’en outre il ouvrait à des discussions importantes qui n’auraient jamais été pensables si de façon ou d’autre nous eussions fait cavalier seul ( sans même parler de l’immense contradiction entre notre stratégie et la présentation d’une candidature communiste pur sucre ( moi président communiste …. ) ) ; ce qu’était réellement Jean-Luc Mélenchon était très loin d’être imaginé au départ par nombre de nos compatriotes de gauche voire proches du PCF .
Avant de conclure temporairement je reviens sur une phrase centrale du premier des textes « « la question décisive était « comment rompre enfin avec les politiques libérales que la droite et le PS ont menées alternativement depuis des décennies « ; si telle est LA QUESTION DECISIVE , alors c’est une AUTRE STRATEGIE en effet dont il est question . Mais d’une part ce n’est PAS celle qui fut réitérée depuis plusieurs Congrès et votée à 94% récemment et en outre je pense qu’elle est FAUSSE ; que la question de « rompre enfin …etc… « soit évidemment un objectif ne fait pas question ; que ce soit là où gît le lièvre, si ; mieux formulée que par le lider maximo cette « question décisive » ou prétendue telle n’est rien d’autre que la recherche du sel sous la queue de l’oiseau .
C’est tout pour aujourd’hui .