SUR LE PONT DU GARD
Hier, j’ai eu de la chance ; la fête du PCF en plein air dans le Gard, j’y étais ou tout comme ; Ian Brossat y a dit au moins deux choses fondamentales :
1) Les Législatives ne sont pas la suite logique de la Présidentielle ; Le contraire est une idée dont nous devons nous défaire ; je le pense profondément ; en tout cas, c’est vrai pour le PCF ; j’ai discuté ça depuis des semaines avec des amis proches qui jusqu’au verdict ont pensé le contraire . C’est un sujet grave, un sujet qu’il faut explorer en détail ; avec d’immenses autres continents qui, comme la forêt amazonienne sont connus , répertoriés , mais largement vierges ( dans mon esprit il n’est pas question de poursuivre le déboisement !!!) , qui se trouvent dans le Rapport Introductif de P Laurent au CN du PCF du week- end , ; on ne s’attendra pas à ce que je parcoure ce Rapport même fugacement . C’est de la matière à penser ; le PCF relève le gant. Affaibli mais debout ; c’est ce qui compte.
J’en retiens ici une phrase : « Le Parti communiste doit prendre à bras le corps cette question et faire d'une démocratie rénovée, élargie, continue, radicale, le cœur de son projet, de sa visée, et surtout de ses pratiques. C’est ça le communisme, c’est d’abord ça : le peuple souverain qui conduit lui-même son destin. » ; cette phrase -là pèse un poids pour lequel n’existe aucun instrument de mesure.
Je reviens aux propos de Ian Brossat ; je ne sais pas à quoi ressembleront les prochaines Législatives ni quand elles auront lieu ; personne ne peut insulter l’avenir ; les choses ne sont pas cristallisées …. Mais à coup sûr, pour le PCF et quoi qu’il arrive elles ne se traduiront pas par un effet mécanique de la Présidentielle si celle -ci demeure l’élection princeps et il faudra bien s’en débarrasser tellement elle est irrespirable. Alors ? Cette affaire a des implications ; d’une part, si ce constat est vrai, la prochaine élection législative doit se préparer maintenant et pas à quelques encâblures du scrutin.
Mais d’autre part, osons cette question : qu’est ce qui peut pousser un ou une compatriote de gauche à voter pour un candidat ou une candidate du PCF ? La notoriété ? Elle joue mais pas toujours et pas en tout lieu ni en tout temps et, sourions, avant d’être « notoire », un candidat ou une candidate ne l’est pas .
Le Vote en faveur d’un ou une candidate PCF procède de critères essentiellement différent des autres votes de ce type ; la détermination, la lucidité et d’autres qualités interviennent mais sont loin d’épuiser la question ; le vote PCF s’enclenche nationalement quand ce vote apparaît utile et nécessaire ; c’est le seul dans ce cas . Le vote PCF aux législatives peut (doit) contenir des aspects de circonscription mais ne confondons pas les scrutins .
Utile et nécessaire ; ce vote doit s’inscrire et être vu dans une démarche globale, où l’on est conduit à penser d’une part que sans lui rien ne change pour le monde du travail, et que sans lui, une victoire de gauche ne change rien . Or, la gauche dans ce dernier épisode avait fermé les rideaux ; avec ou sans, la représentation du SEUL PCF ne changeait rien (c’était une vision discutable mais ce fut l’opinion très majoritaire de nos compatriotes ). Une force politique située globalement à gauche tout en s’en défendant, avait tout mis en œuvre pour ce résultat. On parlera des autres forces de gauche ensuite. Ce qui compte, c’est que très largement et heureusement pas partout, le vote PCF apparut comme sans aucun intérêt ; là où des candidat(es)s PCF sont élus ou réélus, ils le sont avec des votes écrasants. Je ne vais pas avoir la prétention d’étudier en détail ; le Rapport de P Laurent dit d’une autre manière que « le PCF n’est pas vu comme pouvant apporter des solutions aux questions les plus brûlantes du monde d’aujourd’hui ». Une campagne LEGISLATIVE qui n’a pas cette dimension en ligne de mire, pour le PCF, est mortifère. Des Millions de tracts n’y changeront rien. Même avec un contenu propositionnel au cordeau.
Le mot « gauche » étant revenu ici à maintes reprises, cela amène à la seconde partie :
2) Ian Brossat dit calmement que cette question du clivage droite – gauche est à revisiter ; elle n’avait pas disparu ; elle avait été reléguée à l’arrière-cour, comme une antiquité peu attractive ; Claude Mazauric avec qui j’ai eu l’occasion de discuter épisodiquement insiste sur trois aspects liés ; psalmodier « gauche » à chaque tournant de phrase est risible ; il a raison. D’autre part, il explique que la préemption du mot « GAUCHE » par le PS, ce, depuis plus de 20 ans par F Mitterrand qui en fut l’initiateur a dévalorisé la chose d’une façon terrible ; on peut déjà ici songer à discuter sans prendre le contrepied de cette piqûre de rappel ; et il conclut que pour que le mot « gauche » retrouve une force propulsive il faudra impérativement le libérer des scories importées par le PS.
Ce n’est pas une petite affaire.
Je ne vais pas la régler en trois phrases ; un intervenant souligne en fin de débat qu’il a « rencontré des compatriotes qui n’ont aucune hésitation à se dire de gauche » ; je confirme, on peut faire cette expérience partout.
Je ne vais pas me rendre ridicule en soulignant que la gauche a peut-être fermé les rideaux mais que même en lambeaux, la Droite, elle , n’a pas ce scrupule ; le premier Ministre non plus ; on ne tardera pas à voir ce que signifie le « ni de gauche, ni de droite » du Mécanisme Macron . Répétons le :« Quiconque considère que l’accumulation de la richesse à un pôle et la misère à l’autre est insupportable, est DE GAUCHE , quiconque considère « qu’il n’existe pas quelque chose appelé « Société » est DE DROITE » . Il existe d’infinies nuances au sein de ces deux catégories mais cela constitue LA LIGNE DE DEMARCATION.
La Droite française ne nie pas les inégalités sociales et elle conçoit les jours d’années bissextiles qu’elles doivent être limitées MAIS sa pensée fondamentale est Thatchérienne ;les pauvres doivent fondamentalement leur situation à l’indolence , à l’assistanat , à tout ce qu’on voudra mais ils sont globalement et individuellement responsables de leur situation ; les chômeurs sont responsables de leur situation ; les « consommateurs » ne savent pas faire jouer la « concurrence » etc……. Il n’existe rien qui s’appelle société.
En face tout commence avec cette reconnaissance de l’insupportable ; et je me permets de l’affirmer, cette reconnaissance -là s’appelle LA GAUCHE. Les Docteurs Diafoirus ont changé tout cela ; on peut, paraît-il, être de gauche sociétalement et de droite économiquement …. Certes la Droite la plus confite s’oppose au Mariage pour tous ; mais cela fait partie d’un coin poussiéreux et rance de la droite ; ça ne change rien au fond ; le profit approprié de façon privée est LEGITIME pour toute la droite ET POUR MACRON ; son extorsion sans limite sur le travail humain aussi ; on peut s’interroger sur la question climatique sans rien changer aux axiomes précédents ; ce qui déterminera les choix politiques est la question exclusive de savoir qui DOIT payer les dégâts ; si c’est « pollueur – payeur » alors , il n’existe rien qui s’appelle société ; tout le reste est du vent . Supprimer la peine de mort ? Mais en quoi son maintien est -il utile à la marche du business ? Ce qui ne coûte pas un sou et fait même faire des économies au plan des finances publiques peut sans dommage être abandonné ; on jugera cela énorme et abaissera le geste de Badinter ; soit, je prends le risque ; ce n’était pas sa première motivation, mais si la droite n’y revint pas, ce n’est pas par éthique.
IVG, le grand raté de la gauche et du PCF en particulier ; admirable lucidité de la très giscardienne Simone Weil. Elle s’employa aussitôt à réduire drastiquement les budgets publics de santé ; l’autorisation de l’IVG était une mesure d’annonce, un trompe l’œil ; il fallut des années de luttes pour qu’il entre dans la pratique faute de législation contraignante et de gratuité. Cela ne signifie pas qu’il faille refuser de le voter en son temps d’autant moins que cette mesure eût dû être emblématique de la gauche …. Ce qui sourd de LA SOCIETE peut trouver un chemin détourné pour s’imposer mais qu’on ne fasse pas de cela une « gauche sociétale ».
Ne parlons pas de parité homme -femme ; c’est un sujet énervant ; la parité salariale attendra….
Après ça arrivent les questions : comment une force politique qui non seulement s’est située à gauche mais a prétendu l’incarner seule ou comme axe hégémonique a-t -elle pu se vautrer dans les compromissions de tout type avec l’axiome Thatchérien ????????Bien évidemment CETTE force- là a une part écrasante de responsabilité dans l’effondrement présent ; mais le souligner à l’envi n’a aucun intérêt. En tout cas médiocre.
Voici pourquoi : cela fait en gros deux générations que fonctionne le mythe ; persistera-t-il sous d’autres formes ? Nul ne peut le prédire ou le savoir. Mythe. Interrogeons le mythe.
Croire que par un éblouissement génial , F Mitterrand sut réussir est simplement lui prêter des vertus de démiurge ; il avait analysé l’ « état des esprits » mieux que ne l’avait fait le PCF et conclu que le « socle communiste » ne relevait pas d’une adhésion à son programme ; après les guerres coloniales il n’y avait de gauche que le PCF ; lorsque se présenterait l’occasion d’une autre force de gauche tout changerait et tout changea . F Mitterrand fut aidé dans son projet de façon multiple mais cela ne change rien ; à l’époque la question tournait autour du système soviétique dont nos compatriotes ne voulaient pas, ni le PCF d’ailleurs, mais on était encore en droit d’avoir des doutes à ce sujet.
Nous sommes à des années-lumière de cette situation et le « mythe » a perduré ; or la disparition de l’URSS eut un effet imprévu ; au lieu de libérer l’horizon, celui-ci fut envahi par un capitalisme nouveau, conquérant , sans limite et dépourvu de tout scrupule . Le New York Times écrivit au temps de Gorbatchev « Vous avez perdu ; nous avons gagné , pourquoi devrions nous vous « aider » ? » .
Pour l’immense majorité de nos compatriotes le capitalisme devint l’unique horizon humain pensable de quelque nom qu’on le baptise ; cela ne signifiait pas pour une large partie d’entre eux que les choix politiques avaient disparu. Le PS trouva dans cette situation de quoi nourrir « le mythe » ; mais il n’y a aucun « mythe » qui puisse résister à une alternative crédible ; quelque part la chose n’était donc pas mythique. Et le penser conduit à l’imprécation. Je ne parlerais même pas d’une tentative nouvelle de faire un PS à la place du PS …. En dehors du fait qu’elle a coûté très cher, son avenir n’est pas inscrit dans le marbre. Il demeure que des millions de compatriotes pensent qu’il doit être possible de faire des choix différents de ceux offerts par la droite et ces compatriotes forment une très large part de ce qui est appelé ici la gauche ; se pose alors une question : si cela est vrai et si ces compatriotes ont en même temps leur horizon mental , leur imaginaire politique bloqués par l’idée que le capitalisme est indépassable , devons -nous consacrer du temps à les sortir de cette conception et partant, à commencer par discréditer les formations qui cristallisent cette idée ? Si oui, je pense profondément que c’est une tentative désespérée. La tentative nouvelle consistant à faire un PS à la place du PS pourrait servir de preuve. Au mieux on le dédouble.
Il se trouve, comme aurait dit Vladimir Pozner que « le capitalisme va plus vite » . Et que la crise multidimensionnelle qui l’affecte aujourd’hui mondialement change complétement la donne : il n’existe pas aujourd’hui de mesure de gauche qui ne s’en prenne à la logique du capital. On peut hausser les épaules, mais c’est incontournable et c’était faux, absolument faux hier. C’est cette situation qui fonde la possibilité d’un rassemblement populaire à gauche pour un gouvernement de gauche appliquant une politique de gauche ; et peu m’importe que l’on nomme ce rassemblement autrement.
Si on considère ce constat – j’attends toujours qu’on le réfute - , alors partir des « mythes » et des représentations erronées et/ou nuisibles de notre point de vue , est avant tout une entrave au rassemblement.
Il est toutefois vrai que toutes les tentatives antérieures d’y parvenir ont avorté ; d’une part ces tentatives ont échoué de diverse façon ; d’autre part aucune de ces tentatives ne s’est pénétrée de la phrase du Rapport de P Laurent citée ci-dessus ; certes on trouve l’idée dans nombre de nos textes avec une insistance croissante mais on doit constater que le corps militant du PCF ne se l’est pas vraiment appropriée. Ce n’est pas se l’approprier que de s’y référer six mois avant une échéance majeure et ce n’est pas s’y référer que de le faire a minima.
On a cru pouvoir railler l’expression « Le PCF est le parti qui tient la gauche debout » ; encore une incantation à « la gauche » qu’on ne veut plus voir ; aucune formule ne livre son sens par elle -même ; si le PCF ne joue pas son rôle de fertiliseur de l’initiative populaire, et par là je n’entends pas du tout un corpus de propositions au cordeau répétées à satiété ( il n’est pas question d’en faire l’économie mais de les concevoir comme CONTRIBUTRICES ce qui n’a jamais été fait) , alors ne reste de la formule qu’un avatar d’une pièce jouée dont personne à bon droit ne veut plus .
J’ai dit plus haut que les chantiers étaient si vastes que de ma part chercher à les parcourir serait parfaitement grotesque ; j’en ai déjà beaucoup trop dit.