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Billet de blog 30 août 2014

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PROPOS D'UN "GRINCHEUX "

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

La chute française

(Traduction d’un article éditorial de P Krugman dans le NYT du 30/08/14 La traduction est d’Olivier Gebuhrer)

François Hollande, Président de la France depuis 2012 aurait pu être un prétendant. Il fut élu sur la base d’une promesse de tourner le dos aux politiques austéritaires qui ont tué la convalescence brève et inadéquate de l’Europe .Comme la justification intellectuelle  de ces politiques étaient faibles et s’effondreraient rapidement, il aurait pu conduire un groupe de nations demandant un changement dans le cours des choses. Mais ce n’était pas le cas. À peine installé, il se plia immédiatement, abandonnant tout aux exigences de davantage encore d’austérité.

Qu’il ne soit pas dit néanmoins qu’il soit sans épine dorsale. Plus tôt cette semaine, il prit une forte décision, mais hélas pas sur la politique économique bien que les conséquences désastreuses de l’austérité en Europe soient visibles chaque mois davantage et même Mario Draghi Président de la BCE demande un changement d’orientation. Non, toute la force de Mr Hollande se concentra sur le nettoyage de son gouvernement de ceux qui osèrent mettre en question sa soumission à Berlin et Bruxelles.

C’est un spectacle étonnant ; pour l’apprécier à fond, il faut comprendre deux choses. Premièrement, l’Europe dans son ensemble traverse une crise grave (« serious trouble »). Deuxièmement,   au sein de ce schéma général de désastre, la performance de la France est bien meilleure que les rapports d’actualité ne le laissent penser. La France n’est pas la Grèce et même pas l’Italie. Elle se laisse balloter comme si elle était un cas désespéré.

Sur l’Europe : Comme les États-Unis, la zône Euro – les 18 pays qui ont la même monnaie – ont commencé à se redresser de la crise financière de 2008 jusqu’à mi 2009 .Mais lorsqu’une crise de la dette explosa en 2010 certains pays durent, comme condition pour obtenir des prêts, effectuer des coupes sévères dans les dépense publiques, et augmenter les impôts sur les ménages de ceux qui travaillent. Pendant ce temps, L’Allemagne et d’autres pays créditeurs ne firent rien pour compenser la pression vers le bas et la BCE, contrairement à la Banque Centrale du Royaume Uni ne prit aucune mesure exceptionnelle visant à donner un coup de fouet à la dépense privée. Le résultat  fut que la reprise en Europe devint poussive en 2011 et n’a en fait jamais redémarré.  

À ce point l’Europe fait pire qu’à un moment comparable  de la GRANDE DEPRESSION et des nouvelles pires nous attendent  alors que l’Europe montre chaque signe d’une plongée déflationniste de type japonais.

Comment se situe la France dans ce tableau ? Les Rapports d’actualité nous font avec constance le portrait d’une économie française dans le plus complet foutoir, criblée d’impôts et de réglementations.

C’est un véritable choc de considérer les chiffres actuels, lesquels n’ont rien à voir avec ce descriptif. La France ne s’est pas bien portée depuis 2008, en particulier elle est à la traîne de l’Allemagne- mais la croissance de son PIB est bien meilleure que la moyenne européenne, devant non seulement celle des pays en crise du Sud mais encore  des pays créditeurs comme les Pays Bas. La performance française en matière d’emplois  n’est pas si mauvaise En fait, les adultes de la première tranche d’âge ont de meilleures chances de trouver du travail qu’aux États -Unis.

Et s’ajoute à cela le fait que la situation de la France n’est pas fragile ; son déficit commercial n’est pas énorme et elle peut emprunter à des taux d’intérêt historiquement bas.

Alors pourquoi la France a- t-elle si mauvaise presse ? Il est difficile de ne pas nourrir la suspicion  que la raison est politique : la France a un grand gouvernement, un généreux État-Providence, que les tenants du marché sans entrave disent qu’il doit conduire au désastre économique. Donc le désastre est ce qui est contenu dans les rapports d’actualité même si les chiffres ne disent pas cela.

Et Monsieur Hollande qui dirige le Parti Socialiste semble croire cette mauvaise rumeur idéologique. Pire, il est tombé dans le cercle vicieux dans lequel les politiques austéritaires conduisent la croissance à stagner  et cette stagnation est prise comme preuve que davantage d’austérité est nécessaire    

C’est une très triste histoire et pas juste pour la France.

Tout à fait immédiatement, l’économie européenne est dans une situation désespérée (« dire straits »). Mr Draghi, je pense, sait à quel point les choses vont mal mais c’est tout ce que la BCE peut faire et en tout cas sa marge d’action est limitée tant que des dirigeants élus  ne décident pas de défier l’orthodoxie de l’argent pour l’argent et du budget en équilibre. Pendant ce temps l’Allemagne est incorrigible. Sa réponse au remaniement est qu’il n’y a pas de contradiction  entre la consolidation et la croissance – hé les mecs, on se fout des 4 années qui précédent, nous continuons de penser que l’austérité favorise l’expansion.

Donc l’Europe a besoin d’un dirigeant d’une économie majeure – une de celles qui n’est pas dans une forme excellente - qui se lève pour dire que l’austérité tue les perspectives économiques du Continent. Mr Hollande pouvait et devait être ce dirigeant mais il ne l’est pas.

 Et si l’économie de l’Europe continue de stagner ou pire, qu’adviendra-t-il du projet européen ? L’effort de long-terme pour assurer sécurité et paix au travers d’une prospérité partagée ?

En mettant la France en échec, Mr Hollande met en échec l’Europe tout entière et personne ne sait à quel degré ça peut mal tourner   

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