La population rom est des plus vulnérables, en premier lieu face aux mafias ou racketteurs qui exploitent cette situation. Cette population est donc la première victime de la situation qui lui est faite un peu partout en Europe.
La question politique est : que faisons-nous pour lutter contre cette précarité extrême ? quelles mesures, et quels discours développons-nous face à cela ?
Dire devant cette vulnérabilité, très dangereuse socialement — en premier lieu pour ceux qui la subissent —, qu'il y a un "problème rom" en France, équivaut à dire par exemple ce que Guéant proclamait : qu'il y a à Marseille un "problème comorien" car il y a des malfaiteurs comoriens, ou ce qu’a toujours prétendu le FN, un "problème arabe" en France parce qu'il y a des délinquants arabes, et ainsi de suite. C'est l'insupportable causalité généralisatrice : la racine même du racisme — ce simplisme débilitant qui tente de faire passer des syllogismes pour des constats objectifs.
Ce qui est vrai, c’est que les Roms rencontrent de multiples problèmes en France en ce moment.
Or il est une politique / rhétorique d'Etat gravissime, à l'œuvre dans de nombreuses démocraties, qui consiste à aggraver sans relâche la vulnérabilité, la précarisation, l'abandon de certaines populations, pour les incriminer toujours plus et in fine les rendre responsables des "problèmes" causés par ce processus même. Ce cercle vicieux, cette dialectique redoutable que subissent à des degrés divers les populations noires aux USA ("ce n'est pas un hasard si les prisons américaines sont remplies de Noirs à 70 %"), les Palestiniens en Israël, et ici maintenant, les Roms. J'y vois une marque décisive du néo-conservatisme, que Sarkozy et Valls acclimatent en France depuis qqs années. Les néo-conservateurs, comme autrefois les fascistes, ont besoin de fabriquer des ennemis, des exclus-irrécupérables, pour fabriquer toujours plus de répression.
Le fait divers de la veille — vous voyez, on vous l'avait bien dit ! — sert à justifier la répression d'avant-hier et durcir celle de demain.
La tautologie ou le syllogisme (ennemis redoutables de tout espoir politique) consistent à incriminer à la source, et la preuve ultime de la malfaisance sera confirmée par le fait même qu'on réprime.
C'est si l'on veut un léger déplacement d'accent par rapport au fascisme : on ne dit plus qu'une race est mauvaise par nature (ce qui explique ses malheurs, voir le discours nazi sur les Juifs.) On pointe seulement une population déjà fragile socialement, et on "explique" cette fragilité par sa mauvaise volonté qui obligerait à sévir et à exclure toujours plus, etc.
Ce qui est profondément inquiétant, et impardonnable intellectuellement comme éthiquement de la part de dirigeants censément éduqués comme Valls, c'est la généralisation.
En conséquence, je propose cet axiome : la politique répressive de type néo-conservatrice d’Etat est toujours une politique de punition collective. Par essence, elle tend à dés-individualiser au maximum le discernement répressif ou judiciaire. Il lui faut donc une population.
On le voit aussi dans le domaine financier : tous les Chypriotes paieront pour le "problème Chypre".