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Billet de blog 7 avril 2013

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Roms : quels mots pour parler de leur persécution ?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Roms, migrants autour de Calais : mêmes méthodes de harcèlement et de destructions envers une population au bord du gouffre. Même absence d'horizons politiques cohérents… et même enrobage honteux par une rhétorique vide : pour preuve, ce détournement sinistre des mots énucléés, étouffés dans la novlangue de bois : "efficacité et humanisme” (dans la réponse du ministère de l’Intérieur au Défenseur des Droits :http://www.mediapart.fr/journal/france/050413/policiers-face-aux-migrants-calais-valls-ne-veut-rien-voir)

"Humanisme"… quand on songe à ce que ce mot déploie comme harmoniques somptueuses dans la tradition  européenne, depuis la Renaissance ! Dans la langue marketing des sinistres maisons de retraite gérées par de grands groupes privés comme ORPEA, on couvre la petite (ou grande) maltraitance quotidienne des vieux du terme d'"humanitude"… qui a au moins ce mérite d'être un néologisme qui pue à plein le clone kafkaïen.

Alors, bien sûr, comme les mots manquent pour désigner cet insupportable-là, on pense "pogromes", "racisme d'Etat"… La vérité, c'est que devant ce genre de monstruosités perpétrées dans le cadre légal de l'Etat de droit, nous faisons face à un vide de mots, donc de cadre de pensée pour nommer ça, le dénoncer, porter plainte, agir… On traite Valls de "fasciste", on rabat un vocabulaire légué par l'histoire sur des réalités nouvelles que l'on ne sait pas désigner — au risque d'anachronismes absurdes, forcément outranciers. On est encombrés de tout ça, entre humanisme mou ou seulement charitable (celui des clergés par exemple), et dénonciation en pilotage idéologique automatique.

Et quand une brèche s'ouvre dans ce mur, comme PEROU à Ris Orangis, que Jean-Marc Adolphe a bien décrit   dans son blog Mediapart du 3 avril dernier (http://blogs.mediapart.fr/blog/jean-marc-adolphe/030413/lignominie-expulsion-du-bidonville-rom-de-ris-orangis), elle est bien vite refermée, et d'autant plus violemment qu'il s'agit d'invention sociale, de créativité, de nouvelles solidarités… PEROU fait penser à ces poignées de citoyens israéliens qui s'interposent, par toutes sortes de moyens qui vont des performances artistiques aux procédures juridiques, entre l'armée et les populations civiles. On en est donc là aussi, en France.

Quand je lis le discours des chargés de comm' de la mairie de Ris Orangis, j'ai honte, honte de cet arsenal tiré de l'Etat de droit et que des gens soient formés et payés pour en enrober ainsi la violence, et de cette police verbale mise au service du harcèlement des Roms démunis. Hiver interminable.

En fait d'"humanisme", Sarkozy-Valls acclimatent en France la politique punitive néo-libérale envers les populations les plus fragiles. Politique qui a absolument besoin de se fabriquer des ennemis du genre irrécupérables-exclus pour sévir toujours plus, et ainsi alimenter le cercle vicieux des "problèmes" qu'on prétend combattre… Les Noirs aux USA, les Palestiniens en Israël en savent quelque chose. On peut tourner en rond là-dedans pendant des décennies. Désespoir politique garanti.

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