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Billet de blog 29 octobre 2023

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L’écosophie nous permettra de penser le monde de demain

Dans son rapport annuel, le CESE indique qu’en France, 80 % des Français interrogés se disent inquiets des conséquences du dérèglement climatique. L’écosophie peut leur donner des clefs pour penser un monde différent.

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Illustration 1

« On ne pourra plus dire que les Français sont climatosceptiques »

Ces propos de Marianne Tordeux Bitker révèlent que de nombreux Français, soucieux de leur empreinte carbonne, ont pris des mesures actives face au réchauffement climatique. Si certains ajustent la température de leur logement pour réduire leur consommation énergétique, d'autres changent leurs habitudes d'achat vers des produits bio ou écoresponsables, favorisant la durabilité. L'écosophie, une philosophie prônant une harmonie entre l'écologie, la société et la pensée individuelle, propose une approche holistique pour aborder tous ces enjeux. Elle nous rappelle l'importance de la nature dans notre vie quotidienne et l'urgence d'agir pour préserver notre planète pour les générations futures. Néanmoins, le coût demeure un obstacle majeur à des actions plus conséquentes, comme la rénovation thermique des habitations. « La transition écologique est onéreuse pour les classes moyennes et modestes », soulignait mercredi Thierry Beaudet, président du CESE, dans Le Monde. Ainsi, un Français sur deux pense que son budget couvre à peine ses nécessités, voire pas du tout. Ces éléments permettent d’établir une critique constructive du capitalisme néolibéral et de la notion de « croissance verte », que les défenseurs de l’écosophie dénoncent depuis longtemps.

Quelle place pour l’écosophie ?

Leçon de Mathilde Ramadier // Arne Næss et la deep ecology © // Philomonaco //

L'écosophie, fusion de sagesse et d'écologie, s'élève bien au-delà d'une écologie superficielle. Elle incarne la recherche d'une harmonie entre l'humain et son environnement, prônant un respect mutuel et une coexistence bénéfique. Sabine Dupont*, professeur de philosophie politique à l’université Lyon 3 et experte en écologie politique, nous éclaire sur ce concept. Elle explique : « Arne Naess a exposé sa vision novatrice de l'écologie en 1973 dans la revue "Inquiry", marquant ainsi un tournant dans la pensée écologique.  Naess délaisse l'anthropocentrisme, qui privilégie l'homme, pour une vision inclusive englobant tous les êtres. » Selon l’universitaire, cette approche égalitaire reflète une compréhension profonde de la connectivité de la vie. Il évoque alors l'"égalitarisme biosphérique", notion que Dupont juge avant-gardiste et pertinente dans notre ère actuelle. « Rapidement, précise-t-elle, Naess était persuadé que chaque entité vivante, qu'il s'agisse d'un mammifère évolué ou d'une simple cellule, détient une valeur intrinsèque identique. » Ce point de vue contraste fortement avec certaines pratiques d’industriels qui, dans leur quête de profit, négligent l'intégrité écologique, comme en témoigne la déforestation en Amazonie pour une agriculture intensive.  Selon Dupont*, ces multinationales et institutions financières ont un rôle crucial ici. Face à leur puissance, elles portent une lourde responsabilité. « Leur rayonnement dépasse les frontières, ce qui leur confère une influence majeure sur la scène mondiale. Elles se doivent donc d'honorer les droits humains et culturels partout où elles interviennent. » De ce fait, elle insiste sur la nécessité pour ces entreprises d'adopter une éthique durable, non seulement pour préserver la planète, mais aussi pour garantir un avenir viable pour les générations futures. Elle rejoint Arne Naess en considérant que l’environnement n'est pas une entité séparée, mais bien une partie intégrante de notre identité. « L'audace d’Arne Naess, selon Dupont, est de percevoir l’environnement comme une extension de notre être, un "prolongement de notre essence". » Ainsi, Sabine Dupont affirme que la pensée de Naess transcende la vision de l'environnement comme simple toile de fond. « Pour lui, comme pour beaucoup d'autres défenseurs de l’écosophie, s'épanouir individuellement et enrichir la nature sont des objectifs indissociables, reflétant une symbiose entre l'homme et la nature. »

Une jeunesse mondiale séduite par l’écosophie

Les climatosceptiques / Mytho-théories - Info ou Mytho © Info ou Mytho ?

Dans la perspective holistique d’Arne Naess, chaque entité, humaine, animale ou végétale, détient une place essentielle et est intrinsèquement connectée à l'ensemble. Cette conception est au cœur des inquiétudes de la génération éco-anxieuse. En effet, l’éco-anxiété, en pleine expansion, devient un enjeu global, impactant la jeunesse contemporaine. Une étude récente parue dans le Lancet a interrogé 10 000 jeunes de dix pays, des nations riches comme les États-Unis aux pays en développement tel. Elle révèle que cette génération ne perçoit plus l'environnement comme un élément détaché, mais comme un tout fondamental. Ils ressentent sa dégradation lors des incendies, des étés étendus ou quand des industriels construisent des méga-bassines, perturbant les nappes phréatiques. Les conclusions sont préoccupantes : 75% voient l'avenir comme "menaçant". « Ils s'angoissent pour leur futur, redoutant l'impact du changement climatique sur leur existence. 56% pensent que l'humanité est sur une voie "funeste", traduisant une défiance face aux initiatives actuelles contre ce changement », écrit Denis Lafay dans "Où va-t-on ?" (Éditions De L’Aube, 2022). Qui plus est, 39% "hésitent à devenir parents", apeurés par l'idée d'élever une descendance dans un monde précaire. Par ailleurs, une étude de l'Institut de l'économie pour le climat indique que le bien-être des 18-30 ans décline : de 95% se déclarant "heureux", ils sont 84% ; de 46% se sentant "très heureux", ils chutent à 19%. « Ce déclin traduit une incertitude croissante face à demain », souligne Sabine Dupont*. Elle met en évidence le scepticisme et le doute ambiant, signalant un futur compromis. « Comment convaincre la jeunesse de son importance, de son potentiel transformateur, dans un contexte marqué par la pauvreté, les catastrophes naturelles et une pression économique les poussant à cumuler des emplois étudiants ? »

Quels liens entre l’écosophie et la solidarité ?

Écologie & Handicap : Un mariage difficile. © Après l'Effondrement

Pour Sabine Dupont, il est primordial de saisir que l'essence authentique de l'écologie réside dans la coopération, la diversité et le respect mutuel, et non dans l'isolation ou le refus. « L'écologie, dans sa profondeur, valorise la vie sous toutes ses facettes et reconnaît l'interconnexion des écosystèmes, des cultures et des sociétés. À ce titre, j'ai été enthousiasmée d'apprendre que des médias comme Libération ou Reporterre convient un jeune journaliste autiste pour une immersion en novembre. » Dans un contexte où les enjeux climatiques et environnementaux sont indubitablement globaux et sociétaux, elle estime qu'il est fondamental d'opter pour une démarche collaborative et ouverte. « J'ai apprécié que des députés de La France Insoumise se soient engagés sur la question des AESH en votant contre l’article 53 du dernier projet de loi de finances. Cela illustre que les mouvements écologistes prennent aussi position sur des thématiques sociales essentielles telles que le handicap. » Sabine Dupont soutient qu'il est vital de concevoir des stratégies reconnaissant ces interdépendances et visant à encourager la justice et l'égalité à l'international. « En définitive, l'écologie et l’écosophie ne se restreignent pas à la sauvegarde de la nature, mais englobent aussi la protection de la dignité, des droits et du bien-être de chaque individu. » De surcroît, elle insiste sur l'importance du respect des droits culturels pour assurer une cohabitation harmonieuse entre les communautés. « Dans un monde interconnecté où les cultures interagissent continuellement, il est vital d'identifier et de promouvoir des politiques sociales authentiques en faveur des groupes défavorisés. Cela exige une perspective équilibrée et ouverte qui dépasse la simple défense des droits individuels pour adopter une vision globale des droits collectifs et culturels. »

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