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Le titre est apparu en premier, comme une évidence, face à l’océan, Parfois le vide, un aveu d’impuissance, et la sidération devant les accommodages de l’esprit pour être en règles avec lui-même. L’esprit peut donc accepter de traiter d’envahisseurs des crevards qui prennent la mer dans des zodiaques pourries.
Je crois que j’ai gardé cette sidération, cette incapacité à tordre la conscience et de lui faire avaler des monstruosités.
Je regardais l’océan, j’étais jeune encore, je n’avais jamais quitté l’île, et sans être particulièrement pauvre ou dans l’esprit d’un futur réfugié, je me demandais quand même ce qu’il y avait de l’autre côté. Marcher n’est plus possible, nager, c’est pas bon, le visa, faut pas rêver. J’avais juste envie de voir autre chose que des gens comme moi.
L’attrait de l’ailleurs, sans statut et sans exil.
Et les deux sont apparus, fumant le dzamala : « He petit, tu viens avec nous ? On va rejoindre Bob !» Ils ont pris l’une des pirogues qui étaient là, ils ont chanté « Exodus, movement of Jah people ! », et ils sont partis. J’ai vu la pirogue disparaître.
Le surlendemain, j’ai entendu qu’on avait retrouvé deux corps d’adolescents sur la plage blanche d’un îlot de lémuriens.
Je n’ai pas vraiment cherché à savoir si c’était les deux mêmes.
Je ne peux pas dire que Parfois le vide est né là, je ne pouvais pas à l’époque me projeter aussi loin, mais c’est ça qui me revient toujours à la gueule quand je vois un seul corps flotter sur n’importe quel océan.
Exodus, movement of Jah people !
Trop plein, le vide, parfois seulement, parfois…
Je gribouille ça en attendant, l’océan est dans les mots :
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Parfois le vide, c'est le récit d'un voyageur entre eau, terre et ciel, survivant ou noyé. Un de ces héros des tragédies contemporaines qu'on nomme "migrants", qui exercent leur liberté contre la violence des frontières. Un héros qui pourrait venir de partout et nulle part, avoir vécu toutes les traversées, tous les naufrages, toutes les dérives.
L'œuvre se présente comme un poème épique, dit et chanté, un oratorio qui renoue avec la tradition malgache : s'emparer en voix et musique du récit du monde. Ce chant lucide, amer et révolté mais non dénué d'humour, Raharimanana le livre en duo avec la chanteuse Géraldine Keller. Tao Ravao accompagne la scansion du récit, dont il souligne l'enracinement originel, tandis que les subtiles percussions de Jean-Christophe Felhandler nous invitent à l'écoute du vaste monde.
« Un personnage entre les eaux et le ciel, il est parfois oiseau, souvent noyé/nageur. Il va vers, ou peut-être qu’il fuit… on dit qu’il migre. Appartient-il à une terre, à un pays ? Mais il n’y a plus de pays depuis que les dirigeants ont vendu l’eau comme l’air, les dessous de terre comme les frontières, les dessous de ciel comme les horizons. »
Découvrez le spectacle Parfois le vide, au Théâtre d'Ivry Antoine Vitez : jeudi 16 mars, jeudi 22 mars, vendredi 23 mars, jeudi 29 mars, vendredi 30 mars & samedi 31 mars, à 20h.
Toutes les infos sur les réservations, accès, etc. : ici
Et autour des représentations :
* jeudi 22 mars 18h au bar du Théâtre, avant le spectacle, Laurence de Cock nous proposera un éclairage "histoire et mémoire" autour du post colonialisme, notamment à Madagascar, suivi d'un temps d'échange avec le public.
* jeudi 29 mars avant et après la représentation, débats, discussions animés par des associations malgaches : Laterit prod, Mémoires de Madagascar et Soamad (sous réserve).
*samedi 31 mars 18h : lecture par Isabelle Fruleux de textes en échos au spectacle : Frères migrants de Patrick Chamoiseau, des extraits de textes de Frantz Fanon et Aimé Césaire.
Le Théâtre Antoine Vitez fait hospitalité à toutes formes d’expressions sensibles, savantes et populaires, qui témoignent de la diversité culturelle à l’œuvre dans une société joyeusement cosmopolite. Cette diversité s’exprime notamment par l’ouverture à l’international dans tous les domaines de la programmation mais, avant tout, par l’accueil d’artistes aux racines rhizomes, insoumis à toute assignation à identité.