Il y a des moments où l’on joue à se regarder … le jeu de regarder le « je » ! Se découvrir, se raconter, s’écrire, se décrire. Pour exister. Pour se positionner dans la société. Pour partager ses ressentis. C’est ce que je comprends du parcours « s’écrire », l’un des six « parcours » de la Biennale des écritures du Réel proposé par le Théâtre La Cité à Marseille.
S’écrire, c’est poser des mots sur un réel souvent dur, c’est assumer des réalités de notre monde et de son monde, les partager, les dédramatiser et les comprendre pour mieux les soigner.
Le Cabaret de la Madone, c’est l’histoire d’un jeune homme homosexuel, portée brillamment par Bastien Poncelet. Cheveux courts et torse nu, seul sur scène, vêtu d’une robe fleurie, le comédien incarne le personnage : un homme en robe qui nous raconte l’aventure homosexuelle de sa vie, qui se décrit et écrit un parcours semé d'embûches, de sensibilités et d’incompréhensions. Il nous fait part de ses peurs, de ses aspirations, de ses rêves, ses désirs et ses craintes. Les freins, la société, les parents, mais aussi la volupté, le sexe, la tendresse. … Et le regard des autres, de la société. Bref, quelque part, un hymne à la liberté. Les pieds ancrés dans le parcours des écritures du réel, il s’écrit et nous fait partager une vision sensible de sa vie, ou plutôt SA vision sensible de LA vie.
En plein spectacle, il interpelle une personne dans le public. Qui donc ? Ben moi !! (Juste moi !) Une prise à partie pour me présenter à ses parents. Au beau milieu de la représentation, je vis cet échange comme un moment magique, bien entendu intimidant et drôle, avant que l’artiste ne reparte dans ses extravagances et dans son univers écorché.
Pour ma part, à vous dire franchement, je suis assez indifférent à la problématique de l’homosexualité, de l’homophobie, LGBT et tout ça… Ni pour, ni contre. Pour moi, le sujet n’est point plus qu’un point d’interrogation, un questionnement pour lequel je n’ai aucun avis, ni d’ordre éthique, ni philosophique ou pseudo scientifique. En effet, pour moi, un humain est un humain !
Néanmoins, la proposition que nous fait le Cabaret de la Madone, m’a sincèrement interpellé. Elle met une couche originale, non pas sur la problématique stricto sensu, mais sur la façon dont les protagonistes la vivent, comment ces « humains » vivent de l’intérieur le regard que porte sur eux la société, la dureté pour ne pas dire la « durceur » dont fait preuve notre civilisation pour intégrer tout ce qui diffère de ses normes… antagonisme parfait avec des sensibilités différentes mais trop facilement jugées déviantes. Un spectacle qui vise à réconcilier deux univers. Réconciliation, c’est, à très juste titre, le nom de la compagnie menée par Frédérique Lecomte.
Juste avant ce Cabaret de la Madone, le public a assisté à une projection du documentaire époustouflant de Benjamin Géminel et Tristan Thil « Congo Paradiso », où l’on voit la même Frédérique Lecomte appréhender sur le terrain, les enfants soldats du Congo. Scènes de vies issues de conflits ethniques… bouleversant. Une autre expérience de réconciliation, cette fois touchant les représentations des enfants guerriers, rendue possible grâce à la mise en place d’un accompagnement et d’une théâtralisation de leurs vécus… de leurs « s’écritures ». Jackpot ! Job is done… bravo Madame Lecomte. Bravo aux écritures du réel qui réussissent ensemble à transmettre à travers la culture du vivant, rires, pleurs, émotions, pour en arriver à la prise de conscience et à la réflexion.
Et c’est ça qui compte, merci madame Lecomte.
Alain Devaux

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