Le marché paysan de la Friche se termine, les derniers fromages, dernières confitures se déposent dans les paniers de chacun, de chacune. À côté, peu à peu, une file se dessine avec beaucoup de jeunes, d’amis, de couples. On entre, on s’assoit et on regarde devant soi.
Une batterie s’emballe : une femme frappe sur ses percussions. Elle nous impose un son lourd et percutant. La pièce de théâtre se déploie dans un ensemble géométrique, une forme de tétris ou des pièces matelassés se déplacent, s’entrechoquent, tombent. On y voit tour à tour un café, un bureau, un lit, une salle de bain. La musique, elle, nous accompagne, nous surprend et nous révèle la teneur émotionnel de l’espace que l’on a face à nous.
Deux couples se forment, se rencontrent et se créent sous nos yeux : Rachida et Liam, Annie et Pascal. Lorsque l’un des couples s’anime, l’autre s’éteint. On passe d’une lumière à une autre. De l’ombre à l’impasse.
Les voix sont fortes et singulières. Leurs débits, leurs impossibilités de dire ne nous empêchent pas de comprendre la violence qui se tisse. Elle se construit, se nourrit. Elle ne sort pas de nulle part. Elle est là, sous nos yeux. La violence pèse sur les corps, elle les écrase jusqu’à les empêcher de se tenir debout.
Les rires, silences et doutes se font de plus en plus insupportables. Ils sont la preuve qu’il est parfois plus simple de se détourner, de ne pas écouter, de ne pas croire. Lorsque la pièce se termine, on est le souffle coupé face à la démonstration. Ce qui se joue dans cette pièce, ce sont des choses de l’amour du quotidien, dans sa banalité et son ordinaire, avec son lot d’humiliations, de disqualifications.
Ce qu’on voit, c’est comme étouffer l’autre c’est le nier. Le réduire à néant. Alors en sortant du grand plateau, on a envie de se dire qu’il a des moyens de voir, autour de nous, chaque nous, des indices sur cette violence. Et que pour cela, il nous faut, toutes et tous, ne pas détourner le regard.
Myriam - 31.03.2022
