Dans votre costume de garnison
Vous n’entendiez pas
Mère, père
Que votre fille dépérissait
Dans la courroie du désespoir et de sa solitude
Le ventre plein d’un enfant à venir
Parfois la famille est une arène de mort où excellent les conventions
Le voisinage est un bunker
Dans vos costumes de retenue
Vous ne voyiez pas
Papa, maman
Que votre fille mourait
Son ventre qu’elle voulait lui cacher
Cet homme, mari, compagnon, petit ami debout y déchargea sa haine antique et capricieuse
Un homme ultra, intrinsèquement misogyne
Un supporter de sa détestation d’elle
Dans votre costume de cour
Vous n’entendiez pas
Juge, avocat général, jurés
Les lentes plaintes des femmes derrière les murs de briques
Des hurlements cassés par des débris de verre
Leur patience surnaturelle presque pathologique
Leur aveuglement, leur déni
Où sont vos peines et vos verdicts
Et qui protégez-vous
Dans vos habits de bleu, de blanc, de rouge
Vous n’entendiez pas
Policières, gendarmes, pompiers
Non, vous ne vouliez pas entendre cette pollution hideuse de l’humanité
Cette violence cancéreuse qui décompose tout organe vital petit bout, par petit bout
Voici des victimes métastasées, brûlées à vif de vos moqueries et de vos défiances
Dans vos habits aseptisés et sanitaires
Vos regards bleus, vos regards noirs
Médecins, infirmières, dentistes
Femmes et hommes du soin
Vous n’avez rien constaté
Les coups sur les corps, les corps sous les coups
Les traumas en millefeuilles, une attaque de panique
Des preuves – parfois rien – pas de traces – l’invisible catastrophe rampe
Elle est là, seule et froide, sur la table d’autopsie, froide
On lui enlèvera les viscères et le bébé aussi
Valérie Secco - 30.03.2022

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