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Billet de blog 16 mai 2022

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Scènes de violences conjugales

Ce texte a été écrit suite à la représentation de la pièce « scènes de violences conjugales » de Gérard Watkins menée par la troupe Perdita Ensemble, diffusée les 28 et 29 mars à la Friche la Belle de Mai à Marseille dans le cadre de la Biennale des Ecritures du Réel.

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Quel moment ! 

Une heure avant le spectacle, la terrasse du bar de la Friche est pleine, comme à son habitude. Un public hétéroclite, calme et agréable, qu’on sent déjà acquis à la cause. Je rentre dans la salle. Impossible d’ignorer la batterie immergée dans une scène constituée d’un décor minimaliste : une estrade triangulaire surélevée de quelque dizaine de centimètres qui occupe une majeure partie du plateau.

À peine le temps de s’installer et « bim ! ». Un solo de batterie propulse le public dans l’univers de deux couples et de leurs deux histoires. Deux histoires d’amour distinctes qui vont, bien évidemment au vu du titre du spectacle, se détériorer peu à peu. Et ben oui ! Avec ce titre qui fait référence à la série des 70’ d’Ingmar Bergman « scènes de la vie conjugale », la problématique est d’entrée de jeu explicitement posée. 

Deux rencontres, deux histoires, deux tranches de vies, quatre protagonistes d’univers différents vont évoluer tout au long des deux heures dans des destins croisés... dont les conséquences seront similaires, ou du moins comparables. Témoignage poignant de la tristesse de nos mœurs conditionnées par les égos de petits machos et par l’ostentatoire carence d’écoute qui se transforment en redoutables explosifs. Bref, une transcription originale du sujet qui n’occulte ni l’amour, ni le narcissisme, ni la folie sous-jacente à l’engrenage de la violence. Une écriture de scènes de vie, de vies. Une écriture du réel qui s’inscrit de fait et en toute logique dans le parcours « s’écrire ».  Écrire et raconter des situations, écrire et raconter les gens. S’écrire et oser se regarder. 

Ainsi, durant tout le spectacle, va s’écrire et se décortiquer la genèse et l’escalade sournoise de la violence conjugale. De fabuleux textes justes et efficaces, assortis de punch-lines pertinentes, parfois même très drôles qui tranchent avec le sujet aussi sensible. En dépit de mots légers et de situations anodines ou drôles, la pièce nous tient la boule au ventre du début à la fin. Pour ma part, parfois même à la frontière du supportable… Mais ça c’est parce que je suis un garçon sensible… Trois ou quatre personnes quittent même la salle. Je ne saurais dire leurs raisons. Pour ma part j’ai adoré. Emotionnellement, ça l’fait ! Je n’ai pas vu les deux heures passer. 

À la fin du spectacle, chacun m’a paru conquis. Moi j’ai kiffé, même si j’entends aussi une amie, une ancienne travailleuse du social porter un regard mitigé, surement à cause de la complexité du sujet qu’elle connaît parfaitement et qui ne peut, pour elle, être traitée en si peu de temps.  N’empêche que moi, j’ai kiffé. À la sortie, donc, on croise les comédiens, radieux et légers. Ils semblent satisfaits. Étonnant passage de la fiction à la réalité qu’est le théâtre et la mise en scène de ses histoires !

Ainsi, au travers des histoires de ces deux couples qui se chevauchent sans pourtant interagir, « Scènes de violences conjugales » est une fiction accrocheuse et réaliste. Au-delà de la simple condamnation des « bourreaux », elle est une invitation à faire sortir les mots inavouables ou plutôt inavoués et à offrir des pistes de reconstruction aux victimes. À mon sens, c’est là que la culture prend son sens fort : faire réfléchir et montrer des ouvertures à une thématique.  « S’écrire » et l’assumer... Un des piliers de cette biennale des écritures du réel. Incontestablement, les organisateurs ont réussi ici leur pari de nous y immerger sans retenue. Et ça me laisse « cent voix ».

Alain - 30.03.2022

Illustration 1
© Elena Mazzarino

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