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Billet de blog 13 janvier 2017

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[Article] On habite tous un pays qui s'appelle le théâtre

C'est par ce premier billet que commence notre traversée sur le blog au cours de laquelle nous parcourrons les thématiques qui traversent ce cycle Césaire autant que la scène qui le porte.

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Illustration 1
Christian Schiaretti à la table avec les comédiens © Michel Cavalca

Tel que le rapporte Daniel Maximin, une des injonctions du poète était « faites votre part », et c'est ce que à travers la tenue de ce blog nous prétendrons faire, proposant un parcours sans cesse renouvelé, dont le seul enjeu sera d'ensemencer et de faire germer la lucidité parfois pour trop décourageante des œuvres de Césaire en « quête d'amour » selon l'intuition proposée par Olivier Borle, interprète du Cahier, dans son rapport le plus intime à l'œuvre...

« On habite tous un pays qui s'appelle le théâtre »

 C'est avec ces mots simples et justes que le directeur et metteur en scène du TNP, Christian Schiaretti rassemble autour de l'œuvre du poète martiniquais Aimé Césaire, l'équipe permanente du TNP et tout un collectif d'artistes pour étreindre l'œuvre de ce poète-colibri, poète-colibri selon l'image qu'en donne Daniel Maximin, collaborateur à la dramaturgie sur Une Saison au Congo et la Tragédie du roi Christophe, dans son recueil L'Invention des désirades, dans la section « Nous », au poème Colibri : 

« Colibri cœur foufou,

oiseau jamais posé sur son désir

 aimer ne suffit pas il faut dire que tu aimes. »

 Le cycle Césaire a commencé au début du mois de décembre 2016. Au demeurant, le projet était déjà esquissé depuis quelques années à travers la production d'Une Saison au Congo qui avait été montée en mai 2013 et qui a été reprise pour une série de huit représentations pour commencer cette aventure autour de l'œuvre de Césaire. Pour parfaire ce cycle s'est ajoutée une mise en scène du Cahier d'un retour au pays natal par Olivier Borle qui assurait également le jeu et qui vient de se terminer le 7 janvier pour sa dernière représentation. Le cycle va trouver son point d'orgue à travers la création de La Tragédie du roi Christophe par les mêmes comédiens que sur Une saison au Congo parmi lesquels se trouvent des comédiens du collectif Béneeré.

 Le collectif Béneeré avait créé en grande part un spectacle mis en scène par Philippe Vincent en mars dernier. Il s'agissait de Total(e) Indépendance au théâtre du Point du Jour ; sa force satirique et le cynisme comique qu'il contenait résonne secrètement avec le lyrisme exalté d'Aimé Césaire et son ironie féroce notamment lorsqu'il évoque à travers les grands épisodes de la décolonisation, l’obsolescence programmée des mouvements d'émancipation. Cette lucidité politique du cycle est partagée par l’un des comédiens Marc Zinga qui tenait le rôle de Patrice Lumumba dans Une Saison au Congo et qui interprétera dans la Tragédie du roi Christophe le rôle-titre ; il explique ainsi : « Je regarde l’histoire comme un ensemble de paradoxes qui avancent, c’est-à-dire que l’histoire se construit sur des chocs, des unions, des désunions, mais à l’échelle de peuples, de civilisations ; de leur rapport à leur culture et aussi dans les rapports de domination qu’ils exercent les uns sur les autres ».

Il apparaît donc comme une urgence politique de faire résonner les œuvres pour trop méjugées de Césaire. Christian Schiaretti insiste pour sa part sur le choc que le discours de Dakar en 2007 du président de la République de l'époque avait provoqué chez lui : « C’est une chose qui m’avait choqué en soi parce que je trouve que le blanc ne connaît pas l’Histoire africaine, et que la réciproque est surtout vraie.  Et que la seule façon de répondre à ce type d’assertions c’est de donner un cours d’histoire aux blancs. »

En outre, le cycle Césaire au-delà de cette nécessité politique s'affirme aussi comme un chavirement poétique ; et de fait pour Césaire la poésie est bien cette " parole essentielle" qui s'immisce entre les silences séculaires imposés aux peuples et les bavardages des faux discours pour en dévoiler les connivences sanieuses. Christian Schiaretti résume cela assez bien : pour lui le théâtre de Césaire est « un théâtre qui tend à une sorte de thématique poétique trempée dans le politique ou une thématique politique trempée dans le poétique », avec toute la polysémie de ce terme qui au sens technique signifie précisément tremper du fer et le plonger tout rouge dans de l'eau préparée pour le durcir. C'est précisément ainsi que l'on forge les épées, et la voix du poète de s'exclamer dans le Cahier d'un retour au pays natal : « Donne à mon âme la trempe de l'épée... »

 Raphaël Baptiste

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