Cécile, Sylvie, Sandrine et Aladin enseignent dans le même établissement, le Lycée général et technologique Joseph Desfontaines de Melle dans les Deux-Sèvres et sont syndiqué·es à SUD éducation et sont convoqué·es en conseil de discipline à partir du 12 octobre prochain. Trois de ces enseignant·es sont suspendu·es depuis le 9 mars dernier dans l’attente de cette procédure disciplinaire, la quatrième a appris sa convocation le 15 septembre.
C’est leur engagement qui est en cause et c’est un « exemple » que cherche à faire le ministère.
Dans leur établissement, la combativité a en effet été de mise face à la réforme inégalitaire du lycée : par la grève des personnels comme par les mobilisations des élèves comme de leurs familles.
Début 2020, les épreuves des E3C (épreuves communes de contrôle continu) sont contestées par des actions collectives portées, là encore, par les enseignant·es comme les lycéen·nes soutenu·es par leurs parent. Il est important d’insister sur le fait que ces actions étaient bel et bien décidées et assumées collectivement.
« Pas de vagues »
Rappelons quand même la réponse des autorités de l’éducation nationale face à ces mobilisations démocratiques et légitimes. Le 3 février, c’est le jour de passage des E3C (on appréciera au passage la ponctualité de leur aspect « continu ») au Lycée Desfontaines. 40 gendarmes sont devant l’établissement pour en imposer la tenue aux récalcitrant·es. Il n’y a pas de faute de frappe et on peut l’écrire en toutes lettres : on parle bien de quarante gendarmes.
Les élèves sont enfermés à clé dans leurs salles de classe, les portes coupe-feux sont entravées pour empêcher toute « fuite ».
Ce n’est sans doute pas un hasard si le Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail départemental de l’éducation nationale s’est penché sur la gouvernance de cet établissement. Il y a identifié en avril dernier un « pilotage autoritaire et sans dialogue [qui a] fortement dégradé la santé mentale et physique de nombreux personnels ».
Tout cela est notoirement documenté (voir par exemple sur cet article « 3 + 1 de Melle : retour sur les faits », et la série de liens qui l’accompagne, publié le 3 octobre sur le site de SUD éducation 93).
On se souvient du « #PasDeVagues », qui dénonçait la posture managériale en vogue parmi les cadres intermédiaires de l’Éducation nationale, toujours soutenus par leur hiérarchie et le ministère : la convocation en conseil de discipline d’enseignant·es et de syndicalistes, de celles et ceux qui relèvent la tête et refusent de taire les défaillances de leurs autorités, ajoute l’arsenal de la répression au mépris institutionnel.
C’est pour cette raison que le 12 octobre nous serons devant le Rectorat de Poitiers en soutien à nos camarades, avec la Fédération SUD éducation.
L’acharnement
Ce n’est pas la première fois que des équipes et des militant·es syndicalistes sont visé·es par des procédures dans lequel s’implique directement le ministère. Un ministère qui sous la houlette de Jean-Michel Blanquer semble entretenir une véritable obsession à l’encontre de SUD éducation.
Citons d’abord les amalgames, approximations et mensonges colportés depuis 2017 au sujet des stages antiracistes du syndicat SUD éducation de Seine-Saint-Denis. Et ce jusque devant l’Assemblée nationale… et sans succès aucun devant la justice.
En 2019 encore c’était la répression frappant quatre syndicalistes du Collège République de Bobigny, dont trois membres de SUD éducation, aboutissant à la mutation de deux d’entre-elles « dans l’intérêt du service ». C’est en réalité dans l’intérêt bien compris d’un Rectorat de Créteil acquis aux restrictions budgétaires et à la gestion autoritaire des contestations.
Citons ici, livrée à la revue Les Utopiques, l’analyse de Jules Siran, co-secrétaire fédéral de SUD éducation : Le Collège République de Bobigny « apparaît comme une pépinière de militant·es SUD éducation, avec différentes générations qui se côtoient ; d’autre part, le syndicat a toujours fait confiance à l’équipe syndicale du collège, en mandatant un nombre important de camarades sur différentes responsabilités, internes ou externes. (…) C’est donc bien une équipe militante combative qui est attaquée, autour d’une identité SUD éducation bien constituée. »
(Jules Siran, « Anatomie d’une répression syndicale au collège République de Bobigny », Les Utopiques n°13, printemps 2020)
Le 6 février 2020, sur RTL n’hésitait pas dénigrer publiquement les propos tenus par une syndicaliste et à déclarer que « quand SUD éducation dit quelque chose c’est en général l’inverse de ce qu’il faut faire ».
La juxtaposition des faits autorise à penser, en toute sincérité et raisonnablement, que le syndicalisme qu’incarne SUD éducation est la cible du ministère de l’Éducation nationale et qu’il s’agit délibérément d’entraver son développement et son action.
Mais les équipes et les militant·es de SUD éducation, parce que légitimes sur le terrain, ne sont pas isolé·es. Le soutien intersyndical, à tous les niveaux, a toujours été de mise : à SUD éducation 93 attaqué pour ces stages antiracistes ; aux camarades du Collège République de Bobigny ; et aujourd’hui aux 4 de Melle.
Les équipes et les militant·es de SUD éducation (parmi lesquel·les je suis fier de compter) n’abdiqueront pas dans leur combat pour la défense intransigeante du service public d’éducation, de celles et ceux qui y travaillent et y apprennent. Nous n’abandonnerons pas notre volonté de bâtir une école de l’égalité et émancipatrice pour toutes et tous.
Le titre de ce billet évoque un livre consacré à la répression ayant touché en 1989 sept syndicalistes postiers du Centre de tri de Lille-Lezennes, menacés de révocation… alors qu’ils contribuaient à créer un nouveau syndicat, SUD PTT.
Fédération SUD-PTT, L’Acharnement. Chronique de la répression des 7 postiers de Lille-Lezennes, Syllepse, 1993.

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