Le confinement n’est pas un choix. Ou plutôt, il nous a été imposé par d’autres choix : ceux de politiques d’État qui n’ont eu que les dogmes capitalistes pour boussole. Pour qui la santé publique était « trop chère ». Pour qui les profits des uns (une minorité) valaient plus que la sécurité sanitaire des autres (l’écrasante majorité).
C’est parce que nous n’avons pas le service public de santé que nous devrions avoir, parce qu’il a été saccagé méticuleusement, année après année, que nous devons le subir. C’est parce que les industries dédiées à la santé publique (celles qui fabriquent les masques par exemple...) ont été négligées, abandonnées, détruites, que nous devons le supporter. Et c’est bien pour cela que la crise épidémique pose aujourd’hui crûment la question de l’appropriation sociale de l’ensemble de ce secteur et des industries qui lui sont liées.
Si celles et ceux qui nous soignent et nous protègent en appellent à respecter le confinement du mieux possible, c’est à cause du mépris et de l’indigence dans laquelle les ont laissé les pouvoirs successifs, et elles et ils n’hésitent d'ailleurs pas à rappeler les responsabilités criminelles des gouvernants.
Car le confinement n’est pas « romantique ». Pour beaucoup il est est un désastre social, fait de crainte de lendemains, de restrictions et de manques, de violences.
Alors s’il faut « déconfiner » ce sera dans l’auto-défense sanitaire face à un État défaillant. Ce qui veut dire poser des conditions pour assurer la sécurité de toutes et tous et maintenir les activités et services publics nécessaires. Ces conditions, se sont celles et ceux qui travaillent et qui font vivre la société qui peuvent les poser et en décider, établissement par établissement, service par service, entreprise par entreprise, atelier par atelier.
Un mois.
S’il a véritablement lieu le 11 mai, nous avons un mois pour échanger avec celles et ceux qui vont partager avec nous ce déconfinement. S’il faut qu’un contre-pouvoir s’exerce, c’est bien dès aujourd’hui et plus encore à ce moment-là. Nous pouvons, nous devons faire vivre pour ça un engagement social et populaire, au travers des outils et organisations qui sont les nôtres et dont nous nous sommes doté·es : syndicats, associations, collectifs militants.
Les écoles, les collèges, les lycées, généraux, technologiques et professionnels, sont un des espaces du déconfinement qui touchent et regardent l’ensemble de la société. Les mettre au service de l’intérêt général en accueillant plus et mieux et en sécurité les écolier·es, collégien·nes, lycéen·nes qui en ont indéniablement besoin, oui. Les réouvrir sans protections pour des « intérêts extérieurs à ce qui est vital et nécessaire pour la population », ça n’est pas acceptable.
Les parents d’élèves et les élèves, les personnels enseignants et éducatifs, administratifs, ouvriers, d’entretien : toutes et tous ont leur mot à dire et leurs droits à la santé et à la sécurité à faire valoir. Elles et ils connaissent, mieux que quiconque, leurs écoles, leurs établissements : à elles et à eux de décider du périmètre, des conditions et des exigences du déconfinement.
Le texte ci-dessous, élaboré collectivement dans mon syndicat SUD éducation, veut y contribuer en pointant quelques premières exigences.
T. R.
Déconfinons pour les bonnes raisons et dans les bonnes conditions
La « continuité pédagogique », imposée dans la précipitation et l’improvisation, a creusé les inégalités : bien des élèves n’ont pas eu accès à l’école depuis le 16 mars, alors, oui, notre société doit trouver le moyen de rétablir le service public d’éducation. Mais le 11 mai, c’est précipité !
Parce que cela ne doit pas se faire n’importe comment ni à n’importe quel prix, et toujours avec pour priorité absolue la sécurité sanitaire de toutes et tous. Pour SUD éducation c’est aux personnels et aux usagères et usagers du service public d’éducation de décider des conditions du retour en classe.
• « Obligatoire » ? « Pas obligatoire » ? Dès le lendemain de la déclaration présidentielle du 13 avril, le ministre Blanquer semblait bien incapable d’apporter des précisions sur la réouverture des écoles et établissements annoncée pour le 11 mai. Allons-nous revivre la cacophonie vue à l’œuvre en début de confinement ?
Le ministre a annoncé se donner deux semaines pour organiser la reprise dans les établissements et les écoles qui pourrait être « progressive » et « différenciée ». Quoi qu’il en soit, le calendrier présidentiel et la date annoncée d’une réouverture le 11 mai ne sauraient se soustraire aux exigences de sécurité. Force est de constater pour l'instant qu’un déconfinement à cette date serait prématuré en l’état actuel des avis scientifiques comme de la réalité sanitaire.
Dès maintenant, nous appelons les personnels et les usagères et usagers à réfléchir et décider ensemble, école par école, établissement par établissement, des conditions nécessaires à un retour assurant la sécurité sanitaire de toutes et tous.
SUD éducation a des exigences et les rend publiques dès aujourd’hui :
• Priorités en termes d’accueil : au-delà des enfants de soignantes et soignants, nous estimons nécessaire d’ouvrir un service d’accueil pour d’autres catégories d’élèves. Les jeunes isolé·es étranger·es, les élèves en situation de souffrance et celles et ceux n’ayant pas accès à internet doivent en bénéficier. Cela doit se faire dans des conditions de sécurité sanitaire pour les élèves accueilli·es comme pour les personnels, pour lesquels le volontariat doit être à l’heure actuelle la règle.
Quant aux priorités d’accueil dans les premier et second degrés, elles ne doivent pas être subordonnées à des intérêts extérieurs à ce qui est vital et nécessaire pour la population.
Dans le second degré, la reprise ne saurait être un prétexte pour « noter » le troisième trimestre en prévision du Bac des élèves de Première et Terminale et du Brevet des élèves de Troisième. Délivrer les diplômes à l’ensemble des candidats l’ayant préparé semblerait une solution plus juste, n’imposant pas une reprise des cours précipitée. La situation sanitaire le justifie pleinement.
Dans notre département, il a fallu un mois pour que les conditions sanitaires de l’accueil des enfants de soignant·es soient réunies par l’Éducation nationale et les mairies.
Alors nous avons bien compris que pour le gouvernement il s’agit en réalité d’accueillir d’abord les écoliers et écolières pour « permettre » aux parents de retourner au travail. Mais la « priorité » de la « relance économique », dès lors qu’elle est synonyme de dividendes pour les actionnaires, n’est pas la nôtre.
Avec notre Union syndicale Solidaires, nous continuons d’exiger aujourd’hui l’interruption des activités non-vitales, que les arrêts de travail pour garde d’enfants soient assurés avec une prise en charge à 100 %, que le chômage partiel soit pris en charge à 100 %, que le droit à l’emploi soit garanti pour toutes et tous.
• Pour un retour sous conditions de protections : l’éducation déconfinée va être un des principaux secteurs avec concentration de personnes. Il y a un peu plus de 130 000 élèves dans les premier et second degré du Loiret et un peu plus de 10 000 personnels et agents.
Ne transformons pas le secteur de l’éducation en nouveau « cluster » !
Si l’enjeu est d’éviter un retour de contamination en même temps qu’un retour dans les écoles et les établissements alors il faut des tests et dépistages réguliers, des masques en nombre suffisant, des moyens de décontamination (gel hydro-alcoolique, savon) pour l’ensemble des élèves et des personnels. L’entretien, le nettoyage et la désinfection régulière des établissements seront également décisifs : il faut des embauches conséquentes pour l’assurer, sans surcharge de travail pour les personnels actuellement en poste !
La question du transport des élèves comme de la restauration doit également être interrogée du point de vue de la sécurité sanitaire.
• Pas toutes et tous et pas en même temps : SUD éducation demande la mise en place de jauges limitées dans les écoles et les établissements, mais aussi dans les classes. S’il faut assurer un accueil au-delà des publics prioritaires, alors dans chaque école, dans chaque établissement, il ne doit pas y avoir l’ensemble des effectifs, élèves comme personnels, présent en même temps.
Cela nécessité d’instaurer des emplois du temps aménagés pour les classes, qui peuvent se faire avec des rotations sur des demi-journées ou une partie de la semaine... afin que toutes et tous ne soient pas en cours en même temps. Ce qui implique de ne pas assumer les horaires « normaux », tant pour les élèves que pour les personnels : la situation épidémique l’exige.
Par ailleurs, dans les années à venir ce virus sera toujours là : la nécessité de recrutements massifs est d’autant plus urgente dans l’Éducation nationale.
• Pour une mise en sécurité des écoles et établissements : Les bâtiments de nos écoles et établissements doivent être adaptés à un retour en situation épidémique. Cela veut dire identifier école par école, établissement par établissement des « points de contacts » qui peuvent être contournés et/ou neutralisés par des dispositifs de sécurité sanitaire.
Dans notre secteur, les seul·es représentant·es en CHSCT ne peuvent effectuer ce travail : il n’y a des CHSCT qu’à l'échelle départementale et avec 7 représentant·es du personnel y siégeant seulement. C’est donc directement aux personnels et aux représentant·es des parents et élèves d’identifier les mesures à prendre et d’en décider.
Si ces conditions ne sont pas réunies, SUD éducation soutiendra les personnels qui exerceront leurs droit de retrait. Et un préavis de grève sera déposé pour couvrir les personnels qui refusent de travailler sans que ces conditions soient remplies.
SUD éducation Loiret, le 15 avril 2020