Oui, désagréable parce que décidément cette affaire des retraites, çà me gène, çà me met dans l'embarras le plus total.
Un peu comme si j'avais le sentiment sournois que mon moi intérieure est pour, pour cette réforme, pour les 64 ans voir les 67...
Pour tous.
J'vous l'avais dit en débutant cette chronique, j'allais déplaire et me faire de nombreuses inimitiés, mais bon, au moins ma prise de position est elle absolument claire, sans hypocrisie ni calcul politique.
64, voir 67 ans pour tous, comme en Allemagne, c'est pas une idée sotte au fond. çà a le mérite de dire les choses, et de poser clairement, le débat : la retraite pour qui, et pourquoi ?
De dire les choses d'abord :
Qui profite réellement et pleinement de la retraite en France ?
Les femmes seules qui élèvent leurs enfants ?
Les précaires ? Ces fameuses deuxièmes lignes auxquels on promet des vieillesses dignes à un age plus précoce parce qu'elles mourront un peu plus tôt que les autres ? Ces gens modestes auxquels on enjoint déjà si durement de travailler, fusse au prix d'un travail sans intérêt, et de prélèvements sociaux si délirants qu'ils rendent déjà la survie sociale presque impossible ? Ces gens qui sont déjà au chômage à 55 ans et dont personne ne veut ?
Bah non, ceux là "izonkabosser !" Cabossés, direz vous ?
Vous ne voulez toujours pas bosser jusqu'à 67 ans comme en Allemagne, en Hongrie, parce que vous êtes précisément cabossés ?...
Mais qui s'en soucie ?
Qui se soucie d'une situation sociale déjà si désastreuse ?
Qui s'inquiète depuis déjà des décennies de ceux qui vivent avec 560 € par mois ?
Mieux : qui se préoccupe de leurs vieux jours, à ceux là ?
Et pire, qui s'émeut vraiment d'avoir aujourd'hui à parler à une caisse automatique alors qu'il y a seulement quelques années il discutait au moins quinze seconde avec la caissière ?
Magasins sans personnel, usines automatiques ou massivement délocalisées, précaires systématiquement contraints aux temps partiels imposés et disons le sans doute aux emplois plus ou moins "gris" ?
Il y a du pain sur la planche, mieux il y a des souffrances en souffrance et allez savoir pourquoi j'allais écrire ce mot en le divisant en deux.
En deux ?
Bah, oui, réfléchissez, je pense que vous verrez assez vite ce à quoi je fais référence !
A moins, à moins que vous fassiez preuve d'une cécité inquiétante !
On vient d'annoncer, je crois, que le RSA allait augmenter (j'aime bien les deux derniers mots de l'acronyme, solidarité active, tu parles ! ).608€ Par mois et des années à errer dans les différents services sociaux où les gens vous regardent comme des pestiférés et vous traitent en gêneurs ou mieux, en parasite !
Il parait que des millions de gens sont touchés par cette "maladie" et là pourtant : silence !...
608€ par mois, çà toucherait déjà des millions de personnes !
Et je ne parle même pas là de leur retraite à ces gens là... On les attend au tournant !
Exclus, temps partiels subis, anciens chômeurs de longue durée (j'allais dire : anciens tôlars...)... Pas d'inquiétude, on ne les verra pas, eux, tout à l'heure, ils ont appris depuis longtemps qu'on se soucie bien peu de leur situation.
La preuve ? Je radote...
Et voilà, vous venez de le dire vous même, mieux vous l'avez déjà écrit dans les textes depuis longtemps, dans la vie sociale : la précarité est possible, "elle est même souhaitable dés lors qu'elle pousse les individus à se dépasser, à "travailler encore..."
Comment mieux installer, instiller dans la société l'idée qu'un nombre non négligeable de gens peuvent vivre avec des revenus indignes d'un grand pays ?
Comment mieux affirmer l'idée que tout salaire mérite travail ou tout au moins, je cite : "contrepartie" ?
Piégés, nous sommes piégés par nos propres principes, par notre adoration sans bornes pour le monde du travail et de l'effort ! Nous ne voudrions pas travailler plus mais nous ne sommes pas dérangés par l'idée de faire travailler les autres, y compris gratuitement (contre parties au RSA ?).
Voilà vous avez adopté, sans le dire, la réforme des retraites.
Parce que ne nous y trompons pas, la retraite de demain ce sont les prélèvements sociaux de demain, or la curiosité m'a conduit à me pencher sur ma fiche de paie et je me suis aperçu qu'on prélevait sur mon salaire plus d'argent qu'on ne m'en promettait pour ma retraite, demain...
Comment un tel contrat social peut il tenir sur la durée ?
Comment un tel contrat social peut il assurer aux uns, ce qu'il refuse obstinément à TOUT LE MONDE, tout en pillant le plus grand nombre ?
Mes questions sont sans aucun doute stupides, mes réflexions sont sans aucun doute péremptoires, mais à mon sens tant que nous ne nous pencherons pas sérieusement sur l'urgence sociale, celle du logement, celle de la survie des plus précaires, celle de leur assurance santé ... Nous ne pourrons pas construire un mouvement social crédible et surtout : audible ! La retraite ne pourra pas constituer un sujet social, fut il fédérateur, tant que nous n'aurons pas réfléchi et avancé des propositions de manière sérieuse sur celui de la pauvreté
Ne serait ce que pour éradiquer ce scandale (que personne ne condamne pourtant) des retraités pauvres !
La retraite est un sujet,un sujet éminemment social (tiens et si on s'intéressait de plus prêt à la situation et aux prélèvements sociaux des retraités actuels / Aux inégalités criantes qui existent déjà au sein de ce groupe ?)
Mais justement çà n'est pas un sujet d'urgence sociale, çà !
A moins, à moins qu'on cherche vraiment à abolir la pauvreté, la précarité énergétique et matérielle chez les anciens et à l'autre bout du spectre chez les jeunes (un élève sur dix ne mangerait pas à sa faim en France ! )
A moins qu'on ait à coeur d'engager enfin une marche solidaire vers l'idée du :"à chacun selon ses besoins" pour ne pas utiliser ce qui est devenu un gros mot "le socialisme"...
Vous rejoignant enfin dans la lutte, je vous dirai alors : "Chiche !"
Mais êtes vous capables de relever le défi et de redonner par ce biais un peu de fierté et de distance au mouvement social ? Etes vous capables de sortir réellement de cette ambigüité qui fait de la retraite un "système universel" dans lequel il faut paradoxalement capitaliser le plus de points possibles ?
Ah tiens et si on touchait là aux vraies limites de votre lutte et de votre discours ?
La retraite pour tous, c'est une idée si scandaleuse que cela ?
L'idée de travailler plus longtemps pour instaurer une véritable égalité entre tous les travailleurs et abolir la "retraite pauvre" est elle une idée choquante ?
Socialisme dépassé me direz vous ?
Tiens, tiens : et si on voyait là ressurgir les ambigüités d'un libéralisme que vous sembliez combattre quelques lignes plus haut ?
Qu'importe : nos mômes paieront...
...Enfin, on peut y croire...