thierry caron

Abonné·e de Mediapart

415 Billets

1 Éditions

Billet de blog 3 novembre 2018

thierry caron

Abonné·e de Mediapart

Coupable : mais qui ?

j'ai écrit un réquisitoire qui n'avait rien, rien, d'innocent, vous pouvez me croire. Il avait pour but d'attirer l'attention des gens sur des formes de handicap que l'on ne veut pas voir, ni surtout envisager ! Seulement voilà, même si la procédure parait quelque peu biaisée, j'ai pensé que ces "monstres" avaient droit à une défense qui, je l'espère, vous donnera à réfléchir....

thierry caron

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Non coupable

Ah monsieur l'avocat général j'ai écouté votre réquisitoire avec intérêt et avec beaucoup de colère tant j'ai pu y percevoir la volonté sociale d'obtenir des êtres parfaits, des gens sans défauts, des gens em... oserai je dire !

Mais non, non, je ne peux pas acquiécer à votre argumentaire : les gens sans mémoires ne sont pas des monstres, bien au contraire ils constituent sans nul doute aucun, la plus belle face de l'humanité dans la mesure où pour leur plus grand bonheur ils sont démunis de toute forme de rancune ! de tristesse ou de dépression !

Ils n'ont pas de mémoire et ne se souviennent pas de vous avoir vu il y a cinq minutes ?

Et alors ? C'est une occasion pour eux de vous redécouvrir, de vous voir sous un nouveau jour : de vous ré-imaginer j'allais dire de vous accueillir à nouveau !

Quel champ d'expérience inimaginable pour le Pardon !

Oui, oui, le pardon qu'ils vous accorderont eux de manière quasi automatique, d'une façon si spontanée qu'on pourrait voir là, au travers de leurs yeux, la face la plus heureuse de l'humanité : celle qui vit sans calcul, sans rancune, ni remords !

"Bien heureux, crétins parfaits" diront encore les "gens honnêtes" !

Mais de quel droit ?

Mais par quel sentiment de supériorité auto proclamé ?

Par quel mépris spécifique à l'égard de ces personnes qui ne sont pas sans souffrir parfois, lorsqu'il faut avouer l'inavouable, l'impensable ?

"Pardon monsieur : je suis totalement perdu, je ne sais plus ou je suis ni quel jour nous sommes, pourriez vous m'aider ?"

La phrase en fera fuir plus d'un, et les autres - tous les autres -Regarderont l'homme avec un tel mélange de pitié et de méfiance qu'il s'en trouvera bien peu pour se pencher sur les difficultés de cette personne...Perdue !

Rigolade, me rétorquerez vous ?

Essayez, vous !

Entrevoyez le sentiment d'insécurité qui peut vous saisir lorsque brutalement vous perdez vos repères les plus simples, et que vous errez dans une rue qui vous est pourtant connue, et que vous avez traversée des dizaines de fois !

Le danger est, croyez le, tout aussi immédiat que pour l'aveugle qui s'apprête à traverser au feu vert !

Perdu : un instant seulement la lumière s'est éteinte...Et tout a changé !

Voilà ce que vous décrivez comme un monstre monsieur l'avocat général, voilà ce que vous (et à travers vous la société) vient trainer en justice, en jugement social !

Vous ne pouvez ni concevoir ni entrevoir l'idée que ce qui vous est naturel, peut avoir été enlevé, ou jamais attribué à certains de vos semblables.

Où dans ces conditions se situe donc la culpabilité, mesdames et messieurs de la cour ?

Chez ceux que la nature, ou la violence de notre société, ont privé des outils les plus élémentaires, ou chez ceux, qui dotés de la raison la plus "parfaite" et la plus "saine" (prétendant à ce rang en tout cas), ont pourtant décidé à tout jamais d'exclure ces "albatros" dont il était question au début de ce débat ?

Qui dans ces conditions est coupable ?

 Pouvez vous me répondre : sans baisser la tête ?

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.