Lorsqu'un mal surgit chez un être sain et que celui ci guérit, on est d'abord saisi par la stupeur et l'inquiétude, puis mobilisé pour le soigner; et enfin préoccupé par son retour à la vie quotidienne, sa vie normale d'avant la maladie si j'ose dire ! Et sans doute que le souhait de tout malade est de retourner à cette vie normale en oubliant le plus vite possible, ce qui l'a couché là sur ce lit d'hôpital ! Et d'ailleurs, il est stupéfiant de voir comment les jeunes sujets parviennent rapidement à cet état de résilience, comme si la vie n'avait de cesse de reprendre ses droits !
Cette vie, que la maladie a prétendu leur interdire, ils viennent là, la croquer à pleine dent, et ce au plus grand plaisir de ceux qui ont été témoins de leur difficultés !
Cette capacité de résilience, si présente chez les jeunes et si douce au yeux des anciens qui les voient retourner à la normale, vient elle à nous manquer aujourd'hui ? Notre société vieillit elle; si vite, qu'elle est plus tentée par le replis sur soi et la commémoration que par la rage de défier ceux qui lui font du mal ?
C'est un peu l'idée que soutendent ces célébrations et commémorations permanentes ! Au nom d'un devoir de mémoire, bien compréhensible, on tend à oublier que le principal défi que nous devons lancer à nos ennemis consiste à leur suvivre ! Mieux, à réaffirmer haut et fort notre envie de vivre dans nos valeurs et ce malgré les immondes procédés qu'ils utilisent pour nous effrayer !
Nous pouvons effectivement revenir sans cesse sur les images de ces attentats, nous plaindre toujours des maux qui nous ont été causés, et pleurer à espaces réguliers sur nos morts, mais qu'est ce que celà nous apportera de plus ?
N'y a t-il pas danger à diffuser, ou plutot laisser infuser l'idée selon laquelle nous allons être en état de guerre permanent ? N'y a t-il pas un risque pour nos démocraties, à ressasser ces actions perpétrées par d'abominables crétins ? En d'autres termes : en répétant à l'infini ce deuil national, le danger n'est il pas immense de voir grandir un sentiment de haine déjà difu à l'égard de certaines communautés ?
A court terme je me demandais à qui pouvaient bien servir ces crimes, mais plus le temps passe, plus je me demande si ces derniers ne servent pas la cause d'un pouvoir autoritaire, plus que désireux de brider nos libertés et ruiner surtout notre volonté à vivre ensemble ?
Je n'en ai pas la certitude mais je ne pense pas que Charb et quelques autres auraient été heureux de nous voir pleurer devant leur tombe à espaces réguliers ! Peut être qu'ils auraient même été choqués par l'idée que l'on puisse leur rendre des honneurs militaires !
Je ne partageais pas leur goût pour la dérision à tout prix mais si telle était leur philosophie et si telle est notre soif actuelle d'humour, alors cessons ce bal macabre, cette commémoration infinie ! Non seulement elle masque la chance que nous avons, nous, d'être en vie, mais en plus elle tend à justifier des mesures de plus en plus liberticides que le gouvernement voudrait prendre au nom de notre protection éventuelle ! On parle aujourd'hui de restaurer le controle aux frontières, on voit l'armée patrouiller dans nos rues armée jusqu'aux dents, on renforce sans doute de manière inquiétante nos services de renseignements...
Quelle sera la prochaine mesure ?
Et surtout, face à la folie meurtrière d'une poignée de malades, celle ci sera t-elle d'une quelconque utilité ?
Allons, le mieux qui pourrait nous arriver aujourd'hui, ce serait de prendre le parti d'en rire, d'en rire aux éclats justement ! Ce serait de regarder des caricatures (peut être ?) de nous interroger sur d'autres modes d'expressions à utiliser pour ridiculiser nos ennemis et nous affirmer in touchables ! Bref se serait sans doute de récuser d'abord et avant tout ce tout sécuritaire qui pourrait bien étendre ses tentacules bien au delà de la sphère du terrorisme !
Histoire de ne pas tomber justement dans le piège que nous tendent ces soit disant soldats : celui d'apparaitre aux yeux du monde comme un Etat policier !