Monsieur le Président :
je le confesse sans retenue, je suis un fils de riche et pire encore je suis un ancien enfant qui n'a jamais brillé par ses études. Autant dire que quand la question de l'emploi s'est posée, mon entrée et mon maintien dans un milieu professionnel ont été des plus délicats ! Je comptabilise ainsi tellement d'années de chômage que personne dans ma famille ne m'a jamais vraiment compris, jusqu'au jour où...
Un bilan professionnel, puis à force d'insister : des examens médicaux ont mis à jour ce que les spécialistes nomment aujourd'hui "un lourd handicap invisible" ! La galère a été sans précédent dans ma famille : des semaines d'examens, une opération spectaculaire, et tout çà pour m'entendre dire que les lésions acquises ne disparaitraient pas !
Je n'ai pas voulu croire les médecins, et quelques semaines après l'opération, j'ai repris un travail, dans le bruit, le froid parfois, et l'affluence, le plus souvent, et tout çà parce que l'idée d'être au RMI, à l'époque, me paraissait insupportable (comme à vous monsieur le Président !)
Trois mois plus tard, à bout de force (et parce que la saison commerciale se terminait), j'ai perdu mon travail !
On m'avait alors supprimé le RMI, remis en cause mes droits à la sécurité sociale, et mieux encore, j'avais à payer tous les mois une mutuelle qui me coutait une fortune !
Là encore si je n'avais pas vécu à l'époque chez mes parents ( trop conscients de mes difficultés) je n'aurai pas survécu à cette affaire, et tout çà parce que j'avais fait le choix du "travail à tous prix" !
Je crois, monsieur le Président, que votre parcours et votre idéologie vous aveuglent : vous êtes sans doute le plus parfait produit de la méritocratie à la Française . Penchez vous cependant, un peu, sur l'histoire et les parcours de ceux que vous fustigez à longueur de discours ! çà n'est pas un gros effort, en fait, inspirez vous de Saint Louis, si l'image vous parle. Vous comprendrez sans doute alors combien il est difficile de seulement se lever le matin quand on en a perdu l'habitude. Vous comprendrez peut être ce désespoir de ceux qui feuillettent tous les jours les offres d'emploi, et qui n'en conçoivent en retour que l'idée qu'ils ne sont pas assez beaux, assez jeunes, assez intelligents, pour pouvoir satisfaire aux exigences qui leurs sont opposées ! Vous comprendrez même le comportement de cet enfant sauvage à qui l'on offre brutalement un lit et des vêtements, et qui paradoxalement continue à dormir chaque nuit amen le sol !
Aujourd'hui, j'ai, malgré toutes mes difficultés, un toit et un travail (et après quel parcours !) et quand il m'arrive de pleurer sur mon passé une petite voix me rappelle : "tu te souviens où tu te trouvais le 8 Juillet 1998 ? Tu as vu le chemin parcouru ? alors ta gueule ! Relève la tête et n'ai pas honte de ton passé" (même si le système social actuel, s'apprête à te le faire payer très cher !) !
En fait, personne ne devrait avoir honte de son passé, surtout pas les chômeurs. La seule chose qui leur reste, souvent, c'est un peu de dignité, de quel droit un citoyen lambda, fut il président de la République, pourrait se sentir autorisé à la leur ôter ?