Comme tout le monde j’ai vu les images de cette professeure agressée par ce m… avec un pistolet factice. Comme tout le monde, je me suis senti mis en danger, insulté, scandalisé, et pour tout dire dans une colère sans nom. Comme tout le monde…Mais.
Mais voilà, je me demande à quoi çà sert de montrer tout çà, pire je me demande à quoi çà sert de se montrer courroucé face à l’innommable, face à l’insupportable tant ce genre de choses est devenu d’une banalité déconcertante.
Oh, je plains cette professeur, certes.
Mieux : j’admire son sang-froid et son calme face à son agresseur…
Mais, excusez-moi, en quoi cette scène est-elle vraiment exceptionnelle ?
Si l’on excepte le recours incroyablement débile à la vidéo et à internet pour fixer l’évènement, je doute malheureusement que le fait en lui-même soit vraiment un « scoop ». Pour tout dire j’ai même peur qu’il constitue le quotidien de certains professeurs dans quelques établissements « bien situés ». Les coups, les insultes, les menaces (y compris, les menaces de mort) n’ont malheureusement plus rien d’exceptionnel, malheureusement ! Derrière ce que l’on appelle laconiquement « les incivilités » les élèves (parce que c’est d’eux dont il faut parler) ont, en effet, pris l’habitude de se livrer à une guerre d’usure qui rend possible le genre de dérives auxquelles nous avons assisté !
Pour sûr que le « jeune chérubin », une fois rendu, ne s’est peut être même pas aperçu de l’extrême gravité de son geste !
Il n’a pas tué le professeur (heureusement ! ), non, il s’est sans doute livré à un pari, ce qui pourrait bien justifier la diffusion de l’évènement sur internet, de manière à être payé, le cas échéant par ses commanditaires (c'est une supposition). Mais surtout qui peut croire qu'une simple mauvaise note ou une simple admonestation ait pu, à elle seule, expliquer un tel passage à l'acte ?
L’histoire de la note ?
C’était juste un prétexte qui ne peut nous en apprendre sur la raison pour laquelle l’élève s’est présenté dans l’établissement avec une arme (fut-elle factice). C’était juste un moyen d’éviter qu’on aille chercher plus loin une explication bien plus sinistre, bien plus dégueulasse en fait ! Une explication qui ferait du nombre de vues sur le net, un moyen bien pratique d’arrondir ses fins de mois, par exemple !
Parce que, certes, le pôvre petit homme avait peut-être de quoi être contrarié par ses notes lamentables, mais la présence de la vidéo diffusée sur le net, relève d’une toute autre intention, et elle peut être jugée encore plus gravement que l’acte en lui-même !
Parce que même, en admettant que le « gentil petit garçon » ait été une victime de l’horrible arbitraire professoral, le fait que l’auteur du délit et son vidéaste se soient permis une telle action, une telle mise en scène, et une telle production (!) laisse entendre que l’oppression pourrait être du côté de l’institution et de son représentant alors même que l'oppresseur se trouve de l'autre coté du révolver !
Une manière bien seyante, en faite, d’enrober une action criminelle en mission héroïque de libération : « élèves de tous les pays : unissez-vous ! »
Et là les côtés abjectes et dérisoires de la mission apparaissent clairement
Abjectes parce que l’élève s’érige en juge auto proclamé de sa professeur et de l’institution. Abjectes parce que celui-ci et son vidéaste humilient de manière irrémédiable une professeur certes, mais aussi une femme, ce qui est un élément aggravant dans le réquisitoire que l’on pourrait bientôt leur adresser. Abjectes, enfin, parce que l’acte et surtout sa « production sur le net » retentissent comme autant de menaces à l’égard de tout un corps de métier : « tremblez professeurs, vos élèves vous menacent ! » On conduirait ainsi nombre de professeurs ou d’aspirants tels à abandonner leur métier parce que leurs élèves supposés n’en vaudraient pas la peine !
Pas la peine !
Non, non, je ne parle pas ici de celle que l’on infligera, je l’espère, à ces deux infinis crétins, je parle de celle que ressentent en silence tous ces professeurs et plus largement tous ces personnels d’éducation, parfois harcelés, quelque fois humiliés, et frappés par des élèves qui ont acquis au cours du temps un sentiment d’impunité. Je parle aussi, ici de tous les autres enseignants, qui fiers de leurs actions, se trouvent tout à coups découragés par de tels drames….