Thierry PELTIER (avatar)

Thierry PELTIER

Enseignant retraité, père de 6 enfants... amateur d'actualités et d'analyses politiques sérieuses

Abonné·e de Mediapart

83 Billets

1 Éditions

Billet de blog 7 août 2013

Thierry PELTIER (avatar)

Thierry PELTIER

Enseignant retraité, père de 6 enfants... amateur d'actualités et d'analyses politiques sérieuses

Abonné·e de Mediapart

Le syndrome de l'amict

Thierry PELTIER (avatar)

Thierry PELTIER

Enseignant retraité, père de 6 enfants... amateur d'actualités et d'analyses politiques sérieuses

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Savez-vous ce qu’est l’amict ?

Il s’agit d’un vêtement liturgique blanc de forme rectangulaire que le célébrant noue autour de son cou et sur ses épaules.
L’introduction au Missel Romain (2002) dit à son sujet :

336. Le vêtement sacré commun à tous les ministres ordonnés et institués, de tout degré, est l’aube, serrée autour des reins par le cordon, à moins qu’elle ne soit confectionnée de manière à adhérer au corps même sans cordon. On met l’amict avant de revêtir l’aube, si celle-ci ne recouvre pas parfaitement l’habit commun autour du cou.

On y voit donc son utilité : « cachez-moi cet habit « commun » que je ne pourrais voir ».

M’interrogeant sur le pourquoi d’un tel rite, m’est venue à l’esprit toute une série de faits qu’on a essayé de cacher dans l’Eglise tant, il s’agissait, pour les responsables religieux, de continuer à paraître parfaits. Or, « l’habit commun » de l’Eglise, c’est le même que tous ses membres : fragiles, fautant, hésitants, doutant… etc. Mais tout ce « commun », il ne faut pas qu’on le voie. Alors, on étend un amict.
La pédophilie chez les religieux : Amict. Et quand l’amict se déchire, s’use, se troue… Le « commun » apparaît. Alors, on essaie à tout prix que ce soit la plus petite partie du « commun » qui apparaisse, sans jamais montrer toute l’ampleur du problème.

Les richesses de l’Eglise, les compromissions avec le pouvoir de la finance : Amict. Par toutes sortes de petites phrases toutes faites, du genre « Les richesses du Vatican sont des objets ou de l’argent dont personne ne voudrait ».

Les collusions avec des dictatures dans le Tiers-Monde : Amict. Il suffit de dire que « la théologie de la libération » est condamnée par l’Eglise !

Les excès d’autorité, qui sont hélas, fréquents : Amict. Et l’on voit des évêques déclarer sur Tweeter : « Les catholiques deviennent la cible désarmée d'une ultra minorité de citoyens violents et intolérants, promus et adulés par le gouvernement. » L’amict consiste là à inverser les rôles. A se déclarer victimes, alors qu’on a passé des mois à vilipender les partisans d’un mariage pour tous… L’amict, ici aussi, c’est d’essayer de faire passer des arguments qui n’en sont pas vraiment.

La vie hésitante, parfois troublantes de certaines communautés nouvelles : amict. On lâche le moins possible sur ce qui s’est passé, ce qui se passe encore chez les Légionnaires du Christ, dans la communauté des Béatitudes et dans la Famille Saint Jean. Employant une langue de bois très habituelle pour certains, on continue à cacher le nombre de victimes, la nature des faits : on en dit le moins possible.

Amict aussi sur la quasi-absence d’aide aux filles-mères, alors qu’on se dit et redit que l’avortement est un crime.

Amict également sur la troublante Prélature Personnelle de l’Opus Dei. Surtout ne pas faire savoir que celle-ci a aidé le Vatican à payer des sommes faramineuses pour éteindre les actions des victimes de la pédophilie des prêtres aux USA.

Amict encore sur le fait que l’abbé Pierre a courageusement confessé qu’il avait transgressé son obéissance à la chasteté. L’amict, dans ce cas, consiste à n’accepter aucune demande de béatification. Or cette « faute », tout le monde le sait, est commise par d’innombrables autres prêtres ou religieux qui, eux, par leur silence n’empêchent aucun dossier de canonisation de s’ouvrir.

Amict aussi sur les agissements d’un nombre considérable de prêtres, de religieux, de religieuses, qui soumis à leur homosexualité, on des comportements que nul n’ose laisser voir. Or ces agissements existent. Il y a une vie souterraine dans les séminaires, les cures, les couvents, les abbayes… qui est systématiquement cachée.

Amict aussi sur le problème de ces prêtres qui n’ont plus la force du tout de faire du bon boulot, qui sont inactifs, qui ne prient plus et dont l’enthousiasme s’est éteint. Ils sont très nombreux et personne n’en parle.

Amict enfin sur ces religieuses ou ces vierges consacrées qui se retrouvent enceintes, parfois même, en ayant pris l’initiative d’une relation amoureuse et qu’on envoie au loin pour leur accouchement…

Bien d’autres amicts sont tendus chaque jour : on ne critique pas un prêtre ou un évêque, alors que Vatican II nous le demande, quand la critique est fondée. On ne critique pas le pape, ce serait montrer notre désinvolture face à l’Eglise. On ne pose pas de question sur le financement des JMJ, des voyages pontificaux, sur l’utilisation de l’argent récolté…

On en finirait presque par soupçonner l’Eglise de ne faire que ça : passer une énergie folle à étendre des amicts sur le « commun » de l’Eglise.

Et pourtant, Jésus n’a jamais dit que l’Eglise devait paraître irréprochable… Jamais non plus, il n’a interdit pour elle de se montrer vulnérable. C’est tout le contraire : il a fustigé l’hypocrisie.

Alors, Messieurs les Prélats, je vous demande de ne plus croire qu’il faut un « ornement liturgique » sur nos faiblesses. Laissez les amicts à la sacristie. Ouvrez vos coeurs pauvres et humbles, fêlés, brisés ou blessés… Redécouvrons ensemble la vraie joie du pardon, laissons Dieu remplacer nos coeurs de pierre par des coeurs de chair. La Résurrection, n’est-ce pas une « pierre qu’on a roulée »… ? Ce serait tellement plus chouette si vous nous disiez en paroles et en actions que l’Eglise du Christ n’est vraiment pas parfaite… qu’elle a un chemin à parcourir et que nous ne parviendrons à avancer que si nous tendons à être vrais, quelle que soit notre place.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.