
Tu as voulu prendre quelques jours de vacances en Espagne. Nous, tes parents, on voulait bien. Tu nous as donné ton emploi du temps et nous en avons été édifiés. Mais tu n’avais pas dit que tu avais aussi donné rendez-vous à tes potes et qu’ils étaient plus d’un million. Enfin…, il paraît qu’ils se sont pas trop mal tenus. On a rien à leur redire. Mais tu aurais pu être un peu plus discret, non ? Sais-tu que toutes les télévisions du monde t’ont suivi pendant ton séjour à Madrid ? Là aussi, on a rien à te dire parce que en gros, tu as été exemplaire : tu as toujours répondu quand on te disait bonjour et tu as remercié gentiment tous ceux qui t’ont fait des cadeaux. A propos, tu en as reçus énormément de ces cadeaux : où veux-tu que nous rangions tout cela dans notre maison ?
Mais notre plus grande préoccupation n’est pas là. Tu as bien fait de te déplacer dans une voiture spéciale avec des vitres de 3 cm d’épaisseur pour qu’aucun projectile, même percuté par une arme à feu, ne puisse t’atteindre. Tu as bien fait aussi d’entourer ta petite voiture d’un chapelet de gardes du corps. J’en ai compté 16 sur les images de la télévision. C’est bien ça ? Ils avaient l’air très sérieux dans leur aspect et très attentifs dans leur fonction.
Nous désapprouvons par contre le fait que tu aies passé toute la soirée de samedi et la matinée de dimanche en plein vent… Le fait qu’on ait appelé ce terrain-là « plaine des quatre vents » aurait dû éveillé ton attention. Tu aurais pu nous revenir avec une fameuse bronchite et à ton âge, tu le sais, ça pardonne rarement… Sois plus prudent la prochaine fois et mets l’écharpe que nous t’avions donnée !
Et à propos de prudence, nous avons quelque chose de grave à te reprocher. Ta petite voiture avançait souvent très lentement. Mais pas toujours ! Et puis suppose que dans la foule de tes amis se glisse quelqu’un d’armé et de malveillant. Suppose qu’il tire dans ta direction. Que ce serait-il passé ? Oui, nous savons, ton chauffeur avait l’ordre d’accélérer brutalement pour te conduire soit à l’hôpital, soit dans un abri. Mais quand on roule vite, Benoît, que risque-t-il d’arriver ? On risque de devoir freiner brutalement. Et alors, Benoît ? Et bien, tu aurais été brutalement projeté tête en avant sur ta vitre blindée bien plus dure que ton crane… C’aurait pu être… mortel, Benoît ! A quoi servirait tes 16 gardes du corps ? (Nous te rappelons que nous les avons comptés !) De plus, tu t’es payé un siège qui n’est pas du tout réglementaire. Oh oui, bien sûr : il pouvait monter et descendre. Il pouvait même pivoter sur place. Mais aucune trace de la moindre ceinture de sécurité dans ce bolide… Il y avait toujours un ou deux ecclésiastiques avec toi dans ta voiture. Ils étaient assis plus bas que toi mais nous les avons vus. Et eux non plus n’avaient pas de ceinture bouclée. C’est une négligence impardonnable. Non seulement le code de la route l’impose, mais jamais, nous ne t’avions permis de voyager sans ceinture bouclée. Qu’as-tu fait de l’éducation que nous t’avions donnée ?
C’est très beau d’interdire le préservatif. Mais cela ne te donne pas le droit de négliger ta ceinture de sécurité. Des milliards de personnes t’ont vu dans cette impardonnable négligence. Beaucoup ont dit qu’ils voulaient t’imiter. Tu imagines la responsabilité que tu as maintenant. Si un seul de ces petits se tuait sur la route à cause d’une ceinture non bouclée, tu pourras être accusé de meurtre. Pire, d’assassinat parce que cette exception dans ton comportement était le signe d’une préméditation certaine. Nous ne sommes pas contents du tout, Benoît… Essaie de faire une déclaration dans laquelle tu demandes pardon pour ton comportement irresponsable… Et surtout, à l’avenir : mets ta ceinture, Benoît !