Tout commence il y a trois ans lorsque Yannick Moreau [rectifié grâce à la vigilance de Dalila Mouarfa, merci à elle] l'ancien maire des Sables d'Olonne a décidé d'installer une statue de saint Michel terrassant le dragon sur le parvis d'une église du même nom. Saint Michel, c'est-à-dire une figure de la mythologie catholique (et donc une figure religieuse). Sur le parvis d'une église, c'est-à-dire sur la voie publique.
(Pour information, cette statue se trouvait auparavant dans la cour d'une école privée catholique où, assez normalement, elle ne gênait personne, jusqu'à ce que l'école en question soit démolie : le résumé ici.)
Saisie par la Fédération Nationale de la Libre Pensée (FNLP), le tribunal administratif de Nantes a fort logiquement ordonné le déplacement de la statue au motif que son installation est contraire à la loi du 9 décembre 1905 sur la séparation des Églises et de l'État, tout particulièrement de son article 28 qui pose qu'il est interdit, à l'avenir, d'élever ou d'apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit, à l'exception des édifices servant au culte, des terrains de sépulture dans les cimetières, des monuments funéraires, ainsi que des musées ou expositions. C'est clair, c'est simple, et on voit mal par quel moyen l'affaire aurait pu être jugée différemment.
Fin de l'histoire ? Pas du tout, bien au contraire.
La cathosphère la plus réactionnaire et la réacosphère plus ou moins catholique ont enfourché leurs grands chevaux et embouché les trompettes de la défense de l'éternelle civilisation française (chrétienne, ça va de soi) pour harceler littéralement la page Facebook et le compte Twitter de la FNLP de Vendée. Bon, jusque là, on pourrait se dire que tout est normal : la FNLP veille au respect de la laïcité (mais j'y pense, que faisait donc le préfet ?), les catho-réacs hurlent au martyre et (innovation appréciable) à la cancel culture made in Wokistan (ben oui, les catho-réacs se tiennent au courant ds dernières modes), tout baigne.
Le nouveau maire, Yannick Moreau, s'offusque, refuse de s'exécuter, fait appel et prévoit d'organiser un référendum local pour déterminer si les Sablais·e·s sont ou non favorables au maintien de la statue sur le parvis de l'église : ce référendum n'a aucune valeur, ni n'empêchera aucunement de déplacer la statue si (comme c'est tout de même assez probable) le jugement de première instance est confirmé.
Certains candides pourraient s'étonner qu'on n'entende pas beaucoup (c'est une litote) les réacpublicains du type Printemps républicain, Marianne, Blanquer & Schiappa Inc. ou Enthoven (liste non exhaustive), et rien non plus (j'ai vérifié) sur le site de Riposte laïque qui n'a décidément jamais mieux mérité son surnom de Riposte raciste.
Tout cela, c'est sans compter le retour de flamme maurrassien du moment. Que croyez-vous que fit Zemmour ? Eh bien c'est tout simple, il est allé aujourd'hui aux Sables d'Olonne défendre un potentat local qui semble disposé à s'affranchir des lois et de la constitution. Comme il dit, "ça n'a rien à voir avec la laïcité". Ben voyons ... Plus c'est gros, mieux ça passe, pas vrai ?
La laïcité, oui, bien sûr. Le déboulonnage des statues et la destruction de notre civilisation chrétienne, jamais.#SablesdOlonne pic.twitter.com/E6RI4Yo5Nb
— Eric Zemmour (@ZemmourEric) January 8, 2022
Incidemment, je suis tout de même pas qu'un peu surpris que Mediapart n'ait (sauf erreur de ma part) pas jugé utile de se pencher sur cette affaire.