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Billet de blog 23 août 2011

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L'affaire Strauss-Kahn, ou comment s'en dépêtrer

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C'est emmerdant, cette affaire Strauss-Kahn. C'est emmerdant du début à la fin. Par quelque bout qu'on la prenne, elle devrait obliger à réfléchir de manière pondérée, même si la simple observation montre que c'est plutôt le contraire qui se produit.

Voilà qu'aujourd'hui le procureur Vance renonce à poursuivre pour des motifs, me semble-t-il, fort respectables : après tout, nous sommes assez nombreux à considérer que ce n'est pas à l'accusé de faire la preuve de son innocence, mais bien à la justice de faire la preuve de sa culpabilité. Or c'est très exactement pour cette raison que Vance a jeté l'éponge, parce qu'il lui paraît impossible d'administrer cette preuve. Du point de vue de la justice, on devrait s'en réjouir sans beaucoup d'arrière-pensée : comme disait l'autre (oui, mais qui ?), "je préfère savoir dix coupables en liberté qu'un seul innocent en prison".

Sauf que ça ne marche pas. Et si ça ne marche pas, c'est qu'il demeure aussi la possibilité que Diallo ait bel et bien été violée. Ce ne serait pas la première fois qu'une victime de viol n'est pas premier prix de vertu mais, quelles que soient ses éventuelles turpitudes, un viol reste un viol. Or, et c'est bien là que ça coince, on se retrouve dans la situation beaucoup trop fréquente où la victime du viol est obligée de se justifier : sur ce coup-là, je me retrouve plutôt bien dans le communiqué de Marie-Georges Buffet.

Au fond, dans cette histoire parfaitement sordide, nous ne saurons jamais la vérité, et c'est bien là que le bât blesse. Notre culture juridique française nous mène à considérer qu'une décision de justice établit la vérité vraie, et on se rappelle combien Patrick Dils (par exemple) a eu de difficultés à faire reconnaître son innocence. Dans l'affaire Strauss-Kahn telle que nous avons pu la connaître (c'est-à-dire, en général, d'assez loin tout de même), nous avions deux risques également insupportables : qu'un innocent soit condamné ou qu'une victime subisse un déni de justice. C'est bien ce qui fait que la décision de Vance ne peut en aucun cas satisfaire le sens de la justice (la catégorie morale) tout en étant la seule acceptable du point de vue de l'exigence de justice (l'institution sociale). En l'espèce, la justice étasunienne prend acte de l'impossibilité d'établir la vérité. Par comparaison, dans l'hypothèse où la justice française aurait été saisie d'une telle affaire, la conclusion aurait tranché en délivrant un verdict ou un non-lieu.

Et justement, cette histoire devrait avoir eu un autre mérite, celui de nous faire réfléchir aux mérites comparés des justices étasunienne et française. De la justice étasunienne, soyons honnête, nous n'en connaissons souvent que la version cinématographico-télévisuelle ou les cas au bas mot problématiques (par exemple, celui de Troy Davis). Or nous avons pu nous rendre compte qu'il arrive qu'elle soit exemplaire et pas aussi désinvolte que nous le croyons souvent, moi le tout premier : certes, le soupçon de justice de classe, voire de race, existe (et je le partage) et je doute qu'elle eût été aussi précautionneuse si l'accusé avait été noir et pauvre et la plaignante riche et blanche. J'ai été assez réservé sur les velléités de réformes du système judiciare par Sarkozy, notamment tendant à le faire pencher vers un système plus accusatoire. Or je me rends compte que ce système peut n'être pas aussi pervers que je l'avais cru, même si nous savions déjà que la procédure inquisitoire peut produire des erreurs judiciaires tout aussi retentissantes.

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