Sophie Calle et moi: deux Monique, deux cancers et un cimetière. Art et vie.

Monique ou Rachel, la mère de Sophie Calle, morte d'un cancer du sein et enterrée au cimetière de Montparnasse en 2011. Monique, compagne de Thierry Briault, morte d'un cancer du sein et enterrée à Montparnasse en 2010. Le père de Sophie Calle, est un oncologue qui dirigea le service de l'hôpital Pierre et Marie Curie, où fut aussi soignée Monique ma compagne. Il est connu maintenant comme un grand collectionneur d'art contemporain, collection qu'il aura commencée pendant sa carrière de cancérologue. Il fonda et dirigea le Carré de Nimes, et sa fille qui lui doit sa vocation, ne fit des oeuvres que pour les montrer à son père.
Monique Stobienia offrit une peinture au service d'oncologie. Elle avait aussi transformé la salle de bain de sa chambre en atelier de peinture.
Sophie Calle en parallèle: Elle exposait à Beaubourg en 2003-2004 alors que nous faisions, Monique Stobienia et moi, la vitrine de la librairie des Presses Universitaires de France, Place de la Sorbonne, avec des portraits de Derrida. Sophie Calle y avait aussi sa vitrine à côté de nous avec son visage sur l'affiche caché par une main. Cela faisait suite au dialogue que j'avais organisé avec Derrida et Balibar deux ans auparavant dans le même lieu.
Et Derrida était déjà malade, fin 2003.
Sophie Calle aura fait comme il se doit de ses éléments biographiques douloureux avec sa mère, une oeuvre d'art conceptuelle, agrémentée de performances, d'installations, le tout consigné par écrits. En se rendant d'abord en procession chaque année sur la tombe de sa mère au cimetière de Montparnasse. Imaginer ce que je fis pour ma part.
Mais surtout elle réalisa une exposition d'art contemporain. Et filma les derniers moments de sa mère à l'hôpital.
Je peignis des anges à la demande de ma compagne, sept visages pendant une semaine, sur chaque face du cercueil, un pour chaque jour, et son portrait sur le couvercle.
Monique me dit ces derniers mots: "Tes yeux. -Quoi mes yeux? -Je veux voir avec tes yeux". Comme un Dibouk de la peinture.
Le père de Sophie Calle est mort maintenant, et l'artiste qui créait toute son oeuvre pour son père, pour lui plaire, se trouve désorientée.
Une monographie vient de sortir où s'expose entre les pages cette logique d'esthétisation des plus littéraires et si peu plastique.
Art et vie.
Donc, Monique enterrée au cimetière de Montparnasse, et décédée à Curie où elle a laissé un tableau, etc. Divorcé, le père de Sophie Calle voulait se faire enterrer avec sa fille et sa nouvelle femme alors que Monique Rachel voulait être enterrée avec sa fille et son nouveau conjoint. Sophie Calle aime beaucoup le cimetière de Montparnasse, qu'elle a fréquenté jeune avec son père. La Monique Rachel a souhaité des funérailles gaies agrémentées de textes drôles de son cru lus par sa fille. On résistera à la duchampianisation du lieu que projette Sophie Calle. Evidemment les sculpteurs y sont nombreux, et Baudrillard qui a collaboré avec Sophie Calle s’y trouve inhumé, ainsi que Tzara.
Mais là n'était pas la question que je voulais soulever: je voulais souligner le parallèle, c'est-à-dire la non rencontre absolue de deux types d'artistes. On reprend?