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Billet de blog 10 décembre 2016

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Vuitton n'est pas Chtchoukine.

Il faut voir la collection Chtchoukine, assez impressionnante. Mais combien différente de la collection Vuitton!

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Vuitton n'est pas Chtchoukine.
Il faut voir la collection Chtchoukine, assez impressionnante. Mais combien différente de la collection Vuitton! Chtchoukine est à Vuitton ce que l'art moderne est à l'art contemporain. Quel plaisir de ne voir qu'une seule grande et belle continuité picturale, non sans la force irruptive de la création moderne, le surgissement des registres formels, et sans plus être détourné par les facéties dadaïstes et surréalistes; telle l'uchronie d'une autre histoire de l'art qui n'aurait jamais vu naïtre l'anti-art, cela aussi fait du bien.
Un jour prochain peut-être verrons-nous se poursuivre cette histoire véritable des maîtres du haut musée jusqu'à nous, jusqu'à notre époque.
Et le continuum propre à notre art. L'immanence retrouvée de l'histoire des formes.
Ici l'unité rassemble les impressionnistes et les constructivistes.
D'autant qu'il s'agissait d'une oeuvre d'art totale, la collection Chtchoukine prenait place dans un hôtel particulier de style baroque, les tableaux tapissaient les murs du palais, sertis de volutes dorées, de consoles, de rocailles, de cartouches charnues. Oeuvre d'art totale au sens de l'unité recherchée par Michel Ange dans la chapelle des Médicis à Florence, qui avait prévu des peintures en plus de l'architecture et des sculptures existantes. Oeuvre d'art totale comme un projet du groupe De Stijl.
Lors de la révolution russe, Chtchoukine fut exproprié par le gouvernement bolchevique, sa demeure et sa collection, nationalisées, devinrent le premier musée d'art moderne de l'histoire. Une transformation due à la femme de Trotski.  Trotski aimait Picasso en qui il voyait l'instabilité de la révolution permanente. La révolution permanente, fut-il remarqué, donna la gloire à Picasso et coûta la vie à Trotski.
Arnault n'est pas Chtchoukine. Non seulement parce que la collection du milliardaire français reproduit le goût du tout-venant des institutions dadaïstes, alors que Chtchoukine fait figure d'un courage et d'une originalité rare pour l'époque. Mais aussi parce que même une nouvelle révolution anticapitaliste ne ferait pas grand chose de sa banale collection. Et une nouvelle révolution artistique privilégierait sans doute autre chose. Or la collection Chtchoukine n'est que peinture, la collection d'Arnault n'est qu'installation et art conceptuel. la référence aux grands peintres incontournables de la modernité prouve bien ce qu'il en est.
Pour rompre le mirage de cette exposition légitimante du capitalisme esthète qui accumule les oeuvres néo-dadaïstes, rappelons l'existence d'une exposition qui eut lieu il y a un an, censée démontrer de la même façon les liens, les analogies, entre l'art moderne et l'art contemporain, entre le grand art moderne du XXème siècle, et son héritage usurpé par l'art contemporain soutenu à bout de bras par des filiations captieuses, des lignes fallatieuses.
Retournons encore avant cela, sur les noms choisis pour la présentation scénographique de la collection Chtchoukine, dont l'exposition est un exploit, reconnaissons-le, même si elle reste à compléter. Il y a "Le portrait de la peinture". Portraits de jeunes femmes prétexte à la peinture. "La quatrième dimension", expression plus malheureuse en ce qu'elle ressort d'une lecture déjà un peu conceptuelle de la peinture...

Cf. notre article sur "Les Clés d'une passion": Dadaocapitalisme (2)

https://blogs.mediapart.fr/thierrybriault/blog/101216/dadaocapitalisme-2

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