J'ai vu à la télé
Deux pieds sans chaussures
Deux chaussures sans pieds
Une plage sans visage
Entre deux publicités
Dans la lumière éteinte
Le ressac des yeux fixes
Échoués sur l'écran
La mort d'un enfant
Miroir indifférent
Qui sont les réfugiés?
Ces gens qui fuient leur pays détruit par la guerre. La réponse est simple.
Ces gens qui traversent comme ils peuvent un bras de Méditerranée pour au mieux s'échouer sur une île grecque. La réponse est simple.
Pour au pire passer par-dessus bord de leur bateau de fortune, s'étrangler dans l'eau glaciale qui remplit leurs poumons, se noyer, mourir noyés dans la mer. Pour quelquefois réapparaître inertes sur une plage, leur corps mort immortalisé par un photographe, retransmis en boucle à la télévision. Le ressac des yeux fixes. Des yeux échoués sur nos écrans, des yeux immobiles qui nous assaillent chaîne après chaîne, jour après jour, une marée d'yeux morts. La réponse est simple.
Qui sont les réfugiés?
Ces gens assis devant leur écran. Ces gens qui regardent d'autres gens traverser un bras de mer, ces gens qui regardent les yeux des survivants, les yeux des morts. Qui y voient leur reflet, renvoyé par la vitre de la télévision. Eux aussi ont les yeux fixes. Ils ont peur. Ils se cloîtrent en Europe. Ils ferment leurs frontières. Ils se réfugient chez eux.
Qui sont les réfugiés?
Ces gens réunis à Bruxelles, ces gens qui ergotent sur la répartition des survivants, qui décident de quel pays doit accueillir cent quarante-trois ou quatre cent dix-neuf Syriens, qui n'ont aucune intention de respecter leurs accords, qui rétablissent les contrôles aux frontières, qui renforcent les contrôles au faciès. Qui laissent la Grèce crouler sous la masse d'arrivants quotidiens. Qui détruisent Schengen. Qui détruisent l'Europe.
Qui n'est pas réfugié?